mardi 12 novembre 2024

Le Roi des Aulnes

Qui chevauche si tard dans la nuit et le vent ?

C'est le père avec son enfant.

Il serre le jeune garçon dans ses bras,

Il le tient au chaud, il le protège.

« — Mon fils, pourquoi caches-tu peureusement ton visage ?

— Père, ne vois-tu pas le roi des Aulnes,

Le roi des Aulnes, avec sa couronne et sa traine ?

— Mon fils, c'est une trainée de brume.

— Cher enfant, viens, partons ensemble !

Ie jouerai tant de jolis jeux avec toi!

Tant de fleurs émaillent le rivage!

Ma mère a de beaux vêtements d'or.

— Mon père, mon père, mais n'entends-tu pas

Ce que le roi des Aulnes me promet tout bas?

— Du calme, rassure-toi, mon enfant :

C'est le bruit du vent dans les feuilles sèches.

— Veux,fin jeune garçon,-tu venir avec moi?

Mes filles s'occuperont de toi gentiment.

Ce sont elles qui mènent la ronde nocturne.

Elles te berceront par leurs danses et leurs chants.

— Mon père, mon père, t ne vois-tu pas là-bas

Danser dans l'ombre les filles du roi des aulnes ?

— Mon fils, mon fils, je le vois bien en effet,

Ces ombres grises ce sont les vieux saules.

— Je t'aime, ton beau corps me tente,

Si tu n'est pas consentant, je te fais violence.

—Père, Père, voilà qu'il me prend !

Le Roi des Aulnes m'a fait mal ! »

Le père frissonne, il presse son cheval,

Il serre sur sa poitrine l'enfant qui gémit.

A grand-peine, il arrive à la ferme

Dans ses bras l'enfant était mort.

Johann Wolfgang von Goethe

Souvenirs, souvenirs (2)

Plume, elle, parlait des Romantiques allemands. Là, c'est un paysage de neige sous le soleil qui m'est apparu, à travers les vitres d'une vieille deux-chevaux et un nom qui me faisait rêver : le Neckar. 

Emile et moi, plus jeunes de quelques décennies, avions décidé de nous rendre dans la ville jumelée avec celle dont un était le curé. Lors que nous roulions sur une route en hauteur, il me dit tout à coup : en bas, c'est le Neckar. Après, je ne sais pas ce qu'il m'a dit : j'étais dans mon rêve. 

Le Neckar, l’un des affluents du Rhin les plus sinueux, vous serpente entre versants boisés et villes romantiques.  la plus emblématique, Heidelberg avec son château, son ancienne université, et son centre historique que nous visiterons au retour.

Ich habe mein Herz in Heidelberg verloren.

Souvenirs, souvenirs (1)

Un commentaire de Plume et un article de Valérie de Haute-Savoie ont réveillé en moi d'anciens échos de jadis et de naguère, comme on voudra. 

Valérie en parlant de Saint-Jean-d'Aulps, en Haute-Savoie. C'est Pierre, bien sûr, qui m'a fait connaître ce coin-là. Je crois me souvenir qu'il m'avait expliqué que c'est un curé du village qui est cause de la ruine : voulant reconstruire l'église du village, il a "démonté" l'abbaye pour en utiliser les pierres. Résultat : une église neuve sans goût ni grâce et une ruine qui, elle, m'avait séduit. Et se pressent derrière ce souvenir ceux de nos virées dans les Voirons, la Vallée Verte ou la Dent D'Oche .... Revus à la télévision il y a peu.

lundi 11 novembre 2024

Petite chanson des mutilés

Prête-moi ton bras

pour remplacer ma jambe

Les rats me l’ont mangée

à Verdun

à Verdun

J’ai mangé beaucoup de rats

mais ils ne m’ont pas rendu ma jambe

c’est pour cela qu’on m’a donné la croix de guerre

et une jambe de bois 

et une jambe de bois

Benjamin Péret

Ironie, sans doute

Maudite soit la guerre !

