mercredi 31 août 2011

Et un peu de musique, ça vous dirait? (44)

Colette Magny - Melocoton

Melocoton, en espagnol, c'est la pêche. A toi.

Pages marquantes (8)

Frères humains qui après nous vivez
N'ayez les coeurs contre nous endurciz,
Car, ce pitié de nous pauvres avez,
Dieu en aura plus tost de vous merciz.
Vous nous voyez ci, attachés cinq, six
Quant de la chair, que trop avons nourrie,
Elle est piéca devorée et pourrie,
Et nous les os, devenons cendre et pouldre.
De nostre mal personne ne s'en rie:
Mais priez Dieu que tous nous veuille absouldre!

Se frères vous clamons, pas n'en devez
Avoir desdain, quoy que fusmes occiz
Par justice. Toutefois, vous savez
Que tous hommes n'ont pas le sens rassiz;
Excusez nous, puis que sommes transsis,
Envers le filz de la Vierge Marie,
Que sa grâce ne soit pour nous tarie,
Nous préservant de l'infernale fouldre
Nous sommes mors, ame ne nous harie;
Mais priez Dieu que tous nous vueille absouldre!

La pluye nous a débuez et lavez,
Et le soleil desséchez et noirciz:
Pies, corbeaulx nous ont les yeulx cavez
Et arraché la barbe et les sourciz.
Jamais nul temps nous ne sommes assis;
Puis ca, puis là, comme le vent varie,
A son plaisir sans cesser nous charie,
Plus becquetez d'oiseaulx que dez à couldre.
Ne soyez donc de nostre confrarie;
Mais priez Dieu que tous nous vueille absouldre!

Prince Jhésus, qui sur tous a maistrie,
Garde qu'Enfer n'ait de nous seigneurie:
A luy n'avons que faire ne que souldre.
Hommes, icy n'a point de mocquerie;
Mais priez Dieu que tous nous vueille absouldre!

François Villon, Ballade des pendus.

Orages

Dernier jour d'août. Pour moi, ça sonne invariablement comme fin des vacances et fin de l'été, même si j'ai tort du point de vue du calendrier. Mais la météo me fait un cadeau ce soir: il y a de l'orage au loin. Quelques gouttes par ci par là sur Lyon. Et surtout, ce que j'aime, une sorte de moiteur sensuelle dans l'air, rythmée par les éclairs et les coups de tonnerre au loin.

Quand nous étions tout enfants, notre mère, aux premiers signes, nous faisait rentrer dans la maison, et hop! tous au lit autour d'elle, deux d'un côté, deux de l'autre, à attendre, enfermés, que ça passe en contemplant un brin de buis béni pour les Rameaux en train de brûler et censé nous protéger de la foudre.

J'avais horreur de ces moments-là. Je ne rêvais que d'une chose: aller à la fenêtre de la cuisine et contempler les faisceaux d'éclairs qui zigzaguaient dans le ciel, me laisser surprendre par la force de certains impacts, voir s'illuminer pour quelques secondes la nature autour de moi, aspirer à être dehors sous la pluie qui m'aurait fouetter le visage et le corps.

Ce rêve, je l'ai réalisé, beaucoup plus tard, en Haute-Savoie, au cours d'un été: un jour d'orage, je suis parti seul jusqu'au lac Léman, près de Thonon. J'ai longé la grève en direction du château de Ripaille et je me suis mis nu sous l'ondée, je me suis baigné un instant, au bord, en faisant barrage de mon corps aux vagues violentes qui venaient me cingler. Les arbres se tordaient, les rochers éclaboussaient d'écume et j'étais heureux comme rarement je l'ai été.

mardi 30 août 2011

Momentini

- Désolé pour ceux qui passent ici. Depuis ce matin, les vidéos postées se mettent parfois en route sans qu'on leur demande rien. Ça vient de m'arriver. La musique de la Grèce antique et celle d'un film américain simultanément, pas vraiment... harmonieux!

- La fête de l'Aïd (fin du Ramadan) correspond cette année avec celle de la naissance de Mahomet (présumée le 30 août 570). Double raison de se réjouir pour les musulmans.

- Trouver une cartouche d'encre pour une (très) vieille imprimante relève maintenant de la chasse au trésor. J'y ai perdu une partie de ma journée, à sillonner Lyon en tous sens. Quatre grands magasins (dans l'un d'entre eux, on me proposait carrément de changer d'imprimante) pour qu'on finisse par m'en indiquer un, tout petit, qui risquait d'en avoir. Il en avait une, rechargée, pour trois fois moins cher. Et elle fonctionne parfaitement.

- De faux mails de Gmail circulent en ce moment, demandant des tas de renseignements sur votre compte. Une absence de réponse correspondrait à une fermeture de ce compte, selon ces messages. C'est entièrement faux. Vigilance!

Sourires

Treize heures. Le journal de la chaîne sur laquelle on tombe invariablement en allumant la télé. Le présentateur habituel, au nom d'apéritif anisé. Toutes dents blanches dehors: il est tellement content de nous revoir!

Premier sujet, le plus important bien sûr: la météo. Il va faire beau. Sourire comme si c'était lui qui commandait le soleil et les nuages.

Deuxième sujet: la rentrée des classes. Des enfants sur l'écran. Sourire grand-paternaliste.

Troisième sujet: le coût (en hausse) de la rentrée. Sourire un peu moins large, style "Il faut bien y passer!"

Quatrième sujet: les français de plus en plus pauvres. Sourire désolé mais sourire tout de même (il n'est pas concerné!).

Sujets suivants: le feuilleton américain, la Libye... Rythme de mitraillette. On est bien obligé d'en parler mais on ne va pas gâcher une si belle journée, quand même.

Sujet suivant: les vendanges. Sourire anticipé: il y a de quoi se régaler avec le cru de cette année.

J'ai arrêté là. Overdose!

