Il fallait bien que ça arrive, c'est fait. Pour moi presque par surprise, même si je m'y étais préparé. Le jeudi, je suis arrivé en retard à la première réunion: préparation de l'an prochain. A quoi cela pouvait-il me servir ? J'étais totalement ailleurs, comme cela m'arrive souvent mais en pire. Je me voyais écouter, intervenir même parfois, mais ce n'était pas moi. Seulement le personnage que j'ai été pendant si longtemps et qui continuait à croire à son existence, un peu comme les cochons que mon père égorgeait et qui parvenaient encore à se redresser alors qu'ils étaient pratiquement vidés de leur sang. L'après-midi, je me suis mis aux abonnés absents, même physiquement. Je ne me souviens que d'avoir acheté les gâteaux pour le soir et patienté dans un embouteillage monstrueux avant de rejoindre la maison d'Hélène où avait lieu la soirée.
Patrick avait préparé un repas que je voulais léger et dont, comme d'habitude, nous venons à peine de terminer les restes. J'ai bu beaucoup de punch, parce que j'aime et parce qu'il faisait chaud, et sans doute parce que je voulais m'étourdir. Nous étions une quinzaine, tous des gens que j'aime, devant qui je n'ai pas besoin de jouer. Malgré cela, la bulle dans laquelle j'étais enfermé ne s'est pas ouverte. Le grand plaisir de la soirée, je le dois à leur présence ainsi qu'aux cadeaux que chacun m'a fait: de très bonnes bouteilles de la part de Frédéric et Jean-Claude, des livres pour Brigitte, un abonnement cinéma pour Mireille, et, en collaboration dont Stéphane a été le maître d’œuvre, un magnifique album de photos retraçant fidèlement les années passées au collège et leurs à-côtés des voyages et des soirées folles entre amis. Inutile de dire mon émotion.
Le lendemain à midi, c'était le collège qui fêtait mon départ. La directrice avait bien fait les choses, à part son discours visiblement peu préparé et bien banal. Isabelle a pris la suite, plus intelligemment, plus tendrement, beaucoup plus tendrement, revenant sur notre amitié, sur nos émotions, nos colères partagées, tout ce qui a fait que nous nous aimons tant. Élisabeth aussi a su me toucher, cette ancienne élève de seconde devenue ma collègue et à qui, elle me l'a dit souvent, j'ai fait aimer la littérature en lui faisant découvrir Bel-Ami et Phèdre. J'avais invité d'autres gens, je ne les ai presque pas vus, de même que j'ai à peine touché à l'apéritif et au repas, pourtant excellent.
Le plus dur fut sans doute la dernière fois où j'ai emprunté l'itinéraire que je connais depuis si longtemps, que j'ai fait chaque matin pour me rendre au travail (je pleurais dans la voiture) et le moment où j'ai rendu les clés et le bip du portail: c'était vraiment fini. Je suis parti dans les derniers, en jetant un dernier coup d’œil à la façade du couvent. Je remonterai sans doute pour les repas de fin d'année mais ce ne sera plus jamais la même chose. Je ne pensais pas que cela me serait si difficile. Mon silence de ces derniers jours ici s'explique par une trop grande émotion, que je ne parviens pas à mettre en mots maintenant. Aujourd'hui, la bulle a l'air de s'évaporer un peu. Je reviens donc.
lundi 8 juillet 2013
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14 commentaires:
Il n'est de si bonne compagnie qui ne se quitte...
A toi d'écrire les prochaines pages.
Prends ton temps pour choisir.
Il existe tant de chemin pour rester utile.
Ce doit un étrange sentiment, une sensation nouvelle, forcément. je suis curieux de savoir, de rencontrer ce moment qui libère de tant d'obligations pas toujours heureuses.
Bonne route...
Tu ne t'en rends peut-être pas compte: tu es un homme privilégié d'avoir eu autour de toi tant de collègues avec qui tu as pu partager de vrais sentiments. Tes larmes sont un privilège rare. Et le nombre des épisodes de prise de congé que tu nous a narrés aussi. Merci de partager!
Merci d'être sorti de ta bulle et de nous faire partager tes émotions...
J'ai eu cette chance d'avoir vécu un temps de cette vie professionnelle et je peux témoigner de sa richesse...
Aujourd'hui tout est possible la vie est belle...elle peut nous étonner!
Belle route...
Mcm
Chaque fois que j'ai quitté un lieu que j'aimais (ville ou travail), j'ai eu les mêmes sentiments. C'est normal.
Le plus important c'est de retrouver l'envie de prendre plaisir à l'après !
Jérôme: je crois que tu as trouvé la bonne expression: rester utile. C'est sans doute ce qui me travaille le plus.
Olivier: merci. Étrange, oui, au point que je me laisse un peu flotter pour l'instant.
André: si, je me rends compte de la chance que j'ai eu. Ce qui ne rend pas forcément la chose plus facile. Tu as raison: j'ai parlé souvent de ce moment. C'est que j'ai passionnément aimé ce métier.
Mcm: comme ton commentaire me fait plaisir! La richesse, c'est toi aussi qui l'as insufflée dans ces années. Et je suis heureux qu'aujourd'hui encore nous la partagions, ailleurs.
Petrus: je crois que cette fois-ci, c'est encore plus fort. Mais je ferai tout pour que l'après soit aussi riche.
J'ai essayé d'imaginer dans quel état d'esprit je serais, en lisant ton texte... Oui, la nostalgie peu m'envahir parfois, pour moins uqe ça, alors...
et Nougaro, bien sûr...
http://youtu.be/EWIxvhG6eK0
karagar: je me bats justement souvent contre elle, la nostalgie.
PP: bien sûr, Nougaro!
J'ai réussi à apprendre à ne rien faire et, j'en suis convaincu maintenant, ne rien faire c'est un métier...
Eh bien juste une chose à dire : vive le nouveau Calyste, qui ne devrait pas être bien différent de celui que nous connaissions jusque là. Et bonnes vacances !
Cornus: j'espère bien ne pas trop changer. Enfin, pas tout de suite....
Bon vent et bon courage pour la suite. Ce billet m'a ému... Mais il ne faut ne pas céder à la nostalgie, il reste tant de chemins à parcourir, tant de montagnes à gravir...
Upsilon: découvre ton commentaire aujourd'hui. Merci, et bonne suite à toi aussi.
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