(Résumé des épisodes précédents: Marie-Luce, une urbaine, en découvrant un crapaud à la campagne, s'imagine qu'elle a affaire à un Prince envoûté. Elle décide de le séduire et finit par deviner son prénom: Greg. Mais le crapaud ne répond pas et ne semble guère pressé de se retransformer en héritier de la couronne...)
Cinquième et dernier épisode:
A force de tendre le bras à la hauteur de son regard, Marie-Luce finit par en éprouver une sorte de crampe, d'abord légère et qui disparaissait en exerçant une légère torsion latérale dans un sens puis dans l'autre, puis plus violente, qui tétanisait le muscle et ne s'arrêtait plus, enfin insupportable, si forte que les larmes lui venaient maintenant aux yeux. Elle changea dans un premier temps de bras et de main puis dut chercher une autre solution à la tendinite qui s'annonçait car les deux bas maintenant étaient touchés. Et ce fichu crapaud qui ne manifestait aucun signe de bonne volonté!
Elle profita de ce que son bras gauche était libre pour jeter rapidement un coup d'œil à sa montre. A sa grande stupéfaction, elle vit qu'il était bientôt cinq heures. Or on les avait bien prévenus: le car qui les ramenait en ville devait impérativement partir à cinq heures pour espérer échapper au gros des bouchons qui se formaient le soir aux entrées de la cité. Le rendez-vous devant l'autobus avait été fixé à seize heures quarante-cinq et il ne s'agissait pas d'être en retard: le temps de les compter à leur montée dans le car puis assis à leur place respective, de leur donner quelques ultimes consignes, il serait l'heure de démarrer pour le retour.
Il était moins cinq à sa montre. On devait déjà se demander où elle était passée. Elle n'échapperait pas à la punition, c'est sûr, au moins à une bonne remontée de bretelles. Et ce fichu crapaud qui n'y mettait pas du sien! Bien sûr, un fils de roi, ça n'a pas d'horaire, à part peut-être pour se mettre à table. Et puis, les bus, il ne connaît pas: il possède carrosse, cocher, laquais, et tout et tout, qui restent à son service de jour comme de nuit, se plient au moindre de ses caprices. Marie-Luce était bien sûre que jamais il n'avait de sa vie vu un ticket de bus et qu'il aurait sans doute été fort surpris et encoléré d'apprendre que parfois, les conducteurs se mettaient en grève, en se moquant totalement des milliers de gens qui, comme elle, avaient, ces jours-là, le choix entre rester au lit ou faire à pied des kilomètres pour rejoindre leur travail ou leur école.
Il lui fallait partir, maintenant. Mais elle ne voulut pas abandonner sans faire une dernière tentative. Sinon, elle allait le regretter dès qu'elle serait assise dans le car. Avant de poser le crapaud dans l'herbe, elle lui chanta sa petite chanson à elle, celle qu'elle préférait. Une chanson ancienne qu'elle avait quelquefois entendue à la radio, la radio de sa mère qui ne passait que de vieilles chansons et qui les saoulait tous certains jours où ils devaient rester à la maison et où ils subissaient quatre ou cinq fois par heure l'écoute des plus grands tubs d'Hervé Vilard ou de Michèle Torr.