Et un peu de musique, ça vous dirait ? (43)

Grèce Antique, Premier hymne delphique à Apollon

lundi 29 août 2011

Mots d'oiseaux

On évoquait l'autre jour, en commentaires, les mots d'oiseaux dont les Cosaques zaporogues abreuvaient le Sultan de Turquie dans Alcools d'Apollinaire. Voici un échantillon prélevé dans le parler gaga, mots employés à Saint-Étienne encore aujourd'hui, je suppose, et, pour la plupart, issus du franco-provençal.

Ainsi, dans mon Forez natal, peut-on entendre, selon le degré d'énervement et l'inimitié que l'on porte à celui dont on parle:
- babielle: bavard(e)
- badabeu: attardé
- badinguet: même sens
- basoille: bavard(e)
- bayayet: ahuri
- biganche: difforme
- catolle: sale (pour une femme)
- claque-dent: raconteur de balivernes
- ébravagé: fou-dingue
- faramelan: prétentieux
- farasse: souillon
- foumerat: fumier
- gambille: fille légère
- nioche: niais
- pagnot: mauvais garçon
- pegeat: pot de colle
- pitanche: ivrogne
- raptaret: bas du cul
- tate-minette: tatillon
- tège: soulard

Vous voilà prévenus, si vous passez dans le coin!

Je la trouve si belle (8)

Maureen O'Hara (1920- ). Sa présence.

Oh! la vache....

La Noiraude: Départ pour les Indes

dimanche 28 août 2011

Pages marquantes (7)

Irène se transporte à grands frais en Épidaure, voit Esculape dans son temple, et le consulte sur tous ses maux. D'abord elle se plaint qu'elle est lasse et recrue de fatigue ; et le dieu prononce que cela lui arrive par la longueur du chemin qu'elle vient de faire. Elle dit qu'elle est le soir sans appétit ; l'oracle lui ordonne de dîner peu. Elle ajoute qu'elle est sujette à des insomnies ; et il lui prescrit de n'être au lit que pendant la nuit. Elle lui demande pourquoi elle devient pesante, et quel remède ; l'oracle répond qu'elle doit se lever avant midi, et quelquefois se servir de ses jambes pour marcher.
Elle lui déclare que le vin lui est nuisible : l'oracle lui dit de boire de l'eau ; qu'elle a des indigestions : et il ajoute qu'elle fasse diète. «Ma vue s'affaiblit, dit Irène.—Prenez des lunettes, dit Esculape.—Je m'affaiblis moi-même, continue-t-elle, et je ne suis ni si forte ni si saine que j'ai été.—C'est, dit le dieu, que vous vieillissez.—Mais que moyen de guérir de cette langueur ?—Le plus court, Irène, c'est de mourir, comme ont fait votre mère et votre aïeule.—Fils d'Apollon, s'écrie Irène, quel conseil me donnez-vous ? Est-ce là toute cette science que les hommes publient, et qui vous fait révérer de toute la terre ?
Que m'apprenez-vous de rare et de mystérieux ? et ne savais-je pas tous ces remèdes que vous m'enseignez ?—Que n'en usiez-vous donc, répond le dieu, sans venir me chercher de si loin, et abréger vos jours par un long voyage ?
»

La Bruyère, Les Caractères, chapitre XI, De l'Homme

Momentini

- Visite de mon appartement pour ma mère et ma sœur. Apprécié toutes les deux, même ma mère devant le rouge du salon (elle tique toujours devant cette couleur depuis la mort de mon autre sœur et nous l'a longtemps interdite. Pendant toute notre enfance, en fait. Après, elle ne pouvait plus mais commentait).

- Détour par le marché du Ramadan qui se tient chaque année place Bahadourian. Odeur d'épices et d'herbes fraîches. Eu beaucoup de mal à résister aux pâtisseries dégoulinantes de miel. Les abeilles, elles, s'en donnaient à cœur joie!

- "Incendies" passe toujours à la Fourmi Lafayette. J'espère bien avoir le temps, la semaine prochaine, d'aller le voir. Au moins une fois pendant mes vacances m'asseoir dans une salle obscure!

- Est-ce le billet de Valérie sur son séjour dans le Cantal qui m'a imprégné? J'ai rêvé l'autre nuit d'une maison pleine de gens, d'un jardin plein de rires, d'amitié sincère et de bonheur de vivre. A mon réveil, j'ai voulu prolonger le bien-être. Psssst, il était parti.

- Quelle idée d'appeler un cyclone Irène? Moi, ça me rappelle Les Caractères de La Bruyère!

Liaisons aventureuses

Hier coup de fil. Comme Valérie, je décroche, bien sûr, comme toujours. C'est pour un sondage. La personne à l'autre bout me précise très vite "pour l'Ifop" avant que je ne raccroche, ce que j'avais bien l'intention de faire. Bon allez, l'Ifop, j'en ai déjà entendu parler, on ne va pas essayer de me vendre une bassine à confitures à la fin de l'entretien. Entretien qui, me rassure-t-elle, ne durera que cinq minutes. Je veux bien faire semblant de la croire. Ce qu'elle ne savait pas, c'est qu'il allait durer même moins longtemps. Avant de commencer, elle a la politesse de me préciser qu'il s'agit d'un sondage politique. Allons-y.

Âge, profession, jusque-là, pas de problème. "Avez-vous l'intention d'aller voter aux présidentielles de 2012?" - "Absolument". Là, ça commence à ne pas rentrer dans ses cases. "Vous avez le choix entre quatreS options (difficile de rendre une liaison sur un clavier!)." - "Quatre Options", corrigè-je illico. - " Vous avez raison, c'est une faute que je fais depuis toute petite." - "Et moi, c'est une correction que je fais presque chaque jour, vu mon métier." - "Oui, vous me rappelez un de mes vieux professeurs!".

Elle a de la chance d'être agréable et d'avoir une voix charmante, la sondeuse. On continue. " Voilà les quatre Options: Tout à fait certain, presque certain, pas certain du tout, certainement pas." - "Alors, on va dire: tout à fait certain." - " Pouvez-vous me dire pour quel candidat vous allez certainement voter?" Là, ça se gâte sérieusement. Et la confidentialité, ma belle, tu en fais quoi? Néanmoins, je décide de lui répondre: "Je n'en sais encore rien!", ce qui est la stricte vérité.

