mercredi 17 août 2011

Été 81

Peut-être ai-je déjà évoqué ce souvenir, mais tant pis. Ce séjour en Ombrie, dans l'été 1981, a sans doute été l'un des plus beaux moments de ma vie. J'y perfectionnais mon italien à l'Université pour Étrangers de Pérouge, ville étrusque perchée comme toutes ses semblables sur son promontoire rocheux, face à la sage Assise.

Cours dans la journée (arts, histoire, cinéma, littérature, langue bien sûr) dans un groupe de non-francophones choisi volontairement pour échapper aux nombreux suisses et belges italianisants. Ou bien visite des environs: Assise, Gubbio, Orvieto, Todi, Lucca...

Promenade le soir sur le Corso Vannucci jusqu'à l'esplanade où je me remémorais, devant la plaine à mes pieds, les vers de Léopardi:
Vaghe stelle dell'Orsa, io non credea
Tornare ancor per uso a contemplarvi
Sul paterno giardino scintillanti,
E ragionar con voi dalle finestre
Di questo albergo ove abitai fanciullo,
E delle gioie mie vidi la fine.

Après le plaisir des papilles (glace à la banane), celui des yeux et du corps. J'ai eu deux amants cet été-là, concomitamment: un serveur de restaurant, gentil râblé qui sentait le soleil, et un ex-mannequin cultivé et amoureux de moi, tous deux au corps splendide et au sourire enchanteur.

Dans le groupe d'étudiants, j'avais tissé une amitié solide avec une croate. Elle s'appelait Zubravka et ne parlait pas un mot de français. C'est elle qui m'avait abordé un jour, à la fin d'un cours, pour me dire, toute rougissante, que je ressemblais à un Saint Jean Baptiste peint par un primitif italien. Devant mon air incrédule, elle m'avait, le lendemain, apporté la reproduction de ce tableau et j'avais dû me rendre à l'évidence: la ressemblance était bien là!

Nous avions pris en commun un abonnement à un petit cinéma d'arts et d'essais où nous vîmes d'innombrables chefs-d'œuvre du septième art transalpin. Après la séance, nous nous installions à la terrasse d'un café du Cours et nous échangions nos impressions sur ce que nous venions de voir, dans un italien parfois laborieux mais nous finissions toujours par nous comprendre. Un des films qui m'avaient le plus marqué à cette époque fut à coup sûr Al di là del bene e del male de Liliana Cavani, qui évoque la rencontre de Lou Andreas-Salomé et de Friedrich Nietzsche.

A la fin du séjour, Pierre était venu me rejoindre et nous étions partis tous les deux en Sardaigne dont j'avais eu, pendant quelques jours, du mal à apprécier la beauté après l'univers artistico-culturel foisonnant de l'Ombrie.

Je n'ai jamais revu mes deux amants. Seul un 45 tours reste, dont j'ai déjà parlé. Zubravka m'a téléphoné un jour à Lyon mais la ligne était trop mauvaise pour que je puisse enregistrer sa nouvelle adresse. Je ne l'ai jamais revue non plus.

4 commentaires:

Jérôme a dit…

On peut avoir une reproduction du St Jean Baptiste? simple curiosité...

Calyste a dit…

Jérôme: hélas non, car j'ai oublié de quel peintre il s'agissait. ce n'est pas un portrait de Jean le Baptiste seul. Il est entouré d'une kyrielle d'autres saints. Voilà tout ce que je peux te dire aujourd'hui, trente ans plus tard.

Lancelot a dit…

Sinon, il existe un Saint Jean Baptiste en photo, datant de cet été-là, portant une chemise à rayures, de fines lunettes, et arborant une belle chevelure bouclée. La photo fut publiée, il y a quelque temps. Mais seuls les inconditionnels s'en souviennent...... :D

Calyste a dit…

Lancelot: exact!