Il y a des années, j'avais acheté ce premier tome de la tétralogie de Mishima, La Mer de la fertilité. Il resta en l'état très longtemps dans un coin de ma bibliothèque. Un jour que, dernièrement, François-Jean me fit découvrir près de chez lui une librairie d'occasion très bien achalandée, je fis l'acquisition des trois autres volumes.
Ce n'est pas d'une lecture très facile. Le récit est lent, très lent et fait, dans ce premier tome, référence à un passé déjà reculé, à un mode de vie aujourd'hui totalement suranné. Le style colle à cette époque, beau et précis mais s'attardant aux moindres détails, ce dont nous avons complètement perdu l'habitude aujourd'hui.
Mishimi est un écrivain intéressant. Pourtant, jusqu'à ce jour, moi qui m'enthousiasme beaucoup pour la littérature japonaise, je n'ai jamais réussi à totalement l'apprécier. Cette histoire d'amour malheureux et romantique dans le Japon impérial au temps de la Belle Epoque m'a parfois un peu ennuyé. Je m'en veux de dire cela, mais c'est bien ce que j'ai ressenti à certains moments à la lecture de ce livre. Si la poésie magnifique des images de Mishima éclate dans de nombreuses pages, si sa sensualité nous trouble, je trouve d'autres de ces images un peu top prévisibles, certaines peu convaincantes et quelques digressions plus encombrantes qu'utiles. Dans quelque temps, je me lancerai cependant dans la lecture du deuxième tome.
La chaleur brûlante du corps de Kiyoaki ne pouvait s'expliquer seulement par la température de la pièce, et une sorte de fièvre semblait picoter ses oreilles. Il rejeta la couverture et ouvrit le col de son vêtement de nuit. Un feu le brûlait encore en bouillonnant sous la peau et il sentit qu'il ne serait soulagé qu'en ôtant son peignoir, exposant son corps à la fraîcheur du clair de lune. A la fin, las de penser, il se tourna sur le ventre et reposa la tête enfouie dans l'oreiller, son dos nu tourné vers la lune, le sang échauffé battant encore à ses tempes.
Il reposa ainsi, la clarté de la lune inondant le blanc lisse incomparable de son dos dont l'éclat accentuait le contour gracieux du corps, révélant les indices subtils et diffus d'une virilité affirmée; c'était là clairement non pas chair féminine mais chair d'adolescent au seuil de l'âge adulte.
La lune brillait avec une intensité éblouissante du côté gauche de Kiyoaki, là où la chair pâle se soulevait au rythme de son cœur. S'y trouvaient trois grains de beauté, petits, presque invisibles. Et tout comme les trois étoiles du baudrier d'Orion s'affadissent sous une lune radieuse, ces trois grains minuscules étaient presque oblitérés par ses rayons.
(Trad. de Tanguy Kenec'hdu.)
Rien à voir avec Mishima mais si tu n'es pas contre j'aimerai bien que tu me communiques, si tu le désires, l'adresse de cette librairie d'occasion : je cherche un ou deux livres qui ne circulent plus.
RépondreSupprimerNicolas, voir commentaire chez toi.
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