Silence perplexe de sa part. Puis ça redémarre. "Je vais vous citer les noms de tous les candidats et vous n'aurez qu'à m'en désigner un." Et elle m'énumère effectivement les aspirants au pouvoir suprême, des plus connus aux presque transparents. "Mais il en manque!'osè-je. - "Pardon?" - "Je dis: il en manque: par exemple, pour les socialistes, vous n'avez donné que le nom de la dame du nord. Or il me semble que, pour l'instant, ils sont six!"

" Vous avez raison (c'est fou ce que j'ai raison aujourd'hui!), mais je n'ai que ces noms-là sur la liste." - "Ne vous inquiétez pas: même si vous les aviez tous, et de tous les partis, je ne pourrais vous répondre. Je vous l'ai dit, je ne sais pas encore à qui ira ma voix." Elle ne devait pas non plus avoir cette case-là sur son formulaire, ou bien je ne l'intéressais plus du tout. Alors, elle mit fin au sondage, en promettant tout de même de faire attention à ses liaisons aventureuses.

samedi 27 août 2011

Le fouet et la ruflette

Remis au travail scolaire cet après-midi. Impression d'enfiler un costume qui ne me va plus. Déjà 4 mails de ma collègue, la folle-dingue du boulot, plus un coup de téléphone. Compter les semaines, répartir les programmes, équilibrer la dose des acquisitions, se pencher sur le nouveau programme de latin 4°,... Tout ça sans avoir la moindre idée de ce à quoi vont ressembler les classes.

On m'en promet une pas piquée des vers en 5°. Il va falloir que je retrouve mon fouet, en espérant que ma voix tiendra le coup après le nombre de cigarettes grillées cet été! Rien de plus catastrophique qu'un petit détour dans les aigus quand on est en train de houspiller un récalcitrant. Alors, toute une classe!

Labeur heureusement et agréablement interrompu par ma vieille voisine du 5° étage venue refaire sa provision de livres. Elle a déjà dû lire tous les polars en ma possession. Maintenant, on passe à autre chose. Je lui ai, entre autres, prêté un roman de Wallace Stegner. J'espère qu'elle va apprécier, sinon c'est moi qui risque d'être déçu.

Longue conversation avec elle. Elle me raconte des bribes de sa vie. 83 ans, jamais ennuyeuse et une dynamisme de jeune fille. J'en connais beaucoup qui aimeraient tenir sa forme à son âge! Pour me rendre service, elle s'est proposée de me recoudre la ruflette de l'un de mes rideaux de chambre qui traînait jusqu'au sol depuis quelques semaines. Ben oui, je suis un vrai négrier!

Embrasse ta mère et tu chasseras les tyrans!

Junius Brutus, né de la sœur de Tarquin le Superbe, comme il craignait de subir le même sort qui s'était abattu sur son frère, tué par leur oncle à cause de ses richesses et de son expérience, feignit la stupidité, d'où le fait qu'on l'appela Brutus. Les jeunes fils du roi qui aimaient se moquer de lui l'ayant invité à les accompagner à Delphes, il apporta en cadeau au dieu de l'or coulé à l'intérieur d'une baguette de sureau. Quand l'oracle répondit qu'aurait le pouvoir suprême à Rome celui qui le premier embrasserait sa mère, il embrassa spontanément la terre. Ensuite, (...) il forma une conjuration pour expulser les rois. Une fois ceux-ci envoyés en exil, il fut le premier consul à être nommé.

Attribué à Aurelius Victor (env. 327-390 après J.-C.), Des Hommes illustres de la ville de Rome, 10, 1-5.

Heureux temps où il semble que les peuples se débarrassaient aussi facilement de leurs oppresseurs!

vendredi 26 août 2011

Pages marquantes (6)

C'était à Mégara, faubourg de Carthage, dans les jardins d'Hamilcar.

Les soldats qu'il avait commandés en Sicile se donnaient un grand festin pour célébrer le jour anniversaire de la bataille d'Eryx, et comme le maître était absent et qu'ils se trouvaient nombreux, ils mangeaient et ils buvaient en pleine liberté.

Les capitaines, portant des cothurnes de bronze, s'étaient placés dans le chemin du milieu, sous un voile de pourpre à franges d'or, qui s'étendait depuis le mur des écuries jusqu'à la première terrasse du palais ; le commun des soldats était répandu sous les arbres, où l'on distinguait quantité de bâtiments à toit plat, pressoirs, celliers, magasins, boulangeries et arsenaux, avec une cour pour les éléphants, des fosses pour les bêtes féroces, une prison pour les esclaves.

Des figuiers entouraient les cuisines ; un bois de sycomores se prolongeait jusqu'à des masses de verdure, où des grenades resplendissaient parmi les touffes blanches des cotonniers ; des vignes, chargées de grappes, montaient dans le branchage des pins ; un champ de roses s'épanouissait sous des platanes ; de place en place sur des gazons se balançaient des lis ; un sable noir, mêlé à de la poudre de corail, parsemait les sentiers, et, au milieu, l'avenue des cyprès faisait d'un bout à l'autre comme un double colonnade d'obélisques verts.

Le palais, bâti en marbre numidique tacheté de jaune, superposait tout au fond, sur de larges assises, ses quatre étages en terrasses. Avec son grand escalier droit en bois d'ébène, portant aux angles de chaque marche la proue d'une galère vaincue, avec ses portes rouges écartelées d'une croix noire, ses grillages d'airain qui le défendaient en bas des scorpions, et ses treillis de baguettes dorées qui bouchaient en haut ses ouvertures, il semblait aux soldats, dans son opulence farouche, aussi solennel et impénétrable que le visage d'Hamilcar.


Gustave Flaubert, Salammbô.

Je la trouve si belle (7)

Bette Davis (1908-1989). Elle aussi, les yeux, bien sûr, comme dans la chanson.


