Dernièrement, en photographiant le Passage de l'Argues dans la Presqu'île, je me suis demandé d'où pouvait bien venir ce nom un peu étrange donné à cette allée couverte reliant trois rues du centre, à la manière d'une traboule du XIX°siècle. Comme c'est souvent le cas, le hasard fit bien les choses et, alors que je triais les revues que j'entrepose toujours dans mes toilettes, il me mit la réponse entre les mains: j'en extirpai en effet un petit fascicule offert par le syndicat d'initiative de Trévoux lors d'une journée de balade avec J.: Le Passage de l'Argue... comme un "fil rouge" entre Lyon et Trévoux. Voici en résumé ce que j'y appris:
Une argue est une machine qui permettait autrefois d'étirer du métal pour en faire du fil. Les argues, d'abord privées, furent bientôt interdites et remplacées par l'argue royale où les artisans devaient mener leurs lingots pour obtenir, contre le paiement d'un droit d'argue, du fil métallique. Ces artisans étaient appelés tireurs d'or et d'argent. Leur corporation se constitua à Lyon au XVI°siècle. A l'époque, le tirage du métal se fait dans des ateliers indépendants, librement. Mais, en 1672, cette liberté est supprimée et le gouvernement crée des argues royales, une à Paris et une à Lyon. Trévoux, capitale de la Principauté de la Dombes, échappe donc à l'interdit royal, puisque non régie par les lois du royaume, et devient une sorte de "paradis fiscal" pour les tireurs d'or et d'argent. Bientôt, la concurrence fait rage entre Lyon et Trévoux, au déprofit rapide des lyonnais, puisque les trévoltiens, qui ne paient pas de taxe, proposent le fil à des prix beaucoup plus abordables. Différentes mesures protectionnistes ne pourront venir à bout d'une contrebande très active qui s'installe entre les deux villes. 1762 voit l'intégration de la Dombes au royaume de France, ce qui a pour conséquence immédiate la fermeture des ateliers indépendants au profit d'une argue royale qui ne tirera plus que du fil d'argent. Après la Révolution française, de nombreux impôts sont abolis et les argues royales disparaissent, celle de Paris en 1830, celles de Lyon et de Trévoux ( devenues entre temps impériales) en 1864. Peu à peu, les tireurs, que l'on appelle alors "tréfileurs", deviennent de véritables industriels et produisent maintenant dans des usines. Grâce à de nouveaux procédés, la production devient plus rentable, moins chère mais de moindre qualité. En 1825, l'architecte Farge transforme l'allée peu sympathique où s'étaient installés les métiers de la métallurgie (chaudronniers, serruriers, tireurs...) en un magnifique passage couvert qui prit le nom de Passage de l'Argue, nom qu'il porte encore aujourd'hui.
mercredi 3 mars 2010
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3 commentaires:
Ah, l'irremplaçable bibliothèque des toilettes !
Histoire passionnante, merci pour cette petite leçon d'histoire !
Aaargh... voilà une information qui avait échappé à ma minutieuse vigilance, lorsque j'épluchais la bibliothèque des WC en question... ;-)
Pour vous servir, Dame K!
Il faut dire, Lancelot, qu'il y a (avait) un tel bazar....
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