dimanche 19 janvier 2014

Coeur de chien

Lorsque nous nous sommes rendus à l'opéra de Lyon hier soir pour la générale d'un spectacle, nous ne savions pas exactement à quoi nous attendre. Aucun de nous ne connaissait ce "Cœur de chien" d'un certain compositeur russe né à Moscou en 1953 : Alexander Raskatov. Musique contemporaine donc puisque cet opéra fut créé en 2010 aux pays-Bas.

Nous avons appris dans la salle que l'ouvrage s'inspirait d'une nouvelle fantastique de Mikhaïl Boulgakov, le célèbre auteur du "Maître et Marguerite", écrite en 1925 et interdite de publication par le pouvoir soviétique jusqu'en 1987 car jugée trop satirique, trop corrosive par le pouvoir de l'époque.

L'intrigue ? Preobrajenski, chirurgien renommé, habite Moscou, dans un très grand appartement où il pratique des recherches cliniques. Un jour, il recueille un chien affamé et va lui implanter l'hypophyse et les testicules d'un humain pour étudier l'influence de ces deux organes sur le rajeunissement d'un organisme. Mais le chien se transforme peu à peu en homme tout en conservant ses instincts bestiaux. De plus en plus opposé à son "créateur", il s'appuie sur les nouvelles structures locales du régime et devient même chef de la sous-section d'épuration des animaux errants, particulièrement, en tant qu'ancien chien, des chats qu'il élimine systématiquement.  Puis, face aux conflits incessants avec Preobrajenski, il essaie de le faire arrêter, en le dénonçant pour propos contre-révolutionnaires. Preobrajenski est sauvé in extremis par un de ses amis et décide de procéder à une "métamorphose" à l'envers. Lorsque la police criminelle arrive pour enquêter sur la disparition de Boulle (nom de l'homme-chien), le chirurgien leur présente la créature en train de se retransformer en chien.


Dès les premières mesures, je peux dire que nous avons été subjugués. La musique, indubitablement contemporaine, allie pourtant successivement plusieurs styles différents, depuis les grandes mélodies slaves du XIX° siècle jusqu'à, parfois, de faux airs de Mozart. Il y a même des moments extrêmement drôles, le compositeur ayant eu l'intention de se rapprocher d'un opéra bouffe, d'une œuvre de Rossini.

Et surtout, il faut rendre grâce à la mise en scène suprêmement intelligente et inventive de Simon McBurney et aux voix des cinquante acteurs, toutes d'une absolue beauté. Bravo aussi aux manipulateurs de la marionnette du chien qui parvenaient souvent à nous faire imaginer que c'en était réellement un. Pas de photos, hélas : elles étaient interdites dans la salle.

3 commentaires:

Cornus a dit…

C'est bien de partir ainsi "à l'aventure" et d'avoir de bonnes surprises.

christophe a dit…

J'avais beaucoup aimé ce petit livre (on s'étonne moins des problèmes que Boulgakov eut avec le camarade Staline), mais j'ignorais complètement qu'il avait inspiré un compositeur (né l'année de la mort de Staline, on appréciera !)
Je vais essayer de trouver ça.

Calyste a dit…

Cornus : ça console d'autres fois...

Christophe : tiens, oui, je n'avais pas fait le rapprochement. Cocasse !