Voilà maintenant plusieurs jours, et ce soir presque deux heures, que je travaille sur un projet en latin. Il s'agissait pour moi de trouver un texte intéressant sur les rapports hommes/femmes dans l'antiquité romaine et ce à travers une correspondance. Mission quasiment impossible. Bien sûr, il existe les lettres de Cicéron à sa femme Térentia, mais elles ne sont pas passionnantes et leur contenu est le plus souvent bien sec.
Je me suis rapidement dirigé vers le plus célèbre épistolier latin, à savoir Pline le Jeune dont tout le monde connaît les deux lettres à Tacite décrivant en détails l'éruption du Vésuve, éruption si bien évoquée que les scientifiques ont très longtemps utilisé le terme de "plinienne" pour cette catégorie d'éruptions.
J'ai trouvé ce que je cherchais, ou presque, et je ne résiste pas à la tentation de vous faire partager mon plaisir face à ce texte.
Certains vont sans doute fuir au bout de la deuxième ligne. Bien sûr, la traduction est un peu ampoulée, mais si l'on fait l'effort de transcrire en langage plus moderne les sentiments décrits dans cette lettre, on se rendra compte d'une part que Pline aimait sa femme que son état de santé retenait loin de Rome, d'autre part qu'il exprime de façon magnifiquement subtile et délicate ces sentiments et ses angoisses devant l'absence de l'aimée. Qui aujourd'hui, alors qu'on se débarrasse des vœux en envoyant des SMS en rafales, alors que la communication passe par des moyens de plus en plus impersonnels, qui est encore capable d'écrire ainsi? D'écrire tout court?
Voici donc la lettre IV du livre VI des Lettres de Pline le Jeune.
Pline à sa chère Calpurnia.
Jamais je ne me suis tant plaint de mes affaires que lorsqu'elles ne m'ont permis de vous accompagner quand votre santé vous obligea de partir pour la Campanie, ni du moins de vous suivre peu de jours après que vous fûtes partie. C'était principalement dans ce temps que j'eusse désiré le plus d'être avec vous, pour juger par mes yeux si vos forces revenaient, si ce corps délicat se rétablissait, et comment votre tempérament s'accommodait soit de la solitude, soit des douceurs et de l'abondance de ce séjour. Quand vous seriez dans la meilleure santé, je ne soutiendrais qu'avec chagrin votre absence; car c'est un état fort triste et fort inquiet que de passer quelquefois des heures sans savoir des nouvelles de ce qu'on aime le mieux. Mais, absente et malade, vous m'alarmez de plus d'une manière. Il n'est rien que je n'appréhende et que je n'imagine; et selon la coutume de ceux que la crainte a saisis, tout ce qui me fait le plus trembler est ce que j'ai le plus de penchant à croire. C'est pourquoi je vous conjure, avec la dernière instance, de prévenir mon inquiétude par une et même par deux lettres chaque jour. Je me rassurerai du moins tant que je lirai; mais je retomberai dans mes premières alarmes dès que j'aurai lu. Adieu.
vendredi 23 janvier 2009
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7 commentaires:
Jolie traduction :)
Heureusement que pour illustrer les rapports hommes femmes à Rome on n'a pas que les épisodes tragiques Claude-Messaline, Claude-Agrippine...
Peut etre pourriez vous trouver quelque chose chez les auteurs latins d'Afrique du Nord comme Apulée ? Dans son Apologie, il fait justement l'éloge de son épouse. Mais l'Apologie est le texte d'un homme sur la défensive et non un traité d'amour hélas.
Je ne pensais vraiment pas avoir de commentaire sur ce billet! Merci, Upsilon, pour ton intérêt et pour tes conseils: j'irai jeter un œil chez Apulée, dont je ne connais pas l'Apologie.
PS: la traduction n'est pas de moi et je n'ai pu retrouver son auteur, sinon je l'aurais indiqué.
La traduction est elle issue de cette fameuse collection bilingue à couverture orange, avec une louve ?
Pour l'anecdote de Caton, je la connais bien, Caton est d'ailleurs à l'origine de la dernière guerre punique. car, "Si Carthage doit être détruite" c'est justement parce qu'elle fait de l'ombre sur le plan commercial à Rome, qu'elle est meme florissante ! c'est ce qui l'a choqué, et les figues montrées au sénat, bien que carthaginoises n'étaient pas toutes fraiches...
En pensant aux femmes romaines, pour illustrer en image les rapports hommes femmes, j'ai aussi pensé aux fresques retrouvées à Pompei. et surtout à celle là http://en.wikipedia.org/wiki/File:Pompeii-couple.jpg
Il s'agit d'un jeune couple d'affranchis lettrés.
Non, pas dans Budé, mais prise sur un site d'Internet. J'ai fini par exploiter la lettre de Pline à Calpurnia pour en faire un contrôle de 4°. Mais je doute qu'ils en apprécient, eux, le style! (Question de maturité!)
Ah mon Dieu... Cicéron...Alors comme ça il écrivait "sèchement" à sa femme...? Ca ne m'étonne pas...
En seconde le professeur de Latin nous avait fait traduire pendant TOUT le premier trimestre le "de Signis" : j'ai cru littéralement mourir d'ennui. MOURIR !
Oui, ce n'est pas un auteur que j'apprécie beaucoup non plus. Belle écriture mais morne et ennuyeuse. Je suis d'accord avec toi.
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