dimanche 2 mai 2010

Petit lexique à l'usage de tous (sauf de mes élèves) (6)

Retour sur l'ordre alphabétique pour évoquer un autre nom d'animal généralement employé comme insulte:

BLAIREAU: en noms d'oiseaux, cela signifie "m'as-tu vu", quelqu'un qui se la joue, un "cave", comme aurait fait dire Audiard dans un de ses dialogues. Pourtant à moi, ce nom évoque plutôt l'instrument ressemblant à un pinceau ventru dont mon père encore se servait pour faire mousser la crème destinée au rasage. J'en aimais l'odeur et aussi le toucher, doux et qui chatouille agréablement. Image aussi du roman de Allan W. Eckert, La Rencontre, dont j'ai déjà dit dans ce blog tout le bien que je pensais.

BUTOR: Le Petit Larousse en dit qu'outre l'oiseau échassier voisin du héron, il s'agit d'un homme grossier et stupide. Quel âge avais-je lorsque je découvris ce nom, mais avec une majuscule et accolé au prénom Michel, en lisant un roman que je n'ai jamais oublié: La Modification? 18 ans? 20 ans? Et le film: Emmanuelle Riva, Maurice Ronet, les deux amants, lui quittant sa femme et prenant le train pour Rome afin de la rejoindre! "Vous avez mis le pied gauche sur la rainure de cuivre, et de votre épaule droite vous essayez en vain de pousser un peu plus le panneau coulissant." J'envie mes enthousiasmes de cette époque.

CHIEN: je l'aime, cet ami de l'homme, le meilleur selon moi. Je n'ai jamais compris qu'il puisse être détrôné par le cheval. "Nom d'un chien", "un temps de chien" (expression étrange puisque la "canicule", l'inverse du temps de chien, a pour étymologie "la petite chienne", une constellation dont on disait que son apparition annonçait de fortes chaleurs. Mais n'anticipons pas: "chien" n'est pas "chienne" et rendez-vous au prochain mot). Traiter quelqu'un de chien , c'est dire son avarice. Pourquoi? Bizarrement, le chien, selon les époques ou les lieux, évoque un aspect bénéfique ou maléfique. Deux exemples seulement: dans le culte à Mythra, le chien est associé, en tant que symbole du mal, à deux autres animaux dont on comprend mieux qu'ils se trouvent là: le serpent et le scorpion. Pourtant, dans la religion chrétienne, c'est lui qui apporta à Saint Roch malade de la peste et réfugié dans une forêt de quoi se nourrir quotidiennement. On ne peut imaginer une statue de Saint Roch sans son chien à ses côtés.

CHIENNE: variante du précédent? Pas vraiment! "Chienne de vie!", mais aussi femme un peu trop chaude, un peu trop empressée à satisfaire le désir de ces messieurs qui, ensuite, les ingrats, lui lanceront cette insulte au visage. Si ça vous intéresse, tapez "chienne" sur Google et vous verrez: c'est impressionnant!

CHAMEAU: méchant, désagréable, cherchant à faire mal. Pour moi, c'est aussi l'animal en carton mâché recouvert d'une sorte de texture veloutée que nous mettions dans la Crèche quand j'étais petit, au moment de Noël, ou un peu après, lors de l'arrivée des Rois Mages. Le bœuf et l'âne tenaient le devant de la scène et jouaient les importants, couchés dans la paille. Lui, le chameau, était toujours debout, un peu en retrait, et il fallait le caler contre le papier rocher qui abritait la Sainte Famille et figurait davantage une grotte qu'une étable: dans ses nombreux voyages, dans ses nombreux Noëls, il avait perdu une patte, un bout de patte, que nous avions plusieurs fois tenté de réparer avec une allumette mais sans résultat probant. Je n'ai jamais su à quel moment mes parents se sont débarrassés de cette crèche et de l'ensemble de ses personnages. Auquel de leurs nombreux déménagements? Pour quelle raison? Aujourd'hui, je ne sais plus à quoi ressemblaient les autres. Seule me reste en mémoire la figure de ce chameau boiteux. Il était mon préféré. J'aurais dû me méfier.

5 commentaires:

magoua a dit…

J'aime bien ce bestiaire et je me permets d'y ajouter quelques chienneries de la langue québécoise. C'est qu'être chien ici c'est aussi être un salaud qui peut vous chienner avec ses chienneries. Un chien sale, c'est pire. Avoir la chienne c'est avoir peur, autre occasion de chienner. Les anglos nous ont amenés à traduire le «son of a bitch» par enfant de chienne. Et enfin dans au autre registre il y a cette belle expression qu'utilisait ma mère quand je m'habillais mal: T'es attriqué comme la chienne à Jacques.
Pauvre Jacques.

Calyste a dit…

N'hésite pas à en rajouter de chez toi, Magoua, j'adore.

Cornus a dit…

Voici ce que m'évoque ton bestiaire.

Du blaireau, j'ai d'abord connu l'instrument associé au rasage de mon père, dont je ne me suis jamais servi personnellement. Et de l'animal, je n'en ai vu que de loin ou mort. Concernant le qualificatif, je ne l'utilise jamais et je n'aime pas.

Le butor est d'abord pour moi cet oiseau mythique rarissime que j'ai eu l'occasion de croiser une fois dans un endroit assez inattendu. Je l'associe en priorité à la Brenne, là où on m'en a parlé pour la première fois.

Le chien, pour moi aussi le meilleur ami de l'homme et pour le mauvais temps.

La chienne, femelle du précédent, uniquement.

Chameau(x) : c'est ainsi que nous appelait parfois ma grand-mère maternel mes cousins et moi, de façon bienveillante, et parce qu'on ne faisaient pas de grosses bêtises.

Lancelot a dit…

En lisant ton bestiaire (et le précédent), sans cesse j'ai à l'esprit le sexisme du langage, que j'avais déjà évoqué dans ma note sur la garce. Mais peut-être est-ce seulement subjectif ?

Pourquoi, en définitive, emploie-t-on le terme de 'chienne' pour une femme portée sur le sexe (voire pour un homo porté sur le sexe, même si c'est un pléonasme) et pas pour un homme ? Après tout, en supposant que les chiens aiment davantage forniquer que les autres animaux (ce qui reste à prouver), les spécimens mâles de la race sont tout autant -sinon plus- concernés, non ?

Et puis, mais là encore, c'est subjectif, et c'est cela qui est marrant, pour moi un "vieux chameau" c'est forcément une vieille femme. Acarâtre et méchante, bien sûr. Mais une femme.

Pourquoi.....?

Calyste a dit…

Les mots des grands-mères sont toujours doux, Cornus, au moins dans nos souvenirs. Tu as dû te rendre compte à quel point les deux miennes ont été importantes pour moi.

Pour moi aussi, Lancelot, un chameau est toujours une femme. A cause des bosses, tu crois?