lundi 13 décembre 2010

Le Goût des pépins de pomme

Quel goût peuvent avoir les pépins de pomme? Excellent, en tout cas dans le verger de Katharina Hagena où je suis allé chaque soir dernièrement pour en apprcier toute la saveur. Je ne connaissais pas cette écrivain allemande dont j'imagine que c'est la premier livre traduit en français. D'abord acheté pour l'anniversaire de ma sœur, il est resté dans ma bibliothèque pour cause de doublon et il a bien fait d'y rester.

Écriture très féminine et que j'ai aimée, moi qui me méfie d'habitude des écritures trop sexuées. Au début, je ne savais pas très bien où l'on allait. Puis, peu à peu, sans doute parce que j'ai été plus attentif, les pièces du puzzle se sont mises en place. A la mort de sa grand-mère Bertha, Iris, la narratrice, rejoint sa mère et ses deux tantes pour l'ouverture du testament, loin au nord de l'Allemagne, dans le village où elle a passé de nombreuses vacances dans sa jeunesse. Sa grand-mère a tenu à ce que ce soit elle qui garde la maison familiale, qui en hérite plutôt que sa mère ou ses tantes.

Que faire de cet encombrant héritage? Iris va, à son insu, s'attacher à cette vieille maison où elle a des souvenirs, maison hantée par la mort de sa cousine et bientôt revivifiée par la réapparition du frère de leur amie et voisine. D'un paragraphe à l'autre, on passe de la génération de Bertha la grand-mère à celle d'Inga, Harriet et Christa, les filles, à celle d'Iris, la petite fille. On s'y perd une fois, deux fois et puis l'on entre dans leur univers, à la fois différent et commun à chaque génération et l'on s'y sent bien. Et tout cela raconté dans un style d'une beauté et d'une légèreté rare.

Effleurer, essuyer, les mains de Bertha sur tout ce qui était plat:s'assurer de la présence de son propre corps, du fait qu'il était encore là, qu'il offrait toujours une résistance. S'assurer qu'il y avait encore une différence entre lui et les choses inanimées. Tout cela ne vint que plus tard. Auparavant, tables et consoles et chaises et commodes, qui, seraient ensuite parfaitement nettes et rases car incessamment balayées par d'infatigables mains, ont été longtemps encombrées. Encombrées de papiers. Petits feuillets carrés soigneusement détachés de blocs-notes, bords de journaux découpés, grandes feuilles DIN-A4 arrachées d'un cahier, dos de tickets de caisse, listes de courses, pense-bêtes, listes d'anniversaires, d'adresses, billets décrivant des itinéraires, billets avec des ordres écrits en majuscules: MARDI ACHETER DES ŒUFS! lisait-on là. Ou encore: CLE MADAME MAHLSTEDT. Par la suite, Bertha a commencé à interroger Harriet sur le sens qu'il fallait prêter à tel ou tel billet.
- Que signifie "clé madame Mahlstedt"? lui demandait-elle, désespérée. Madame Mahlstedt m'a-t-elle donné une clé? Où est-elle? Doit-elle m'en donner une? Devrais-je lui en donner une? Mais laquelle? Pour quoi faire?

(Éditions Anne Carrière. Trad. de Bernard Kreiss.)

5 commentaires:

Voyelle et Consonne a dit…

Pas un roman très original, mais cela fonctionne. Mon avis ici: http://voyelleetconsonne.blogspot.com/2010/08/la-pomme-avant-quelle-tombe.html

karagar a dit…

C'est quoi une écriture féminine?
(question sérieuse)

Lancelot a dit…

MORT DE RIRE !!! Il m'a doublé sans mettre de clignotant !

J'avais prévu de dire "Si tu parles d'écriture "sexuée", j'en connais deux qui vont te tomber dessus à bras raccourcis !" Ca n'a pas raté... pour l'un d'eux...

La seconde ne s'est pas encore manifestée...
"Mais il n'est, comme on dit, pire eau que l'eau qui dort
Et vous menez sous chape un train que je hais fort !"

Bon, bon, je plaisante.... Je ne veux pas intervenir dans le débat, (voire le pugilat) du sexe des écritures... déjà que celui portant sur les anges, on ne l'a jamais clos...

Calyste a dit…

Une écriture féminine, c'est celle que je sens comme féminine, moi, même si c'est un homme qui écrit. Mais ce sont des critères (ou des sensations) purement subjectifs. Des exemples: Colette a pour moi une écriture très féminine, de même que Julien Green, alors que Marguerite Yourcenar a plutôt un style masculin. Il est bien évident (et je suis un peu agacé d'avoir à le préciser) que je ne mets aucune plus-value ou moins value dans cette nomenclature. Simplement, comme tout le monde, je suis plus sensible à certaines formes d'écritures qu'à d'autres.

Calyste a dit…

VEC: je viens de prendre connaissance de ta critique d'août. Nous sommes donc du même avis: c'est un livre qui se lit avec un plaisir certain. Ce n'est pas si courant que cela actuellement, à mon avis.