Il pleut

Jean-Claude est parti. L'appartement est terminé, à part quelques menus bricoles, sur des meubles, qu'il fera en rentrant de vacances. Dernier repas de midi ensemble. Déménagement des outils et de tout son barda. A deux heures, je me retrouvais seul ici, devant mon nouveau chez-moi qu'il me reste encore à investir un peu, et l'orage grondait. Il est grand, mon appartement, quand personne n'est là pour y occuper de la place.

Alors, j'ai retrouvé une ancienne habitude. Pour combler le vide qui me pesait, j'ai fait du ménage. Tout est présentable, sauf la chambre d'amis où s'entasse un invraisemblable fourbis dont je ne sais que faire. Le téléphone de ma sœur me demandant de la remplacer auprès de ma mère a presque été le bienvenu: c'est dire!

Bientôt, ce sera la rentrée des classes. Je n'en ai plus envie. Les embouteillages à Lyon ont recommencé. La vie, quoi, comme on l'oublie pendant les vacances. Les levers tôt, les soirs où l'on doit se dire: "Sois raisonnable". Tout à l'heure, en rentrant, je pensais à un poème de Verlaine: "Il pleut dans mon cœur comme il pleut sur la ville...". Mais il ne faut peut-être pas exagéré, hein?

jeudi 25 août 2011

Et un peu de musique, ça vous dirait? (42)

Melina Mercouri, Les Enfants du Pirée (Ta pedia tou Pirea).

La dernière femme

Tiens, ce soir, j'ai l'âme chiffresque. Je viens de lire quelque chose qui m'a bien fait rire et qui n'est pas, d'ailleurs, sans rapport avec les occupations stériles qui prennent inutilement du temps.

Le très sérieux hebdomadaire britannique The Economist s'est amusé à calculer l'année de naissance de la dernière femme dans certains pays en prenant pour base le taux net de reproduction, c'est-à-dire le nombre de filles mises au monde par une génération de femmes. D'après ce journal, Hong-Kong entendrait le doux babil féminin pour la dernière fois en 2798. Le Japon, l'Allemagne, la Russie, l'Italie et l'Espagne n'atteindraient même pas le prochain millénaire. Quant à la Chine, la programmation risque la date de 3511.

Et la France, dans tout ça? The Economist n'en parle même pas mais d'autres se sont chargés de réparer cet oubli. Machos de tout poil, rassurez-vous! Nos vaillantes reproductrices ne vont pas encore vous abandonner lâchement! Pas avant 12184, soit dans 338 générations. Mais le temps passe si vite! Si j'étais vous, je commencerais ma reconversion....

Plus sérieusement, cette élucubration sur la naissance de la dernière femme m'a fait penser à un vieux film américain où, suite à un cataclysme planétaire, il ne reste, dans une grande ville déserte, que trois personnes, dont l'une a été sauvée parce que coincée au fond d'une galerie de mine. Sur ces trois personnes qui finiront par se retrouver (scène sublime où le mineur entend un téléphone sonner au loin et arrive trop tard pour décrocher!), il y a deux hommes (dont un noir, il me semble) et une femme. Bien qu'étant les derniers survivants de l'humanité, ils finiront par recréer les haines et les jalousies inhérentes à l'espèce et se sépareront définitivement, mettant un point final à la longue aventure des chasseurs de mammouths. Le titre de ce film m'échappe complètement ce soir. Quelqu'un a-t-il une idée de ce dont je veux parler?

Secondes perdues

Des gens bien se sont amusés à calculer le temps passé dans une vie à manger, dormir, faire l'amour, uriner et autres nécessités humaines. Impressionnant! Mais aucun, que je sache, n'a fait le même calcul pour les actes totalement inutiles et qui pourtant doivent aussi nous dévorer un bon nombre de nos précieuses secondes de bipèdes.

Ne comptez pas sur moi ce soir pour le faire à leur place. Une petite liste peut-être, et vous verrez que peu d'entre nous y échappent:

- la main sur la braguette pour être sûr que le service trois pièces ne s'est pas envolé dans un moment d'inattention (chez les mâles italiens en particulier, mais le rite semble s'être largement propagé en France).

- la main sur la poche latérale du portefeuille, pour se rassurer et comme pour bien indiquer où il se trouve (chez les mâles français en particulier, mais le rite semble s'être largement propagé en Italie, à Milan surtout).

- le doigt au sommet du nez, entre les deux yeux, pour remonter des lunettes que l'on a enlevées une bonne heure avant et dont on se demande ensuite où l'on a bien pu les fourrer.

- les pas pour retourner dans la cuisine vérifier si l'on a bien fermé le gaz ou sur le palier pour la même inspection du verrou de la porte d'entrée de l'appartement.

- le coup d'œil dans la devanture d'un magasin pour ajuster sa mèche récalcitrante, qui reprendra la même place deux mètres plus loin, ou pour se conforter dans l'idée que, finalement, on n'est pas mal fichu, même si des regards extérieurs peuvent en douter.

- le déplacement d'un objet d'un demi-millimètre sur une table pour que ce soit plus esthétique.

- la manie de mettre ses pantoufles bien parallèles au pied du lit en se couchant.

Etc. Etc. A vous de compléter cette liste qui n'a pas la prétention d'être exhaustive! (On pourrait aussi y rajouter le temps perdu à répondre aux incitations d'un blogueur qui ne trouve plus rien à dire...)

mercredi 24 août 2011

Chansons de circonstance

J'ai toujours détesté les colonies de vacances. Heureusement, mes parents ne m'ont imposé ce supplice que deux fois dans ma vie, à Usson-en-Forez, aux confins de la Loire et de la Haute-Loire. J'avais à peine plus de dix ans mais déjà, je ne supportais pas la vie en communauté. Mes co-colons étaient pour la plupart des sortes de veaux contents d'eux-mêmes dont on devinait rapidement ce qu'ils allaient devenir une fois adultes. Hygiène douteuse due à l'âge et plaisanteries grasses de pré pubères. Je n'étais pas habitué à ça, moi qui avais vécu seul les années précédentes avec ma grand-mère, années pendant lesquelles je ne me suis jamais ennuyé à jouer avec trois cubes et un almanach Vermot à découper.

