Noël lié à l'enfance ne me rappelle rien, ou pas grand chose. Je ne me souviens d'aucun repas spécial, d'aucune messe particulière (contrairement à Pâques), de presque aucun cadeau.
Chez ma grand-mère, qui m'a élevé jusqu'à sa mort, à mes huit ans, rien. Rejoignions-nous le reste de la famille en parcourant à pied les quatre ou cinq kilomètres qui séparaient la maison de la mère de celle de la fille comme nous le faisions chaque dimanche pour assister à la messe? Je ne sais pas.
Lorsque j'ai réintégré la cellule familiale, il n'y a pas eu davantage de soirée prolongée. Il me semble que l'on nous donnait les cadeaux le soir même, avant de nous envoyer au lit, sans doute sensiblement à la même heure (tôt) que d'habitude. On m'a appris très vite que le Père Noël n'existait pas, non pour me délester d'un mythe mais parce que j'étais l'aîné et que je devais toujours être raisonnable.
Raisonnable, c'est avec utile le mot que l'on a dû me répéter le plus souvent dans mon enfance. Je devais être raisonnable et les cadeaux devaient être utiles, il n'y avait pas d'alternative. Comme l'on m'avait aussi dévoilé la mort de mon père très jeune (aucun souvenir des circonstances), j'ai endossé facilement l'habit de l'enfant qui se devait d'être sage. Facilement, trop facilement: il m'a fallu des décennies pour me rendre compte que cet habit-là n'était pas taillé pour moi. Mais ensuite, on a beau essayer de s'en défaire, il colle à la peau et vous brûle, comme la robe de Créuse confectionnée par Médée pour les noces de Jason avec la princesse grecque.
J'étais donc raisonnable, et les cadeaux étaient utiles: la plupart du temps des vêtements, achetés un peu grands pour qu'ils fassent plus de profit. Mes parents n'étaient pas riches. Rien à redire là-dessus. Et lorsqu'ils ont pu vivre un peu plus largement, il y avait longtemps que je m'achetais moi-même mes vêtements.
Deux fois seulement, la règle de l'utile n'a pas été respectée. La première, alors que je devais avoir une dizaine d'années, mes parents m'ont offert un JEU! Je ne sais plus ce qui l'emportait chez moi, de la surprise ou de la joie. Un JEU! Je n'en avais jamais eu, me contentant (au sens d'être content) chez ma grand-mère de jouer avec le contenu d'une grande boîte où j'entassais mes trésors: vieux cubes dont les dessins collés sur les côtés se déchiraient de vieillesse, gaines de stylo bic vides, quelques crayons de couleurs, boîtes de pâtes de fruits auxquelles j'inventais des rôles exceptionnels... Et ce Noël, un vrai jeu, dans une boîte d'origine avec un papier cadeau autour.
Ma joie fut courte: on m'avait offert quelque chose qui aurait sans doute charmé un enfant de cinq ans mais pas un petit garçon du double: une pente de montagne avec une piste de ski tracée, toute droite, que dévalaient des skieurs qu'un tire-fesses remontait pour le prochain tour. Et cela "ad libitum"! Je ne sais pas où a fini ce jeu car le soir même, je l'avais délaissé. Est-ce de ce jour que date ma réputation dans ma famille de n'être jamais content de ce que l'on m'offre?
La deuxième fois, l'émotion fut plus durable: on m'offrit un énorme album de Spirou regroupant plusieurs magazines sous une couverture cartonnée, jaune, je m'en souviens encore. Un LIVRE! Là, on avait mieux visé. Il me fit beaucoup de profit et je le lus et en relus des parties pendant longtemps (particulièrement les Belles Histoires de l'Oncle Paul). La seule ombre au tableau, c'est que mon petit frère avait reçu exactement le même album. Comme on peut le voir, en matière de cadeaux, mes parents étaient d'une imagination débordante.
Avec Yvon, nous nous faisions parfois de petites surprises, mais avec beaucoup de pudeur, comme à la sauvette, gênés tous deux, autant celui qui offrait que celui qui recevait. Avec Pierre, c'est moi qui devais la plupart du temps m'acheter mes cadeaux: "Tu choisiras ce que tu voudras!". Il ne m'accompagnait pas au moment de l'achat. Aujourd'hui, je refuse cette façon de faire: je préfère ne rien recevoir.