C'est à vous

A vous, si cela vous dit, de mettre sous cette photo un titre, une phrase ou un petit texte qu'elle vous aurait inspiré. (Vous pouvez l'agrandir en cliquant dessus.)

dimanche 10 novembre 2024

Il y en a un différent pour chaque jour

Bouddha du dimanche - Pang Thawai Net

Bouddha du lundi - Pang Ham Yati

Bouddha du mardi - Pang Sai Yat

Bouddha du mercredi - Pang Umbat

Bouddha du jeudi - Pang Samti

Bouddha du vendredi - Pang Ram Pueng

Bouddha du samedi - Pang Nak Prok

Autrefois

Un dimanche après-midi à l'Île de la Grande Jatte - Georges Seurat

Le jeudi et le dimanche

Le jeudi et le dimanche, ma tante Rose, qui était la sœur aînée de ma mère, et qui était aussi jolie qu’elle, venait déjeuner à la maison, et me conduisait ensuite, au moyen d’un tramway, jusqu’en ces lieux enchantés.

On y trouvait des allées ombragées par d’antiques platanes, des bosquets sauvages, des pelouses qui vous invitaient à vous rouler dans l’herbe, des gardiens pour vous le défendre, et des étangs où naviguaient des flottilles de canards. On y trouvait aussi, à cette époque, un certain nombre de gens qui apprenaient à gouverner des bicyclettes : le regard fixe, les mâchoires serrées, ils échappaient soudain au professeur, traversaient l’allée, disparaissaient dans un fourré, et reparaissaient, leur machine autour du cou. Ce spectacle ne manquait pas d’intérêt, et j’en riais aux larmes. 

Mais ma tante ne me laissait pas longtemps dans cette zone dangereuse : elle m’entraînait – la tête tournée en arrière – vers un coin tranquille, au bord de l’étang. Nous nous installions sur un banc, toujours le même, devant un massif de lauriers, entre deux platanes ; elle sortait un tricot de son sac, et j’allais vaquer aux travaux de mon âge. Ma principale occupation était de lancer du pain aux canards. Ces stupides animaux me connaissaient bien. Dès que je montrais un croûton, leur flottille venait vers moi, à force de palmes, et je commençais ma distribution. Lorsque ma tante ne me regardait pas, tout en leur disant, d’une voix suave, des paroles de tendresse, je leur lançais aussi des pierres, avec la ferme intention d’en tuer un. Cet espoir, toujours déçu, faisait le charme de ces sorties, et dans le grinçant tramway du Prado, j’avais des frémissements d’impatience.

Mais un beau dimanche, je fus péniblement surpris lorsque nous trouvâmes un monsieur assis sur notre banc. Sa figure était vieux rose ; il avait une épaisse moustache châtain, des sourcils roux et bien fournis, de gros yeux bleus, un peu saillants. Sur ses tempes, quelques fils blancs. Comme de plus, il lisait un journal sans images, je le classai aussitôt parmi les vieillards.

Marcel Pagnol, La Gloire de mon père.

La cousine

L’hiver a ses plaisirs ; et souvent, le dimanche,

Quand un peu de soleil jaunit la terre blanche,

Avec une cousine on sort se promener…

– Et ne vous faites pas attendre pour dîner,


Dit la mère. Et quand on a bien, aux Tuileries,

Vu sous les arbres noirs les toilettes fleuries,

La jeune fille a froid… et vous fait observer

Que le brouillard du soir commence à se lever.


Et l’on revient, parlant du beau jour qu’on regrette,

Qui s’est passé si vite… et de flamme discrète :

Et l’on sent en rentrant, avec grand appétit,

Du bas de l’escalier, – le dindon qui rôtit.


Gérard de Nerval, Odelettes

La chanson d'amour du dimanche

samedi 9 novembre 2024

Naissance du Romantisme

En 1816, le poète Alphonse Lamartine vient en cure à Aix-les-Bains en Savoie pour soigner une maladie du foie ou du poumon. En fait c'est pour dépression qu'il vient se reposer au bord Lac du Bourget. Il trouve dans ce décor, à la fois puissant et apaisant, le calme et le repos.