Je n'aimais pas non plus les moniteurs, ces soit-disant grands qui se prenaient pour de véritables kapos et refusais régulièrement de me plier à leurs ordres quand je les trouvais absurdes. Ce qui m'occasionna souvent quelques problèmes au début puis une relative indifférence, voire une sorte de respect, au fur et à mesure où le séjour se déroulait. Un jour, l'un d'entre eux à qui je n'avais pas voulu obéir pour me mettre en rang, avait, arrivé au dortoir, renversé par vengeance, mes draps et mon sommier. Il s'imaginait que j'allais le refaire! C'est lui qui s'y est collé quand il m'a vu couché par terre.

Il y avait aussi deux moments que j'abhorrais particulièrement: le lever, où l'on nous forçait à chanter une chanson débile qui commençait par "Hop! dès le matin, lève-toi, l'heure sonne. Hop! dès le matin, lève-toi gaiement!". Tu parles! S'ensuivait la toilette dans des locaux qui sentaient le moisi et les pieds, à se laver les dents au dentifrice Colgate tri-colore au-dessus de grands bacs en alu crasseux pendant que les mieux formés d'entre nous s'amusaient à parader en montrant leurs muscles de pacotille.

Le deuxième instant de haine profonde, je le vivais avant chaque repas. Rassemblement dans la cour, par équipe, toujours en chantant des paroles appropriées: "Un jambon de Mayence, v'là qu'ça commence déjà bien! Nous allons faire bombance! A ce festin, il ne manquera rien...". Et puis les hordes assiégeaient les tables et ceux qui, le matin, exposaient leur anatomie, se servaient copieusement des plats au détriment des autres!

Bien sûr, j'appréciais certains moments: les balades, par exemple, les longues marches où les costauds se plaignaient bien vite de leurs pieds alors que moi, je n'étais jamais rassasié de mettre un pas devant l'autre. Là aussi, il y avait une chanson, mais celle-là, je la chantais à tue-tête: " Va d'un bon pas, ne faiblis pas! La route est ta meilleure amie, mon gars...". Les veillées, surtout celles qui se passaient dehors, autour d'un feu de camp, à chanter encore: "Les Crapauds" ou "J'étais jadis un prince perfide et méchant..." ou "La vieille Diligence". Et surtout, le moment de retrouver mon lit et ma solitude. Tout le monde s'endormait vite. Moi, je rêvais d'ailleurs, les yeux grand ouverts...

Je la trouve si belle (6)

Katharine Hepburn (1907-2003). Le menton.

Nids à microbes

Je suis allé chez le coiffeur ce matin. Finies les bouclettes des vacances: testa quasi rasa! Eh oui, il faut avoir l'air présentable pour la rentrée! Frédéric me dit qu'ainsi je fais un peu camp de concentration. Côté prisonniers ou côté bourreaux? Il faut dire que, dans le dernier cas, c'est un peu ce que je recherche, le temps d'établir le cadre avec la nouvelle fournée. On pourra plaisanter après, quand je le déciderai! Mais une chose à ne pas oublier: c'est moi qui mène le bal!

En attendant mon tour, j'ai feuilleté les inévitables Paris Match qui traînent sur la petite table du salon. Bien sûr, j'ai eu droit au feuilleton franco-américain et au mariage du Rocher, avec photos à l'appui! Mais qui achète donc ça?

Et puis je me suis surpris à mouiller mon doigt pour faire plus facilement tourner les pages de ce papier glacé. Combien de clients l'ont fait avant moi? Rien que d'y penser, j'en ai eu comme un dégoût. Personne n'a jamais compris que c'était un véritable nid à microbes que ces revues maintes fois compulsées et rejetées là après usage? A l'heure où tout doit être aseptisé, surtout dans les cantines des restaurants scolaires où ça frise le ridicule, je ne comprends pas que l'on ne se soit pas encore penché sur le cas des salles d'attente des coiffeurs, dentistes, kinés et autres médecins. On parie que ça viendra?

mardi 23 août 2011

Non! pas la voiture...

Tiens, pendant qu'on y est! Elle aurait eu 80 ans aujourd'hui.

Prévisions pour une fin d'été

Bon! La soubrette new-yorkaise et son séducteur rondouillard n'intéressant plus personne, la télé a bien encore Khadafi à se mettre sous la dent, mais pour combien de temps? La Syrie ne passionne pas les foules apparemment. Alors? S'il ne se passe rien et vite, on va encore avoir droit à l'achat des cartables (roses pour les filles, bleus pour les garçons) et au coût de la rentrée pour ces familles qui ne cessent de geindre de la cherté de la vie (et ce ne sont pas les plus pauvres qu'on entend le plus fort!). Parions même qu'un ministre suant de bons sentiments va faire son apparition dans une salle d'école primaire pour emmêler tendrement la crinière d'un gamin boudeur qui s'en serait bien passé, et de la rentrée et du ministre.
Moi, maintenant, j'attends les ors de l'automne.

Mauvaise nouvelle pour les Bretons

L'Académicien morlaisien Michel Mohrt est... mort. Mais comme, aujourd'hui, on se fout tout autant de la correction de la langue que de la cuisson du pain, ça n'intéresse sans doute pas grand monde dans les médias!
(Il y a aussi Raoul Ruiz et Allain Leprest!)

lundi 22 août 2011

Pages marquantes (5)

