Tout à l'heure, en rentrant de chez ma mère, j'avais un message sur mon téléphone fixe, celui qui me joue des tas de tours mais avait accepté cette fois-ci d'enregistrer correctement les paroles et de me les restituer entièrement.
C'était le frère de Pierre. Il m'annonçait que, de passage à Lyon avec sa femme, il pourrait me consacrer un petit moment de son temps, mais seulement vendredi à midi. Je fus un instant déçu du peu de latitude laissée pour organiser ce rendez-vous mais déjà, en attendant son deuxième appel, qu'il m'avait dans le message promis pour la soirée, je commençai déjà à mettre en place une stratégie qui rendrait possible un repas ensemble ici, chez moi. Ce serait rapide, à cause d'une séance juste après chez le kiné, mais j'étais tellement content à l'idée de le voir!
Ce frère-là, c'est celui qui resta avec moi dans les derniers instants, celui qui m'aida et que j'aidai à passer de l'autre côté, à franchir le gouffre en refusant d'y sombrer. Chaque année, sa femme travaillant l'été en Corse, où ils résident, il vient avec elle passer un mois de vacances en automne sur le continent et s'arrête pour une brève escale chez moi. L'an dernier, nous ne nous sommes pas vus et, au début de l'été, bien occupé par mon travail, je n'ai pu descendre à Ajaccio pour assister à leurs noces. C'est dire si je me faisais une joie de nos retrouvailles cette année.
Je venais de finir mon repas quand Maurice rappela. Lorsque je lui expliquai ce qui me semblait le plus simple étant données les contraintes de chacun, il parut gêné et finit par me confier que revenir dans l'appartement où avait vécu son frère était pour lui une épreuve difficile à supporter. J'eus beau lui dire que s'il ne franchissait pas le pas tout de suite, il aurait d'autant plus de difficulté à le franchir ensuite, il ne voulut pas que nous nous retrouvions chez moi. C'est donc dans un bar du coin (le peu de temps disponible excluant le restaurant) que nous nous verrons vendredi.
Une fois le téléphone raccroché, je ne me sentais pas bien, alors que, l'instant d'avant le coup de fil, j'écoutais la radio tranquillement comme pendant tous mes repas du soir. Je ne peux pas dire que j'étais triste car ce que je ressentais n'était pas de la tristesse. A la tristesse, on sait que succède presque automatiquement la joie, il suffit de savoir être patient. Je me sentis d'abord abandonné, seul comme rarement j'ai eu le sentiment de l'être. Je comprenais, bien sûr, ô combien, mais je me sentais tout de même abandonné.
Puis ce qui l'emporta très vite en moi, ce fut une grande fatigue, aussi bien psychologique que musculaire, comme si je venais de prendre des siècles sur les épaules. Une fatigue immense, entrée dans tous les pores de ma peau et dans tous mes neurones, une fatigue comme celles que je ressens parfois, heureusement rarement, et que j'ai toujours su combattre jusqu'à présent. Mais il y a des soirs où je n'ai pas envie de voir sa face camarde grimacer par dessus mon épaule, en souriant cyniquement comme si elle était sûre de vaincre, en définitive. Mais je la préviens: il lui faudra du temps et de la persévérance pour gagner contre moi. Si elle y parvient jamais.
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6 commentaires:
Comme tu nous l'as déjà dit que tu savais les vaincre ces durs moments, on ne va pas trop s'inquiéter...
Abandonné, non, non, sûrement pas.
Passe une bonne nuit, quand même.
Oui, et le redire permet aussi de les évacuer plus vite.
Mon livre m'attend déjà. Bonne nuit à toi aussi.
Je comprends ce sentiment d'abandon. Il aurait pu faire un effort ce frère, certainement pas si jeune que ça. C'est un adulte. Juste un petit effort pour vous, seulement pour vous. Dépasser sa peine. Il devait bien percevoir votre enthousiasme à l'idée de le recevoir dans votre appartement. Est-ce que ce n'est pas un peu égoïste ?
Merci, Anna. Je vais faire l'effort de le vivre naturellement même si, pour moi, cela mettra encore du temps à l'être.
Vendredi, c'est aujourd'hui. J'espère que votre entrevue se passera bien. Ici il fait un grand soleil, aprèsle déluge des deux derniers jours. J'espère qu'il en est de même à Lyon ! Un verre en terrasse, ce serait tout de même plus sympa. (et un wekk-end ensoleillé aussi, par la même occasion......)
A la tristesse succède la joie, après la fatigue vient l'apaisement du repos. Je te serre fort. Dis-toi qu'il y en a plein d'autres, qui ont hâte de le franchir, ce fameux seuil de chez toi ! Ca piaffe, ça piaffe !!
Bisous
Il n'y a plus guère à attendre, Lancelot. Soleil, oui, pour l'instant!
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