Premier rendez-vous de l'année. Pour un des élèves de cinquième dont je suis le professeur principal.
Une mère agressive. Entièrement refermée sur elle-même. Je devine que l'entretien va être délicat. Son fils est dyslexique. Gravement. Il a redoublé deux fois dans le primaire. Physiquement, un grand gaillard que l'on m'avait décrit comme pénible. Pour l'instant, je n'ai pas particulièrement à m'en plaindre. Un peu bavard et inattentif parfois mais pas méchant. Pas du genre à vouloir pourrir l'ambiance d'une classe.
Faible certes et pourtant, lors de la première séance de l'atelier écriture, passée surtout à les faire s'exprimer sur leur rapport à l'écrit (que la plupart, une grosse majorité, ne peut envisager autrement que scolaire), c'était lui le plus intéressant. Plus mûr sans doute, puisque plus vieux, mais aussi prenant le temps de réfléchir sur ce qu'il fait (il écrit, chez lui, des textes de fiction) et ne montrant pas d'hésitation à en parler devant les autres.
Découverte pour moi, donc, d'un autre aspect du personnage. La mère me parle de son mal être: il serait déjà rentré chez lui plusieurs fois en larmes, ce qui n'est plus très fréquent à quatorze ans. La cause en est simple: on lui aurait fait comprendre, à mots même pas couverts, qu'il n'irait pas bien loin dans les études, vu son Q.I. peu développé.
Je fais savoir à la mère que je partage son indignation et que, si elle veut que j'intervienne pour la soutenir, il me faut à tout prix le nom de la ou les personne(s) qui, encore aujourd'hui, confondent déficience du Q.I. et dyslexie. Des détours, des anecdotes. Les séances de gestion mentale (bien vilaine expression que je n'aime pas) des années précédentes me servent. Je reste calme malgré l'agressivité de la dame. C'est cette attitude, précisément, qui finit par l'amadouer. Elle me livre deux noms: celui d'un professeur et celui d'un responsable de niveau.
Le professeur en question est celui d'anglais, jeune femme encore bien novice dans l'enseignement et qui n'en est pas à sa première bourde face aux élèves. J'interviendrai, c'est sûr. Certes en y mettant des formes, mais j'interviendrai. Je dévie ensuite la conversation sur ma matière, le français, où les difficultés liées à la dyslexie semblent particulièrement sensibles. L'orthographe de cet élève est, bien sûr, déplorable, mais sa vitesse de lecture et son niveau de compréhension d'un texte ne sont pas mauvais.
J'insiste, sans vouloir à tout prix noyer le poisson, sur tous les aspects positifs que j'ai pu déceler chez ce garçon. Lorsque la mère s'en va, elle est calme. Le contact est établi, la confiance accordée. Elle prendra rendez-vous avec les deux personnes concernées, je le lui ai conseillé. Dans ce genre de situation, il faut intervenir vite et ne pas avoir peur des mots.
Pour ma part, je ne comprends pas, et je refuserai toujours de comprendre, que l'on puisse définitivement cataloguer un élève à la lecture de son dossier personnel (que je ne consulte jamais, quant à moi), sur des bruits de couloir ou suite à une conversation en salle des profs où le défoulement l'emporte bien souvent sur la raison. J'aime me faire une idée, bonne ou plus nuancée, par moi-même, et pas seulement dans mon travail. Et tant pis si parfois je me trompe.
mercredi 30 septembre 2009
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6 commentaires:
De la sagesse, tant qu'on le peut, tant qu'on le veut.
De la volonté aussi. Il en faut parfois pour ne pas céder à la facilité.
Vous êtes absolument Génial, répétez-le vous les jours où le moral flanche face à des élèves parfois difficiles. Je suis mère de 2 enfants dys, comme j'aurais aimé rencontrer des profs comme vous, mais il me reste encore 3 années de lycée pour Léo, tout espoir est encore permis. Ceci dit insistez bien auprès du prof d'Anglais. L'anglais est un vrai calvaire pour les dys, autant pour les dys anglais dont c'est la langue maternel, que pour tous les autres. Des travaux intéressants ont été fait là dessus, je n'ai pas le temps de retrouver les réf mais dès que je les ai, je vous les indique, elles sont sur le net. Continuez et merci
Merci, Sandra. J'en ai bien l'intention!
Ah, ces profs d'anglais... quelle engeance....
Tu sais, Lancelot, il y a aussi des profs de français pas piqués des vers!
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