lundi 3 juin 2019

Momentini

Encore une correspondance (ou un hasard, si vous préférez). Ce genre de concomitance me laisse songeur chaque fois. Alors que je suis en train de lire mon deuxième roman de Antonio Munoz Molina, Beatus ille, sur la guerre d'Espagne, Arte passe hier soir le film de Ken Loach, Land and Freedom (1995), sur le même thème. Je ferai plus tard un billet sur le roman de Munoz Molina.

De la guerre d'Espagne, je ne connaissais pas grand chose. Dans mon village, il y avait une famille, les Garcia, nombreuse et dynamique dont la grand-mère était amie de la mienne. J'avais cru entendre qu'il s'agissait d'immigrés réfugiés en France dans les années 30. Je comprendrai plus tard qu'ils étaient républicains, donc. Mais j'avais six ou sept ans : que peut bien vouloir dire immigrés à cet âge-là ? Et puis, dans ce village de mineurs, il y avait des espagnols, des italiens, des tchèques, des polonais, des algériens, tunisiens, marocains, et j'en oublie sans doute. Dans ces conditions, la notion d'immigrés est toute relative. Pour moi, c'étaient des amis de mes parents, des ouvriers qui partageaient le même travail que mon père, des copains à l'école. Je ne suis jamais allé chercher plus loin et je me demande même si je l'ai fait depuis. 

Ensuite, dans mes études, j'ai lu L'Espoir, de Malraux. J'avais alors bien sûr entendu parler de Franco mais quid des milices, des Brigades internationales, du Poum ? J'avais eu du mal à accrocher à ce livre, complexe tout autant que l'était la situation politique espagnole à cette époque. Et puis, comme je l'avouais à ma prof de fac, Malraux n'était pas vraiment ma tasse de thé (oui, je pensais être politisé à 18 ans. Je l'étais certes, mais assez bêtement). Cet aveu m'avait valu une incompréhension totale de sa part et, comme elle voulait que j'approfondisse le sujet, je n'étais jamais retourné à ses cours. 

Le film de Ken Loach, à travers ses personnages principaux, m'a finalement fait comprendre (mieux vaut tard que jamais) ce qu'il en était exactement. Mais je dois dire que, en le voyant, je suis toujours resté à distance, peut-être parce que je n'ai jamais cru que ses comédiens puissent incarner des combattants de l'époque, un peu comme pour le film Germinal, de Berri, où Depardieu, Renaud et Miou-Miou ne m'ont pas convaincu en gueules noires. 

(Voilà, c'est tout. J'aurais dû plutôt intituler ce billet : Momentino !) 

9 commentaires:

CHROUM-BADABAN a dit…

Ce film Land and Freedom m'a toujours laissé dubitatif. J'ai toujours eu l'impression de quelque chose de faux. Incompréhensible pour qui ne connaissait pas la guerre d'Espagne. A peine documentaire. Comme une mauvaise épopée moyenâgeuse, avec de faux costumes, de faux propos. Avec la guerre civile dans toute son horreur mais représentée en couleur comme une obscénité. Surtout dans les gros plans. Un film raté en somme ?!
Mais bon Ken Loach a fait de si beaux films, alors ... !

Calyste a dit…

Chroum : là, tu me rassures. Je croyais que j'étais passé à côté. J'ai vu, en revanche, il n'y a pas longtemps, Moi Daniel Blake, que j'avais beaucoup aimé.

CHROUM-BADABAN a dit…

Moi Daniel Blake, mon prénom est Daniel, c'est un truc que j'ai eu envie de taguer sur les murs de mon boulot un jour où ils me faisaient chier !

plumequivole a dit…

C'est pour moi aussi un film avec lequel j'ai du mal. Le seul de Ken Loach qui ne m'emballe pas !
Quant à la guerre d'Espagne c'est un sujet qui m'a toujours plus que passionné, et ce depuis le film de Frédéric Rossif, Mourir à Madrid, que j'ai du voir vers 1965. Depuis j'ai avalé des kilomètres de bouquins sur le sujet.

Cornus a dit…

Un commentateur disait l'autre jour (avant même les élections européennes) que l'extrême droite était probablement plus faible en Espagne que dans bon nombre de pays européens à cause de la guerre d'Espagne et des conséquences jusqu'en 1976, donc encore assez fraiches dans les mémoires. Personnellement, je n'accepterai jamais qu'il puisse y avoir un vote d'adhésion à l'extrême droite en France. Quand j'entends dire qu'on "a jamais essayé" ces gens au pouvoir, cela me choque à un point ! D'abord, on a fait plus qu'essayer et depuis, on a quand même eu quelques beaux échantillons...

plumequivole a dit…

Cornus > Mouiiii...enfin...Il n'y a pas que les chiffres électoraux à regarder peut-être. On n'a pas encore vu en France défiler quelques milliers de gens faisant le salut fasciste, comme en Galice ou même à Madrid pas plus tard que l'an dernier. Et puis il y a un autre point à considérer, le mouvement syndical, rescapé du franquisme, a gardé une force qu'il n'a plus depuis longtemps en France où le RN a su occuper la place libre et a bien phagocyté l'électorat ouvrier.

CHROUM-BADABAN a dit…

En France on a des trucs comme ça :
Samedi, j'ai rencontré une jeune femme, batteuse dans un groupe de Heavy Métal. Charmante et émancipée !
Je suis allé voir sur son truc Facebook pour voir un peu son style et écouter sa musique.
Là il y avait des conversations publiques du style "les youpins devraient repasser au four à pizza, panzer, et Cie". Et aussi des "je ne converse qu'avec des QI de 135" ... Bon l'ambiance était bonne !
Je me suis renseigné sur sa profession : elle est directrice d'une école maternelle ...
Décidément l'ambiance en France est parfois bon enfant !

Calyste a dit…

Plume : je n'ai jamais vu le film de Rossif mais je ne désespère pas.

Cornus : je comprends et partage ta colère.

Plume : au point que l'on n'emploie même plus le mot "ouvrier" en France. Trop marqué à gauche peut-être...

Chroum : à un de mes collègues qui me disait : "je suis d'extrême droite et j'en suis fier.", j'ai répondu : "Chacun sa croix !".

Cornus a dit…

Plume> Je ne dis pas le contraire... je ne faisais que retranscrire ce que j'ai entendu... ce qui m'est apparu un peu "simple", mais en même temps, la personne en question n'a pas eu le temps d'énormément développer son argumentaire qui était sûrement à nuancer... Le monde ouvrier ? Il faudra que j'écrive un truc sur le sujet (enfin pas précisément ce sujet, mais c'est assez lié) un de ces quatre, car j'ai quelque chose qui me trotte dans la tête depuis très longtemps.