Chez Nadège, elle avait cherché sur Internet et avait fini par en trouver les paroles qu'elle avait recopiées et apprises par cœur. C'était un succès de Henri Salvador qui datait d'une époque où elle n'était pas née et où ses parents ne se connaissaient même pas. Çà s'intitulait: Une Chanson douce, et ça disait à peu près ceci:
Une chanson douce
Que me chantait ma maman
En suçant mon pouce
J'écoutais en m'endormant
Cette chanson douce
Je veux la chanter pour toi
Car ta peau est douce
Comme la mousse des bois
La petite biche est aux abois
Dans le bois se cache le loup hou hou hou hou
Mais le brave chevalier passa
Et prit la biche dans ses bras la la la la
La petite biche
Ce sera toi si tu veux
Le loup on s'en fiche
Contre lui nous serons deux
Une chanson douce
Pour tous les petits enfants
Une chanson douce
Que me chantait ma maman
Oh le joli conte que voilà
La biche en femme se changea la la la la
Et dans les bras du beau chevalier
Belle princesse elle est restée. A tout jamais
La belle princesse
Avait des jolis cheveux
La même caresse
Se lit au fond de tes yeux
Une chanson douce
Que chantait ma maman
En suçant mon pouce
J'écoutais en m'endormant (bis)
Bon d'accord, il aurait fallu arranger un peu les paroles: ce n'était pas elle qui devait se transformer, mais le Prince, et puis la peau du crapaud n'était pas aussi douce que la mousse des bois: il ne fallait pas exagérer. Mais vu le temps qui lui restait, on n'allait pas chipoter pour si peu. Il comprendrait bien, après tout, puisqu'elle était sûre qu'il n'était pas bête. Elle lui chanta donc la comptine en entier, sans en rien omettre, en prenant pour cela sa voix la plus sucrée, sa voix de confiture comme lui disait sa mère en rajoutant aussitôt: "Toi, tu veux me demander quelque chose!"
Rien! L'autre gros tas de bubons verts était resté aussi expressif qu'une porte de prison vidée pour cause de transfèrement! Il le faisait exprès ou quoi? Mais maintenant elle ne pouvait plus rien tenter: elle venait d'entendre, en direction de la ferme modèle, le klaxon impérieux de l'autocar qui réclamait son retour immédiat. Alors elle reposa le crapaud là où elle l'avait trouvé, au bord du fossé, et ne put plus longtemps retenir l'insulte qui lui brûlait les lèvres depuis un bon moment déjà: Sale pédé! Tiens, prends ça, tu l'as bien mérité.
Elle se mit à courir sur le chemin mais se retourna bientôt pour vérifier si, par hasard, l'insulte n'avait pas fait réagir le Prince. Tu parles! Toujours rien! Alors elle partit, définitivement, abandonnant en même temps que le batracien tous ses rêves de richesse, de faste et de brillants. Elle se consola en se disant que, décidément, ce Prince-là était trop pataud et qu'elle devait pouvoir trouver mieux. D'ailleurs, l'année suivante ou l'autre encore après, elle avait l'intention de participer aux éliminatoires de la Star ac' ou de La Nouvelle Star. Elle était sûre d'être retenue, avec une autre chanson bien sûr: Salvador, c'était pour elle toute seule, le soir dans son lit; à eux elle donnerait du rock, en anglais évidemment. Et là, une fois au Château, elle travaillerait comme une folle pour l'emporter. Au cours d'un prime, elle rencontrerait un mec super important dans l'industrie du disque et voilà: à elle la belle vie. Alors, ce n'est pas un crapaud pédé qui allait la faire chialer, tout de même!
Lorsqu'après une belle avoinée à elle destinée, le chauffeur commença à manœuvrer pour quitter sa place de stationnement et regagner la route, elle se cala contre son fauteuil, bien pelotonnée au fond du siège, se mit les écouteurs de son baladeur sur les oreilles et tourna la tête ostensiblement du côté de la vitre. Pas question d'engager la conversation avec sa voisine qui déjà avait l'œil brillant de curiosité et s'apprêtait à l'interroger sur la façon dont elle avait rempli son après-midi. Elle remarqua pourtant que le chauffeur, sans doute pour éviter un long détour et sur les conseils du paysan, empruntait pour s'en aller le chemin où elle se trouvait un moment auparavant. Et lorsque l'autocar arriva à la hauteur de l'endroit où elle s'était assise dans l'herbe et où se dessinait encore la trace de son postérieur dans les graminées couchées, elle remarqua à peine un bruit léger sous les rues, un bruit tellement ténu qu'il passa sans doute inaperçu à l'ensemble des voyageurs, un bruit comme un fruit trop mûr qui, en tombant de l'arbre, s'écrase au sol et répand son sucre et sa chair alentour.
