Il s'appelle Bruno. Il a un nom qui fleure bon sa Toscane d'origine. Descendant d'une famille florentine, qui sait peut-être autrefois alliée aux Médicis ou aux Pazzi. Il aime l'Antiquité et me parle souvent de César, qu'il vénère, de Cicéron ou des philosophes grecs aussi, mais sa passion, c'est plutôt l'Italie des anciens Romains.
Nous nous voyons régulièrement. Nous passons de longs moments ensemble, moi allongé et heureux de l'entendre, lui près de moi, les mains sur mon dos, glissant lentement de mes épaules jusqu'au creux de mes reins puis remontant en faisant rouler ma peau amollie sous ses deux pouces réunis. Des mains qui me font de l'effet, qui me palpent, me caressent encore mieux quand ils les a poudrées d'un peu de talc, des mains si douces et solides à la fois que, parfois, je ferme les yeux pour n'être plus que cette peau, ce tronc, ces membres assaillis mais tellement consentants. Il n'y a qu'avec lui que je me laisse aller à une passivité aussi lascive.
Je devais avoir vingt-deux ans quand je l'ai rencontré, lui vingt-cinq à peu près. Nous habitions la même avenue, à quelques numéros d'écart, moi du côté pair et lui impair. Il m'a plus tout de suite et, après notre première rencontre, j'ai pris l'habitude de lui rendre fréquemment visite. C'était trop pratique: il n'y avait qu'à traverser la rue.
Au début de mon âge adulte, je n'étais pas toujours très bien dans ma tête ni dans mon corps. Il m'arrivait d'être déprimé, tendu, de me montrer irascible ou pointilleux dans mes relations avec autrui. J'aimais qu'on m'aime mais je n'aimais pas les autres, je m'en rends compte aujourd'hui. Lui m'avait pris comme j'étais. Je savais qu'une fois la rue traversée, une fois que je l'aurais revu, mon ciel s'éclaircirait et je pourrais repartir plus léger vers des lendemains moins incertains.
Trente-cinq ans que nous nous connaissons. Bien sûr, nous nous sommes parfois un peu perdus de vue, mais jamais très longtemps, jamais au point de nous oublier, jamais jusqu'à compromettre pour moi ce bienfait qu'il m'apporte quand je le retrouve. J'ai toujours son téléphone dans la liste de mes connaissances et je sais que je peux le joindre quand j'en ai besoin: il a toujours répondu présent. Il m'est même arrivé de sonner à sa porte sans prévenir quand je ne pouvais plus faire autrement. Pas trop souvent car il n'apprécie qu'à moitié mais, même un peu grognon, il finit toujours par me prendre dans ses bras.
Toscan d'origine! Vous l'imaginez sans doute brun au regard de velours, avec un corps de liane n'enlevant rien à sa virilité glorieuse, peut-être des yeux bleus ou, mieux, verts. Un brun mat aux yeux verts! Eh bien, non: Bruno n'est pas brun, il n'est pas grand et il n'a pas les yeux verts. Bruno est un petit homme un peu grassouillet, plutôt roux dans ce qui lui reste de cheveux, sa peau trop pâle n'a probablement jamais rencontré le soleil face à face et il a constamment dans sa poche un mouchoir qu'il sort toutes les trente secondes pour assécher la goutte qui, comme sous les robinets dont le joint demande à être changé, se reforme régulièrement sous son nez, ce qui, bien sûr, provoque une irritation chronique de cet appendice nasal.
Vous voilà surpris! Quoi! Calystee, que nous croyions un garçon de goût (si, si, on me l'a dit), qui nous semblait plutôt esthète (avec quelques relents un peu plus coquins, certes, mais bon), aimer le contact avec les mains d'un tel individu, rêver au moment où ce nain le prendrait dans ses bras pour le serrer très fort, fermer les yeux sous ses caresses? Quelle déception!
Mais attendez: vous ne savez pas tout encore! Je veux ce soir baisser le masque, me montrer tel que je suis et non pas tel que l'on voudrait que je sois. Je tiens à exposer la vérité sans voiles, toute nue, la vérité vraie, au risque de vous perdre, mes amis. Ainsi, de toutes les pièces où nous nous réfugions, lui et moi, pour faire nos petites affaires, c'est la plus grande que je préfère, celle entourée de miroirs aux murs, celle où je peux, pendant qu'il me palpe longuement, voir sous tous les angles mon corps réagir à ses étreintes, celle où je suis ses mains dans leur descente jusqu'au bas de mon dos. Je sais qu'elles vont s'y arrêter un instant, me laisser frémir d'une attente fébrile, et puis remonter lentement jusqu'à sur mon cou, jusqu'à la racine de mes cheveux qu'elles masseront agréablement avant de reprendre leur mouvement descendant.
Quand nous avons un peu plus de temps et qu'il se sent particulièrement inspiré, ou que les réactions de mon épiderme le sollicitent, il utilise des aiguilles qu'il me plante un peu partout dans le corps. Il sait si bien y faire que je ne sens presque rien. Parfois, rarement, il me fait mal et je le lui dis. Mais il ne m'écoute pas, il n'en tient pas compte et continue à me transformer en pelote de couturière.
J'ai rendez-vous demain avec lui, à quatorze heures. J'aimerais déjà y être tant il me fait de bien. Ah! J'oubliais de vous dire: Bruno, c'est mon kiné.
dimanche 13 septembre 2009
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9 commentaires:
Farceur que tu es !
En tout cas je suis contente pour toi, ce vilain disque ne va sûrement pas résister longtemps à tant de douceur.
Avec Inka ma kiné, blonde et frèle allemande, on parlait danse et théâtre, ou on ne parlait pas, et j'écoutais mon corps répondre tranquillement à ses mouvements parfois infimes. J'ai presque regretté que ma main se soit décidée à fonctionner presque normalement.
Au nombre de fois où il m'a touché depuis de si nombreuses années, je crois bien que c'est lui, le n°1 des hommes de ma vie. Il n'est pas toujours tendre mais je l'aime beaucoup parce qu'il a un jugement sûr. Je lui fais entièrement confiance. Et puis, je suis comme toi: j'adore me faire masser.
Ah, le soulagement incroyable dans les dernières de ce billet. Ne réécris plus jamais des choses comme celles des premiers paragraphes
Alors, elle est pas bonne, ma blague?
From : Tatanka.fr ,
À : Monsieur Calystee, Lyon, (69), France
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Qui, né, l'eût cru ?
Ma sœur, peut-être?
Un kiné de 25 ans rencontré à l'âge de 22 ans............?
Euh.
Confirmé, Lancelot: il vient d'avoir soixante ans, je lui ai demandé tout à l'heure.
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