La RN86. Deuxième samedi. Kicou est dans un lit médicalisé, dans la chambre bleue. Celle que j'occupais toujours, avant, et qui donne sur les iris du jardin. Georges dort, exténué, à l'étage.
Kicou est pâle, dans les draps blancs, Kicou aux cheveux blancs, aujourd'hui. Kicou qui se peigne un peu, parce que suis là et parce qu'il fait chaud. Kicou aux joues bouffies par la morphine qui s'échappe d'une petite pompe noire pendue au pied du lit et dont elle peut, quand elle souffre trop, augmenter la dose. Kicou qui ne mange plus rien. Elle est nourrie par perfusion, tout un appareillage pendu à une potence, que l'on a surnommé la vache à trois pis.
Kicou qui essaie, qui réussit bien au début, dans la voix, plus ferme, comme dans le corps, qu'elle redresse sur les oreillers. Laurent, son fils, est là et parle. Trop. Pour masquer quoi à qui? Kicou qui sourit de ne pas maîtriser encore toutes les commandes de son lit-navette spatiale. Heureuse aussi quand nous nous retrouvons tous les deux, seuls, un instant.
Kicou qui plonge, qui perd le contact, qui flotte entre deux eaux, entre veille et sommeil, qui reprend pourtant là où elle avait arrêté sa phrase. Kicou qui parle encore d'aller "peut-être" à un spectacle le 19 juin. Sa volonté de vivre. Kicou qui retrouve, avant que je parte, les paroles d'une poésie apprise à l'école primaire, par l'un et par l'autre, à une décennie d'intervalle. "La biche brame au clair de lune...". Kicou qui me prête un livre qu'on lui a offert et qui l'a beaucoup fait rire. Kicou que je quitte.
L'air est insupportablement lourd et chaud le vent du sud. L'orage avance.
J'espérai que tu étais chez elle, moi je n'étais pas loin puisque sur le bord du Rhône entre Condrieu et Saint Pierre de Boeuf. "Tiens, on a dû passe par là" ou "je reonnais ces rosiers". Voilà ce que je me disais en pensant à toi chez Kikou.
RépondreSupprimerBises, J.
En rollers, j'imagine. Tu sais que tu m'impressionnes: tu es un grand sportif finalement, surtout ces temps-ci. :-))
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