"Son médecin lui avait diagnostiqué une certaine faiblesse pulmonaire et c’est surtout quelqu’un de gravement déprimé", explique Jean-François Connille, fondateur de la société d’art et d’histoire d’Aix-les-Bains. Et puis la ville est en plein renouveau thermal et commence à être une destination à la mode.

Lors de sa cure à Aix-les-Bains, Lamartine fait la connaissance de Julie Charles, une pensionnaire malade qui fréquente les thermes. Mais cet amour est impossible car Julie est mariée. Les deux amants font de nombreuses promenades en barque sur le lac du Bourget. Ils se réfugient dans la Grotte Bourdeau loin du monde et hors du temps. 

Mais Julie (Elvire dans les poèmes) est gravement atteinte de tuberculose et meurt quelques temps après leur rencontre. C'est un déchirement infini pour le jeune Alphonse qui éprouve pour la première fois l'amour défunt. C'est ce drame qui va l'inspirer pour ses  Médiations poétiques Le poème Le lac aborde un sujet assez méconnu à l’époque: celui des sentiments personnels qui serviront de creuset au Romantisme

Je tenais à vous le montrer par temps clair.

72 en 73 (3)

Le même jour, à deux, après une bonne sieste, nous partons à pied jusqu'au centre d'Aix. Les thermes sont en pleine réfection mais le jardin devant est toujours aussi plaisant.









Et en fin de journée, à trois, retour au lac, sur la promenade des platanes. 





Le soir, quelques travaux de jardinage et une bonne soupe à l'oignon pour faire glisser tout ça. J'ai bien dormi !

vendredi 8 novembre 2024

Ca s'impose !

Le lac

Alphonse de Lamartine

Ainsi, toujours poussés vers de nouveaux rivages,

Dans la nuit éternelle emportés sans retour,

Ne pourrons-nous jamais sur l’océan des âges

Jeter l’ancre un seul jour ?


Ô lac ! l’année à peine a fini sa carrière,

Et près des flots chéris qu’elle devait revoir,

Regarde ! je viens seul m’asseoir sur cette pierre

Où tu la vis s’asseoir !


Tu mugissais ainsi sous ces roches profondes,

Ainsi tu te brisais sur leurs flancs déchirés,

Ainsi le vent jetait l’écume de tes ondes

Sur ses pieds adorés.


Un soir, t’en souvient-il ? nous voguions en silence ;

On n’entendait au loin, sur l’onde et sous les cieux,

Que le bruit des rameurs qui frappaient en cadence

Tes flots harmonieux.


Tout à coup des accents inconnus à la terre

Du rivage charmé frappèrent les échos ;

Le flot fut attentif, et la voix qui m’est chère

Laissa tomber ces mots :


« Ô temps ! suspends ton vol, et vous, heures propices !

Suspendez votre cours :

Laissez-nous savourer les rapides délices

Des plus beaux de nos jours ! »


« Assez de malheureux ici-bas vous implorent,

Coulez, coulez pour eux ;

Prenez avec leurs jours les soins qui les dévorent ;

Oubliez les heureux. »


« Mais je demande en vain quelques moments encore,

Le temps m’échappe et fuit ;

Je dis à cette nuit : Sois plus lente ; et l’aurore

Va dissiper la nuit. »


« Aimons donc, aimons donc ! de l’heure fugitive,

Hâtons-nous, jouissons !

L’homme n’a point de port, le temps n’a point de rive ;

Il coule, et nous passons ! »


Temps jaloux, se peut-il que ces moments d’ivresse,

Où l’amour à longs flots nous verse le bonheur,

S’envolent loin de nous de la même vitesse

Que les jours de malheur ?


Eh quoi ! n’en pourrons-nous fixer au moins la trace ?