Phèdre:
- Ah, cruel ! tu m’as trop entendue !
Je t’en ai dit assez pour te tirer d’erreur.
Eh bien ! connais donc Phèdre et toute sa fureur :
J’aime ! Ne pense pas qu’au moment que je t’aime,
Innocente à mes yeux, je m’approuve moi-même ;
Ni que du fol amour qui trouble ma raison
Ma lâche complaisance ait nourri le poison ;
Objet infortuné des vengeances célestes,
Je m’abhorre encor plus que tu ne me détestes.
Les dieux m’en sont témoins, ces dieux qui dans mon flanc
Ont allumé le feu fatal à tout mon sang ;
Ces dieux qui se sont fait une gloire cruelle
De séduire le cœur d’une faible mortelle.
Toi-même en ton esprit rappelle le passé :
C’est peu de t’avoir fui, cruel, je t’ai chassé ;
J’ai voulu te paraître odieuse, inhumaine ;
Pour mieux te résister, j’ai recherché ta haine.
De quoi m’ont profité mes inutiles soins ?
Tu me haïssais plus, je ne t’aimais pas moins ;
Tes malheurs te prêtaient encor de nouveaux charmes.
J’ai langui, j’ai séché dans les feux, dans les larmes :
Il suffit de tes yeux pour t’en persuader,
Si tes yeux un moment pouvaient me regarder…
Que dis-je ? cet aveu que je te viens de faire,
Cet aveu si honteux, le crois-tu volontaire ?
Tremblante pour un fils que je n’osais trahir,
Je te venais prier de ne le point haïr :
Faibles projets d’un cœur trop plein de ce qu’il aime !
Hélas ! je ne t’ai pu parler que de toi-même !
Venge-toi, punis-moi d’un odieux amour :
Digne fils du héros qui t’a donné le jour,
Délivre l’univers d’un monstre qui t’irrite.
La veuve de Thésée ose aimer Hippolyte !
Crois-moi, ce monstre affreux ne doit point t’échapper ;
Voilà mon cœur : c’est là que ta main doit frapper.
Impatient déjà d’expier son offense,
Au-devant de ton bras je le sens qui s’avance.
Frappe : ou si tu le crois indigne de tes coups,
Si ta haine m’envie un supplice si doux,
Ou si d’un sang trop vil ta main serait trempée,
Au défaut de ton bras prête-moi ton épée ;
Donne.

Jean racine, Phèdre, Acte II, scène 5

Et un peu de musique, ça vous dirait? (41)

Esther Ofarim, Un prince en Avignon
.

Momentini

- Tout a rouvert en même temps. A croire qu'ils s'étaient donnés le mot: le petit Casino, les deux boulangeries, le bar-tabac. Tous bronzés, sourire accueillant aux lèvres. J'ai fait exprès de mettre aujourd'hui un bermuda montrant bien le blanc immaculé de mes jambes. Juste pour leur faire honte de nous avoir abandonnés! Bon, le quartier reprend vie et..... difficultés de stationnement.

- Depuis deux jours, un crétin (différent chaque soir) croit malin d'occuper la place de parking souterrain que je loue depuis plusieurs mois à une entreprise du coin. Ce soir, j'ai laissé sur le pare-brise un commentaire... circonstancié. Demain, j'attaque sérieusement l'enquête. Il y a de fortes chances qu'il s'agisse du papa ou de la maman d'un petit étudiant qui s'installe dans la résidence au-dessus et qui va découvrir la grande ville. Et moi, si je le trouve, je vais lui faire passer le goût du sans-gêne.

- A la télé, un jeu "culturel" où le candidat ne savait même pas que Les Lettres de mon moulin étaient de Daudet! Mais que font les enseignants?!

- Premier accrochage de tableaux aux murs de mon appartement. J'ai toujours trouvé que c'était le moment le plus délicat.

- Attention: maintenant, on ne dit plus "baguépy", on dit "charlinette". Et moi, si je veux continuer à dire "baguette", hein! Et bien cuite, s'il vous plaît! Non, pas celle-là, à portée de main et prise au hasard, l'autre, là-bas, qui se cache tout au fond et oblige à tout déranger! Ça vous apprendra à prendre des vacances alors qu'il n'y avait que quinze jours que vous étiez propriétaires du fond. Et puis, dernière remarque, je me fous comme de mon premier pet que vous vous prénommiez Aline et Luc!

dimanche 21 août 2011

Je la trouve si belle (5)

Audrey Hepburn (1929-1993). Tout.

Pour faire plaisir...

.... à qui je sais, en lui souhaitant une bonne reprise du travail!


Les causes d'un silence

Deux jours en Savoie. Petit saut de puce pour changer d'air.
Vendredi, déambulation dans Aix-les-bains. Ma détestation de cette ville s'est confirmée. Ville de cures, villes de vieillards, où rien ne semble vivre vraiment. Au théâtre de verdure, un orchestre joue Marinella. Des couples cacochymes dansent dans la chaleur. A l'Odéon, près de l'Hôtel de Ville, valses de Strauss et extraits d'Offenbach. Au Casino, shorts et tenues d'été. Tout sent la poussière, dans cette ville qui voudrait garder son faste d'antan et ne se rend pas compte qu'elle dort debout!

Le soir, repas dans un restaurant au bord du lac, en face de Hautecombe. Je n'y ai plus mis les pieds depuis l'âge de dix ans. A prévoir pour un de mes prochains séjours.

Samedi, déjeuner avec quelqu'un dont Pierre m'avait beaucoup parlé. Il a fallu attendre tout ce temps pour le rencontrer. Un homme affable et instruit. Les autres n'ont presque pas eu le droit à la parole. La sympathie a été immédiate et réciproque. Je craignais ce repas avec des inconnus. J'en suis ressorti ravi.

Retour à Lyon dans l'après-midi. Je bénis celui qui a inventé la climatisation dans les voitures! Le soir, restaurant encore avec Frédéric, Jean-Claude et Pierre, rue des Marronniers. Rencontre intéressante (à suivre) de quelqu'un qui travaille presque au même endroit que moi. Fin de soirée au Forum devant une bonne bière. Du mal à dormir ensuite, tant il fait chaud.

jeudi 18 août 2011

Momentini

- Chaleur accablante sur Lyon aujourd'hui, et ce n'est pas fini. La grenouille de la météo annonce 40 pour dimanche. Un petit séjour du côté des Alpes va me faire le plus grand bien.

- Je ne suis pas un intégriste de la grammaire française mais je n'aime pas qu'on la maltraite trop ou alors en jouant avec. Surtout lorsque la faute de quelques-uns devient la règle commune. Et entendre à longueur de temps des pipeuls dire: "Je remercie à mon public, à mes parents, à notre envoyé spécial", ça commence à me les briser menu!

- Un homme ivre et sale endormi à même le trottoir près de chez moi et son compagnon à la face rubiconde qui veille sur la couverture et les restes de nourriture. Au retour, ils avaient inversé les rôles. Et ça ne choque plus personne. Douce France.

