J’avais l’intention de l’inviter ainsi que Tom à partager
mon dîner mais elle refusa poliment, arguant d’une certaine fatigue. De plus,
Tom ne semblait pas vouloir se montrer. Finalement, cela m’arrangeait car je
n’ai pas l’habitude de passer toute une journée accompagné. De plus, les
révélations que m’avait faites Dorée avait sans doute créé une sorte de gêne
entre nous qui expliquait le silence du retour. Regrettait-elle de m’en avoir
trop dit, à moi qu’elle ne connaissait pas ? Ma réserve pendant qu’elle
parlait lui avait-elle paru de l’indifférence ? A aucun moment, je n’avais
été intrusif pourtant, je n’avais pas cherché à en savoir plus qu’elle ne
voulait m’en dire.
Je commençais à comprendre que cette femme, sans être
versatile, avait une humeur changeante et qu’il était sans doute bien difficile
de deviner à quoi ces changements étaient dus. L’idée m’effleura un instant qu’elle
craignait que sa confession ne plaise pas à Tom, qu’il ne lui en veuille de s’être
ainsi livrée, ce que je pouvais comprendre. Mais je n’avais pas l’intention de
faire état devant lui de ce que je savais maintenant et l'avais clairement
dit à Dorée alors que nous regagnions la voiture. Sur ce point au moins, elle pouvait
être rassurée.
D’ailleurs je n’entendis pas de discussion ce soir-là à l’étage
au-dessus. Tom était-il toujours aussi renfrogné ? Après tout, cela ne me
concernait pas et, après avoir mangé sur le pouce, je m’installai sur le canapé
du salon avec le livre sur Cimabue, bien décidé à passer une soirée tranquille
en me plongeant dans la peinture primitive italienne. Pourtant, je me surpris à
plusieurs reprises à tourner les pages de l‘ouvrage sans vraiment porter
attention à ce que je voyais. Quelque chose dans l’attitude de Dorée me gênait,
sans que je sois à même de découvrir quoi.
Je ne lui avais pas parlé de moi, je ne lui avais fait
aucune confidence sur ma vie, sur mes passions ou mes déceptions. Comment elle,
avait-elle pu se livrer de façon aussi intime ? Cette gêne ne serait
probablement pas apparue si elle m’avait dit la même chose en présence de Tom.
Je me sentais comme coupable vis-à-vis de lui, comme si, en voyeur, j’avais
violé son être le plus profond. Je n’aurais peut-être pas dû la laisser se
confier ainsi. Il m’était arrivé plusieurs fois dans ma vie de faire la même
chose avec des amis proches. J’avais chaque fois, à voir leur mine embarrassée
et leur hâte à changer de sujet, senti que je n’aurais pas dû le faire.
Avant d’aller me coucher, je me rendis dans la cuisine pour
boire de l’eau comme je le fais chaque soir. Alors que je m’apprêtais à
regagner ma chambre, il me sembla entendre un pleur de bébé au-dessus de ma
tête. Une des premières nuits passées ici, j’avais eu la même sensation. Mais,
lorsque je tendis l’oreille pour vérifier mon impression, je n’entendis plus
rien. Mon inconscient me jouait des tours sans doute.
7 commentaires:
Avant de rencontrer Fromfrom, je n'avais jamais raconté ma vie intime à d'autres qu'à des inconnus ou presque inconnus (via l'internet). C'était bien plus facile pour moi, donc j'imagine qu'il en est de même pour d'autres.
Ah les confidences sur soi, sacré sujet ! Souvent aussi difficiles à faire qu'à recevoir.
Cornus : là dessus, nous divergeons (sauf au début de ce blog).
Plume : toujours un moment difficile, oui.
Pour préciser, je ne parlais pas du blog, mais de dialogues sur divers sites de "tchat" et de l'ancien MSN. Comme cela me paraît loin tout ça (cela remonte essentiellement à 2004 et 2005).
Plus facile de faire que de recevoir, ou l'inverse? Selon l’interlocuteur, pour moi.
Karagar > Aussi difficile de faire que de recevoir et inversement, je voulais dire. Mais difficile n'est peut-être pas le mot qu'il faut. À risque, peut-être conviendrait mieux dans la mesure où l'on apprend autant sur soi-même en écoutant qu'en parlant. Enfin c'est ainsi que je vois les choses...
Mais je parle là de choses à peu près aussi préhistoriques que les tchats de cornus ! ;)
Ah, les chats de Cornus!
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