On comprendra, avec ce qui précède, que je n'aime pas trop cette période où il faut prendre un air songeur ou ébahi pour couper le ruban en volutes et déchirer le papier brillant. Le rituel fut respecté dimanche chez mon frère. C'est toujours, pour moi, le moment le plus pénible, celui où, en général, je trouve que les verres sur la table risquent de souffrir et où je me réfugie (avec eux) à la cuisine.
Demain, Frédéric, Jean-Claude et moi, nous allons acheter les cadeaux pour chacun, ensemble tous les trois. Pas de chichi mais de la sincérité et le plaisir de faire plaisir. C'est différent.
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10 commentaires:
Souvent assez tristounettes ces évocations des Noël de l'enfance ai-je remarqué...
Oui, ça ne respire pas l'euphorie... Et puis offrir aux deux enfants le même album (pour qu'ils ne se chamaillent pas ?)...
Moi je dirais plutôt (mais ça ne concerne que mes propres souvenirs bien sûr) que c'est le regard que je porte aujourd'hui sur ces anciens noëls qui me les fait traduire avec cette nuance tristounette. Mais à l'époque je crois que je devais y prendre plein de plaisir.
Et alors Calyste, les jeux que tu évoques avec des tubes de stylo, des boîtes et ce genre de choses, alors là je crois m'y retrouver ! Un jour je ferai une note sur ma "boîte à trésors". Un de mes plus beaux souvenirs d'enfance. Des heures et des heures d'évasion totale du monde réel...Bon, avec tout ça une illusion s'envole, je croyais être la seule au monde à avoir une boîte à trésor !!!
Quelle froideur, cette description de Noël de l'enfance! Cependant, une petite lueur un peu plus chaude lorsque tu parles de cet enfant que tu étais et qui s'émerveillait de petites choses, de ces petits trésors d'objets hétéroclites auxquels on confère des tas de fonctions que seuls les yeux d'un gosse sont capables de comprendre!
Joyeuses fêtes :)
Comme le dit KaregWenn, je crois que c'est ce qu'il en reste aujourd'hui qui est tristounet. Je n'avais pas le recul à l'époque. Et surtout, toutes ces menues tristesses, je les vivais individuellement, au milieu de beaucoup de joies, et n'en percevais pas comme aujourd'hui le lien commun, la trame.
C'est toi, Dame k, qui m'as donné l'idée de ce billet. Je suis heureux de savoir que toi aussi, tu avais ta boîte à trésors. Préviens-moi, le jour où tu feras ton billet et nous mettrons nos boîtes côte à côte, en redevenant enfants.
Voilà c'est fait. Service rapide ! Vive les insomnies !
Ça alors, j'ai lu la "boite à trésor" de KarregWenn ce matin et cela m'a fait penser aux cubes avec lesquels je jouais chez ma grand-mère paternelle. Et je te lis ce soir et tu parles de cubes. Pas les mêmes, certes, mais quand même.
J'ai une majorité de bons souvenirs de mes Noëls d'enfance, mais j'en garde une sorte de vertige qui n'est pas très agréable. Je ne sais pas excatement pourquoi. Je vais y réfléchir...
Cornus: ne remue pas trop, conseil de "vieux", on ne sait jamais ce qui peut en sortir.
Ah, bah... Je crois qu'on a tous plus ou moins atteint une espèce de sérénité, par rapport à ces souvenirs-là, avec le blog. Ca me donne l'dée d'une note, tiens. L'idée, c'est une chose. La conception. Après, faut que ça passe à la maturation. Et puis, à la naissance.
En route pour une gestaton accélérée de cette idée-là.
Ne t'en fais pas grand frère, je n'ai pas bu, ce soir. Enfin, pas encore. Ce doit être un excès d'adrénaline. Allez, faut la laisser sortir.
Et je crois avoir vu qu'elle était sorti maintenant, Lancelot.
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