- Pas vu un seul spectacle de "Tout l'monde dehors" cet été à Lyon. Beaucoup ont sans doute dû être supprimés à cause de la météo. Mais j'ai l'impression, en feuilletant le programme, que le niveau a beaucoup baissé par rapport aux premières années. Cette année, par exemple, quid de l'Ensemble Boréades? Rien! Disparu! Alors moi, vous savez...

Et un peu de musique, ça vous dirait? (40)

Maria Callas, Ebben ? ne andrò lontana. La Wally, Alfredo Catalani.

Ocre

Sur mon bureau, une carte postale trouvée il y a quelques temps au fond de ma boîte. La seule de l'été, une des rares de l'année. Des amis fidèles aux vieilles traditions. Un texte aux mots convenus mais sincères. S'ils savaient le plaisir qu'il me font! J'ai failli la jeter avec la tonne de prospectus qui encombre chaque jour l'immeuble et ça empire au fur et à mesure que la rentrée approche. Dieu merci, je n'ai ni cahier, ni classeur, ni cartable à acheter. Mes deux seules dépenses: le carnet de notes et l'agenda septembre/septembre et elles sont faites depuis le mois de juin. Pas envie de côtoyer trop tôt ces charmantes têtes blondes et leurs génitrices en me demandant qui, décidément, des deux est le plus hystérique.

J'ai toujours préféré Sienne à Florence. La patrie des Médicis m'étouffe et je ne la supporte que vue de haut. Sienne est plus mystérieuse, moins convenue et la route pour y accéder, à travers les vignobles du Chianti est tellement belle. Je me souviens encore de cet aubergiste qui nous reçut plusieurs années durant avec les élèves du voyage pour un petit déjeuner copieux et rapidement servi. Il ne manquait jamais de nous faire au départ un petit cadeau, à nous les adultes.

Je ne suis monté qu'une fois au sommet de la Torre del Mangia qui domine le Palazzo Pubblico, sans doute à cause du vertige que je ressens en ces occasions. Mais j'aime la place du Palio, cette coquille où le soleil joue toute la journée et les petits écussons des Contrade, paroisses et quartiers qui se battent pour remporter la victoire. Je n'ai jamais assisté à cette course et ne le regrette pas: la foule y est telle que mon plaisir en serait gâché. En revanche, par hasard, j'ai suivi une fois le défilé du quartier gagnant qui pavoise le jour de la fête de son saint patron. Impressionnant d'allégresse civile et de conviction religieuse!

La pinacothèque renferme un nombre impressionnant d'œuvres des primitifs italiens, peintures que j'aime par dessus tout. Et il n'y est pas interdit de les photographier (sans flash, bien sûr!). Je m'étais fait ainsi une récolte magnifique d'Annonciations (sujet du tableau ou détail) qui vinrent enrichir ma collection (oui, depuis très longtemps, je collecte les reproductions de cet instant capital où tout bascula pour des siècles).

Et puis, pas très loin, il y a Volterra et ses balze, où flotte encore le souvenir de Claudia Cardinale et de la Sandra de Visconti. Encore une fois, Vaghe stelle dell'Orsa....

Pages marquantes (4)

Il y avait en Westphalie, dans le château de M. le baron de Thunder-ten-tronckh, un jeune garçon à qui la nature avait donné les mœurs les plus douces. Sa physionomie annonçait son âme. Il avait le jugement assez droit, avec l'esprit le plus simple ; c'est, je crois, pour cette raison qu'on le nommait Candide. Les anciens domestiques de la maison soupçonnaient qu'il était fils de la sœur de monsieur le baron et d'un bon et honnête gentilhomme du voisinage, que cette demoiselle ne voulut jamais épouser parce qu'il n'avait pu prouver que soixante et onze quartiers, et que le reste de son arbre généalogique avait été perdu par l'injure du temps.

Monsieur le baron était un des plus puissants seigneurs de la Westphalie, car son château avait une porte et des fenêtres. Sa grande salle même était ornée d'une tapisserie. Tous les chiens de ses basses-cours composaient une meute dans le besoin ; ses palefreniers étaient ses piqueurs ; le vicaire du village était son grand aumônier. Ils l'appelaient tous monseigneur, et ils riaient quand il faisait des contes.

Madame la baronne, qui pesait environ trois cent cinquante livres, s'attirait par là une très grande considération, et faisait les honneurs de la maison avec une dignité qui la rendait encore plus respectable. Sa fille Cunégonde, âgée de dix-sept ans, était haute en couleur, fraîche, grasse, appétissante. Le fils du baron paraissait en tout digne de son père. Le précepteur Pangloss était l'oracle de la maison, et le petit Candide écoutait ses leçons avec toute la bonne foi de son âge et de son caractère.

Pangloss enseignait la métaphysico-théologo-cosmolonigologie. Il prouvait admirablement qu'il n'y a point d'effet sans cause, et que, dans ce meilleur des mondes possibles, le château de monseigneur le baron était le plus beau des châteaux et madame la meilleure des baronnes possibles.

« Il est démontré, disait-il, que les choses ne peuvent être autrement : car, tout étant fait pour une fin, tout est nécessairement pour la meilleure fin. Remarquez bien que les nez ont été faits pour porter des lunettes, aussi avons-nous des lunettes. Les jambes sont visiblement instituées pour être chaussées, et nous avons des chausses. Les pierres ont été formées pour être taillées, et pour en faire des châteaux, aussi monseigneur a un très beau château ; le plus grand baron de la province doit être le mieux logé ; et, les cochons étant faits pour être mangés, nous mangeons du porc toute l'année : par conséquent, ceux qui ont avancé que tout est bien ont dit une sottise ; il fallait dire que tout est au mieux. »

Candide écoutait attentivement, et croyait innocemment ; car il trouvait Mlle Cunégonde extrêmement belle, quoiqu'il ne prît jamais la hardiesse de le lui dire. Il concluait qu'après le bonheur d'être né baron de Thunder-ten-tronckh, le second degré de bonheur était d'être Mlle Cunégonde ; le troisième, de la voir tous les jours ; et le quatrième, d'entendre maître Pangloss, le plus grand philosophe de la province, et par conséquent de toute la terre.