Quoi ! passés pour jamais ! quoi ! tout entiers perdus !

Ce temps qui les donna, ce temps qui les efface,

Ne nous les rendra plus !


Éternité, néant, passé, sombres abîmes,

Que faites-vous des jours que vous engloutissez ?

Parlez : nous rendrez-vous ces extases sublimes

Que vous nous ravissez ?


Ô lac ! rochers muets ! grottes ! forêt obscure !

Vous, que le temps épargne ou qu’il peut rajeunir,

Gardez de cette nuit, gardez, belle nature,

Au moins le souvenir !


Qu’il soit dans ton repos, qu’il soit dans tes orages,

Beau lac, et dans l’aspect de tes riants coteaux,

Et dans ces noirs sapins, et dans ces rocs sauvages

Qui pendent sur tes eaux.


Qu’il soit dans le zéphyr qui frémit et qui passe,

Dans les bruits de tes bords par tes bords répétés,

Dans l’astre au front d’argent qui blanchit ta surface

De ses molles clartés.


Que le vent qui gémit, le roseau qui soupire,

Que les parfums légers de ton air embaumé,

Que tout ce qu’on entend, l’on voit ou l’on respire,

Tout dise : Ils ont aimé !


Alphonse de Lamartine, Méditations poétiques

72 en 73 (2)

Le jeudi 07, Matin brumeux, comme tous les matins du séjour (alors que les après-midi sont très ensoleillés.). Emile, têtu, tient cependant à nous emmener à la Chambotte un des plus beaux points de vue sur le lac du Bourget. La vue est imprenable sur la totalité du lac et sur l'Abbaye de Hautecombe, sur l'autre rive. Sur le toit du restaurant, un panorama à 360° sur les Alpes et la région. Beau malgré la brume !

 







Au retour, une raclette pantagruélique !

72 dans le 73 (1)

C'est quoi, ce titre à la con ? J'explique : je suis allé fêter mes 72 ans en Savoie (73), plus exactement à Aix-les-Bains, chez mon ami Emile. 

Nous sommes arrivés la veille du jour glorieux : au menu, rhum arrangé (maison) au gingembre, épaule d'agneau et gratin dauphinois, tomme et reblochon, glace au café. 

L'après-midi, pour faire glisser tout ça, promenade au bord du lac, ce lac que j'aime beaucoup car très doux à la vue, plus intime que celui d'Annecy.

La dent du  Chat : derniers rayons



O temps, suspend ton vol


Au bord d'une mare du Jardin Vagabond

Une roselière



Regarde plutôt le paysage !
Et, le soir, petite balade de nuit.



mardi 5 novembre 2024

Point de fuite

Un thriller, annonce-t-on. Bof. Encore un de ces bouquins que j'oublierai très vite. Pour moai, ça sent trop l'atelier d'écriture, la composition au cordeau. Une chose à sauver : quelques remarques fines et bien senties sur l'art de la photographie. 

(Elizabeth Brundage, Point de fuite. Ed. La Table Ronde. Trad. de Cécile Arnaud.)

Trévoux encore (2)

Par la passerelle, nous gagnons le côté boisé de la rivière (rive droite). 




Puis, rive gauche, nous découvrons des photos de caricatures du XIX° siècle :

Alexandre Dumas

Emile Zola

La Poire a des Pépins

Félix Tournachon, dit Nadar

Hector Berlioz

J'ai oublié ...

Etienne Carjat  (?)

Trévoux, encore

Avec la montée au vieux château-fort en ruines. Fermé, bien sûr : la saison des visites en finie.





Il date de la fin du XIIIe ou du début du XIVe siècle remanié dans les années 1360, abandonné en 1563 puis restauré dans les années 1990. Il fut le centre de la seigneurie de Trévoux et le chef-lieu d'une châtellenie de la principauté de Dombes. 

Puis redescente au bord de la Saône (côté ville) pour flâner dans un marché d'artisans .