jeudi 22 novembre 2018

Quand l'Histoire bafouille.

Aujourd'hui est un anniversaire important pour Lyon, en tout cas pour moi : celui de la révolte des canuts, le 22 novembre 1831. A peine plus d'un an après son accession au pouvoir, Louis-Philippe est confronté à sa première révolte sociale, celle des artisans de la Croix-Rousse qui tissent la soie chez eux, sur leurs propres métiers à bras, pour le compte des soyeux, des négociants qui leur fournissent la matière première et récupèrent le produit fini.

Très vite, la révolte gagne tous les quartiers populaires de la ville, avec pour emblème un drapeau noir et pour devise : " Vivre en travaillant ou mourir en combattant". En effet, ces canuts, dont le nom vient de la canette ou bobine, au  nombre d'environ 6000 (plus 30000 compagnons), ne peuvent vivre que misérablement avec le salaire de misère qui leur est octroyé : 18 sous pour 15 heures de travail, soit deux fois moins que sous le premier Empire. Pour ne pas les augmenter, certains soyeux invoquent des métiers à tisser beaucoup plus productifs (comme le métier Jacquard), ou la concurrence internationale, ou les contraintes du marché, ritournelle bien connue.

Suite au refus d'augmenter les salaires, une grève s'ensuit. Les ouvriers se trouvent face à la garde nationale, à la Croix-Rousse d'abord, puis dans le centre de la ville. Des coups de feu sont tirés et l'on compte une centaine de morts. Devenus cependant maître de la ville, les canuts, à qui s'est finalement ralliée la garde nationale, s'abstiennent de tout pillage et constituent un comité insurrectionnel. Le Président du Conseil, Casimir Périer, envoie aux portes de la ville 20000 soldats sous les ordres du maréchal Soult, avec mission d'attendre le pourrissement de la révolte, ou plutôt la lassitude des révoltés. Le 5 décembre 1831, les troupes entre dans la ville sans effusion de sang. La garde nationale est dissoute, le tarif minimum abrogé et le préfet, considéré comme trop conciliant avec les émeutiers, révoqué. Seule une dizaine de canuts seront traduits en justice et finalement acquittés.

Une deuxième révolte verra le jour en 1834, et, cette fois-ci, elle sera matée dans le sang, particulièrement dans le quartier de la Guillotière, près de chez moi. Certains insurgés seront condamnés à la déportation. Deux autres insurrections auront lieu en 1848 et 1849, celles-ci pour proclamer et défendre la deuxième république (en 1848, Louis-Philippe avait abdiqué).

Si ces révoltes ont été un échec quant aux revendications des ouvriers, en revanche elles ont influencé les grands mouvements de pensée sociale, comme les saint-simoniens, Marx, Fourier, Prudhon ou certains acteurs du catholicisme social comme Frédéric Ozanam ou Antoine Chevrier. Espérons qu'il sorte d'aussi belles choses des révoltes actuelles.

3 commentaires:

CHROUM-BADABAN a dit…

Ah les saboteurs du macronisme !
Les Yellow Jacket sont multiformes, du désespoir, de la misère, peu de politique excepté l'extrême droite.
Pour ce que j'en ai perçu, de près, de trop près, j'ai failli me faire casser la gueule !
Je n'ai pas envie d'être dans ce mouvement, mais il m'est difficile de ne pas penser qu'ils ont bien raison de se révolter...
C'est compliquée la vie !

Cornus a dit…

Oui, c'est toujours bien de rappeler cette révolte. J'en ai de nouveau entendu parler il y a quelques semaines dans une émission sur Louis-Philippe (mais une émission trop basée sur les historiettes de la famille et ne traitant pas des choses de fond, donc sujet pas suffisamment traité).

Calyste a dit…

Chroum : entièrement d'accord avec toi. Mais du mome nt que ça enquiquine notre monarque....

Cornus : je ne connais pas à fond cette période de l'histoire lyonnaise. C'est dan mes projets d'approfondir un peu.