Le seul à être surpris, le lendemain, fut le paysan qui, en menant son troupeau au champ près du petit bois, remarqua, près du cadavre d'un gros crapaud totalement aplati, quelque chose qui brillait dans le soleil du matin. En se penchant, il découvrit une bague, une chevalière avec des armoiries gravées, de belles armoiries surmontées d'une couronne. Le dimanche suivant, après la foire aux bestiaux qui allait se tenir au chef-lieu de canton, il irait se renseigner chez l'antiquaire qui venait de s'y installer: ça devait valoir cher, ce genre de petit bijou!
Le dimanche suivant, Marie-luce, elle, avait déjà commencé à mettre au point sa future chorégraphie sur une musique de Mickaël Jackson et se demandait s'il fallait à cette occasion bien dégager son nombril ou, au contraire, la jouer soft...
jeudi 22 octobre 2009
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2 commentaires:
Rédaction de vacances pour les 5°3 : "Imaginez ce qui s'est passé dans ce chemin juste après le départ de Marie-Luce"
Ben, une explication logique, ce serait que la bonne formule magique pour rendre au prince sa forme iniiale, c'était "Sale pédé" justement...
Donc, le prince est redevenu charmant. Marie-Luce n'a pas assez attendu pour voir la transformation, cette andouille. Repasser de crapaud à l'état de prince, ça ne se fait pas en trois secondes chrono... Ce qui tend à appuyer cette théorie, c'est que le Prince a laissé là sa chevalière. Si elle avait été abandonnée dans l'herbe AVANT, Marie-Luce l'aurait sûrement remarquée.
Question : le prince s'est-il fait écraser par le bus ? C'est peu probable. Le chauffeur n'aurait pas remarqué un crapaud, mais percuter un Prince, ça se voit, tout de même, même en supposant que ce conducteur ivrogne (et irascible) ait avalé trois pastis, cinq whiskies et douze canettes de bière en attendant les mioches avant de reprendre le volant....
Et le cadavre écrabouillé du pauvre crapaud, me direz-vous ? Ne pleurez pas, mesdames et messieurs, ce n'était que sur sa vieille enveloppe que le bus a roulé. Le prince, lui, après sa métamorphose, il avait eu le temps de se carapahuter dans les buissons (nu, un détail qui me paraît absolument fondamental, allez savoir pourquoi...). En abandonnant sa bague. Pourquoi ? Pour laisser un souvenir, une récompense, à cette petite sotte qui, sans le savoir, dans son insolence, avait si oppportunément levé le mauvais sort, peut-être ? Ou bien la chevalière a glissé parce que ses beaux doigts graciles avaient maigri ? Moucherons et insectes à tous les repas pendant des années, voire des siècles, c'est pas un régime franchement grossissant...
Donc, maintenant, la seule chose importante dans l'optique d'une suite, c'est de savoir si le paysan qui a retrouvé le bijou est jeune, beau, musclé, poilu... Et, si c'est le cas, et s'il a la curiosité de passer la bague à son petit doigt, le jeune prince va-t-il apparaître (nu, j'insiste...) dans toute sa mâle gloire et lui dire d'une voix de contrebasse : "Ordonne, Maître, et j'obéirai..." ?
Pour le titre de la saison 2, je propose "Sébastien et le Prince". Le crapaud n'est plus là, quant à Marie-Luce, elle est occupée à se trémousser sur Billie Jean, en jeans justement. Sébastien (le jeune paysan, jeune-beau-musclé-poilu, ça va de soi) et le Prince, eux, ils ont "tout" enlevé. Sauf Sébastien qui a gardé la chevalière, détail follement érotique... Ils se regardent dans le blanc des yeux. Que se passe-t-il ensuite.......?
Obsédé, va! Mais il y a de l'idée!
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