samedi 3 janvier 2009

Le Chanteur de Mexico.

Je reviens à l'instant de la Bourse du Travail où la Compagnie Cala Fabien Attias donnait Le Chanteur de Mexico de Francis Lopez.

C'est Kikou qui avait eu l'idée et avait pris les places. Ne connaissant pas cette compagnie, je craignais le pire, dans le style patronage amélioré. Je me trompais: un excellent spectacle, tant par les voix et par la chorégraphie que par les costumes et les décors. Pendant ces trois heures, pas une seule seconde je ne me suis ennuyé. On m'avait dit: tu vas voir, tu vas avoir l'air d'un premier communiant au milieu de toutes ces têtes chenues. Pas tant que ça: il y avait même des gens plus jeunes que moi.

Bien sûr, il faut aimer l'opérette, mais depuis toujours j'aime, comme j'aime l'opéra, la musique classique, la plus moderne et la variété. Je n'ai pas d'a priori en musique, ni nulle part d'ailleurs. Je reconnais que l'histoire de ce beau basque se retrouvant pris au milieu de la guérilla zapatiste au Mexique est plutôt abracadabrante, mais peu importe: elle n'est là que pour servir de faire valoir aux airs, soli ou choeurs, et aux ballets exotiques.

Et ce soir, nous avons été gâtés. Pas de surprise mais la perfection dans le classicisme. Le ténor qui tenait le rôle de Vincent, le beau basque, avait bien le physique du rôle et une voix splendide, les personnages plus comiques, comme Bilou ou Cricri, étaient tenus par des acteurs/chanteurs pleins d'allant et de bonne humeur, la danse et la musique étaient au diapason.

J'ai tout au long de la soirée plusieurs fois pensé à mon père: comme il aurait été heureux d'être à ma place! Lui qui, du soir au matin, quand il était de bonne humeur, chantonnait Rossignol de mes amours, ou s'entraînait aux notes suraiguës de Mexico, Mexi-i-co. Comment connaissait-il les paroles? Pas de télévision, pas de tourne-disques chez ma grand-mère. Pas de sorties au théâtre, bien sûr, ni pour lui, ni pour tout le village sans doute. Pourtant tous ces mineurs, tous ces paysans connaissaient par cœur ces succès, s'en servaient pour faire leur cour à leur dulcinée, les chantaient à chaque festivité, mariage ou communion. La radio, uniquement la radio et la fête. Culture orale encore, comme celle des troubadours, sans le fatras des médias actuels. Ce soir, j'aurais donné cher pour qu'il voie ce spectacle.

Kikou était ravie elle aussi. Pour monter et descendre l'escalier menant au balcon, elle m'a demandé mon bras pour s'assurer: "On dirait que j'ai quatre-vingt ans" m'a-t-elle dit en souriant comme pour s'excuser. J'ai protesté mais comment réagir face à sa fatigue? Elle qui se bat contre sa maladie, qui, malgré la souffrance, a tenu à être là ce soir, elle qui est sans doute un des êtres les plus forts, les plus courageux que je connaisse, elle m'a avoué tout bas à l'oreille qu'elle en avait assez de souffrir. Il ne faut pas qu'elle baisse les bras. Égoïstement, je ne le veux pas.

5 commentaires:

  1. Beaucoup de compagnies privées et mal reconnues ne font pas dans le patronnage amélioré. Et heureusement.

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  2. Une pensée pour Kikou. Bien sûr il ne faut pas baisser les bras, mais comme je la comprends.

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  3. je craignais le pire. Diantre !

    Belle évocation de ton père.

    Une bise pour Kikou. Tiens bon.

    J.

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  4. Oui, mais là, Olivier, c'était vraiment très bon!

    Merci pour elle, Anna. Mais pourquoi la comprenez-vous à ce point?

    Merci, J., pour mon père, pour Kikou, ... et pour moi.
    A bientôt.Bises, R.

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  5. Pourquoi ? Parce que même si je suis en bonne santé, je crains infiniment la douleur physique. Je ne suis pas très courageuse sur ce plan. Je le sais.

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