dimanche 16 mai 2010

Persona

Petite expérience de ce soir. Je trouve dans ma boîte mail un message de Copains d'avant me rappelant qu'aujourd'hui, c'est l'anniversaire de Joëlle, une ancienne collègue et amie de longue date.

Je commence par effacer parce que ces rappels à l'ordre de Copains d'Avant finissent par m'exaspérer. Puis je me dis: "Non, tu ne peux pas ne pas envoyer un petit mot à Joëlle, que tu aimes tant". Alors, je rejoins le site, j'écris mon message: "Bon anniversaire à toi, ma Jojo. De grosses bises à Philippe et à toute la famille." Original comme tout, mon message. Message que l'on refuse d'envoyer tant que je n'en aurais pas préciser le titre. Pourquoi? En quoi suis-je obligé de donner un titre à ce que j'envoie? C'est comme ça! Pas de titre, pas de message. Alors, j'obtempère et choisis quelque chose d'encore plus original: Anniversaire.

Le message part enfin. Je saurai quelques minutes plus tard qu'il a été lu et, coup de chance pour mon amour-propre, que l'on y a répondu. Je n'aime pas ces instruments d'inquisition sous-jacente que sont les accusés de réception, sur mail ou sur SMS. La réponse s'intitule: Re-anniversaire. Ça, je m'y attendais un peu. Contenu du message: " Merci, mon Callystounet (transcription), et de grosses bises de toute la famille." Gentil, complet. Rien à redire. Tout aussi gentil et complet que mon propre message. Sauf que, sauf que. Rien n'est satisfaisant.

Voilà une femme que j'aime, qui me fait rire, que je ne vois que très rarement. C'est son anniversaire aujourd'hui, bonne occasion pour reprendre contact, un contact dont je sais qu'il lui aurait fait plaisir. Il me suffisait de prendre mon téléphone et de composer le numéro. Mais voilà, je ne l'ai pas fait, je le fais de moins en moins. Après la lettre manuscrite, c'est le coup de fil qui disparaît. Après la trace manuscrite du caractère, de l'humeur de l'autre dont on reconnaissait, à travers l'écriture, l'état d'âme du moment, c'est la voix que l'on n'entend plus, pas d'échos, pas de modulations, pas de silences, pas de rires.

Les rires sont retranscrits pas MDR ou plus souvent LOL, que j'exècre. Les signes apparaissent sur un écran, anonymes, sans résonance, fragiles, qu'un simple clic peut faire disparaître. Et la phrase travaillée, ou simplement touchante, devient un message stéréotypé que n'importe qui aurait pu envoyer à n'importe qui. Je m'en veux d'être moi aussi tombé dans ce système où, comme dans la fable de Phèdre (un latin, celui-là), un renard, derrière le masque ("persona"), ne trouverait pas de visage.

6 commentaires:

karagar a dit…

Après ce constat, tu ne t'y laisseras plus prendre, je parie.

Samuel a dit…

Je crois que l'essentiel est d'en avoir conscience et de lutter contre cette absence de visage, ou de voix...
J'aime le mail et le texto pour la rapidité des informations, d'un point de vue pratique. Mais j'aime le téléphone pour rire, pour entendre l'autre, interagir, discuter... Recréer une forme d'humanité quand la distance sépare les interlocuteurs.
Mais ce que j'aime par dessus-tout, c'est partager un verre ou un repas avec la personne, et poser ma main sur son avant-bras lorsque je suis pris d'un fou-rire incontrôlable... Et ça, c'est de l'extra-LOL puissance dix millions ;-)

Lancelot a dit…

Si tu as l'adresse mail de Joëlle, tu pouvais lui envoyer un message un peu plus personnalisé que cette bêtise, avec ou sans titre. Moi, je n'ai pas de conseils à donner, mais je pars du principe que ces choses-là, il faut les utiliser pour leur côté commode (copains d'avant te rappelle la date d'un anniversaire que tu aurais pu oublier, et ça c'est très bien) mais en évitant de passer par les couloirs dans lesquels ils nous enferment : tu n'utilises pas leur système à eux pour entrer en communication avec Joëlle. Ou bien, tu la rappelles au tel le lendemain, si tu n'as pas le temps ce jour-là.
Bisous

Calyste a dit…

Je pouvais, Lancelot, et je ne l'ai pas fait. Et c'est bien ce que je n'aime pas!

Je n'en suis pas sûr, karagar!

Samuel: je me demande si ces moyens de "communication" ne vont pas un peu trop dans le sens de celui que je suis au fond: un vieil ours (ou un grand timide, ce qui revient au même).

Samuel a dit…

Mais aussi bien l'ours que le timide ne pourraient-ils pas finalement se forcer un peu pour aller au-delà de ces moyens de communication?!

Calyste a dit…

Il pourrait mais il est des jours où il ne court pas après la communication, Samuel.