Voltaire, Candide.

mercredi 17 août 2011

Été 81

Peut-être ai-je déjà évoqué ce souvenir, mais tant pis. Ce séjour en Ombrie, dans l'été 1981, a sans doute été l'un des plus beaux moments de ma vie. J'y perfectionnais mon italien à l'Université pour Étrangers de Pérouge, ville étrusque perchée comme toutes ses semblables sur son promontoire rocheux, face à la sage Assise.

Cours dans la journée (arts, histoire, cinéma, littérature, langue bien sûr) dans un groupe de non-francophones choisi volontairement pour échapper aux nombreux suisses et belges italianisants. Ou bien visite des environs: Assise, Gubbio, Orvieto, Todi, Lucca...

Promenade le soir sur le Corso Vannucci jusqu'à l'esplanade où je me remémorais, devant la plaine à mes pieds, les vers de Léopardi:
Vaghe stelle dell'Orsa, io non credea
Tornare ancor per uso a contemplarvi
Sul paterno giardino scintillanti,
E ragionar con voi dalle finestre
Di questo albergo ove abitai fanciullo,
E delle gioie mie vidi la fine.

Après le plaisir des papilles (glace à la banane), celui des yeux et du corps. J'ai eu deux amants cet été-là, concomitamment: un serveur de restaurant, gentil râblé qui sentait le soleil, et un ex-mannequin cultivé et amoureux de moi, tous deux au corps splendide et au sourire enchanteur.

Dans le groupe d'étudiants, j'avais tissé une amitié solide avec une croate. Elle s'appelait Zubravka et ne parlait pas un mot de français. C'est elle qui m'avait abordé un jour, à la fin d'un cours, pour me dire, toute rougissante, que je ressemblais à un Saint Jean Baptiste peint par un primitif italien. Devant mon air incrédule, elle m'avait, le lendemain, apporté la reproduction de ce tableau et j'avais dû me rendre à l'évidence: la ressemblance était bien là!

Nous avions pris en commun un abonnement à un petit cinéma d'arts et d'essais où nous vîmes d'innombrables chefs-d'œuvre du septième art transalpin. Après la séance, nous nous installions à la terrasse d'un café du Cours et nous échangions nos impressions sur ce que nous venions de voir, dans un italien parfois laborieux mais nous finissions toujours par nous comprendre. Un des films qui m'avaient le plus marqué à cette époque fut à coup sûr Al di là del bene e del male de Liliana Cavani, qui évoque la rencontre de Lou Andreas-Salomé et de Friedrich Nietzsche.

A la fin du séjour, Pierre était venu me rejoindre et nous étions partis tous les deux en Sardaigne dont j'avais eu, pendant quelques jours, du mal à apprécier la beauté après l'univers artistico-culturel foisonnant de l'Ombrie.

Je n'ai jamais revu mes deux amants. Seul un 45 tours reste, dont j'ai déjà parlé. Zubravka m'a téléphoné un jour à Lyon mais la ligne était trop mauvaise pour que je puisse enregistrer sa nouvelle adresse. Je ne l'ai jamais revue non plus.

Je la trouve si belle (4)

Deborah Kerr (1921-207). Le front.

Le Fils de Bakounine

Un fils part à la recherche de son père, ou plutôt du souvenir de son père, un certain Tullio Saba, fils de riche ruiné et syndicaliste acharné. Mais qui était vraiment ce père? Chaque témoignage de ceux qui l'ont connu en donne un éclairage différent. Le livre n'est fait que de ces témoignages à travers lesquels pourtant se forme la silhouette de celui qui n'a laissé personne indifférent.

Le plus intéressant, c'est la découverte de la Sardaigne pendant les années mussoliniennes, d'un peu avant à un peu après, d'une île encore fruste mais fortement attachée à ses traditions et, semble-t-il, peu encline à faire siennes les idées extravagantes de Benito.

(Sergio Atzeni, Le Fils de Bakounine,Trad. de Marc Porcu, Libretto)

mardi 16 août 2011

Manque de sens esthétique

L'autre jour, je disais que le Jura m'avait toujours été favorable. Force m'est de revenir un peu sur mon opinion! Hier matin, encore en boxer de nuit, j'ai découvert, en fumant ma première cigarette (pas encore arrêté, oui, je sais!), un bel animal accroché à mon mollet. Le genre mesquin qui attend tranquillement dans les bois ou dans les prés qu'une chair appétissante (oui, bon...) passe à portée de ses crochets acérés pour s'installer là sans billet de logement et commencer à vous sucer tranquillement le sang pour se nourrir: une tique!

Cette bestiole m'a toujours dégoûté mais malheureusement je ne lui fais pas le même effet: c'est la quatrième fois qu'un de ces mini-vampires vient me prélever sa dîme et je m'en passerais bien. La première passagère clandestine, j'étais allé me la faire enlever à l'hôpital de Sainte-Foy: opération réussie mais avec un petit souvenir supplémentaire, une cicatrice que j'ai toujours, encore bien visible sur la jambe gauche.

Alors, depuis, j'ai toujours préféré me débrouiller tout seul et cela ne m'a pas trop mal réussi les deux fois suivantes. Mais hier, pas d'éther pour l'endormir, aucun désinfectant pour nettoyer. Qu'à cela ne tienne! Aux grands maux les grands remèdes: une aiguille à coudre rougie sur la gazinière, une pince à épiler et un flacon d'eau de Cologne. Mais les puces jurassiennes (jurassiques?) ont l'air d'avoir du tempérament! Elle s'accrochait ferme, la charogne!

Tout le monde (ou presque) autour de moi à s'affairer, à donner son avis, son remède, à courir en tous sens comme les habitantes d'une fourmilière qu'un pied maladroit vient de rencontrer. Et moi qui, après avoir arraché le corps pas encore rempli de mon sang (l'un des spectateurs a même dit que ce devait être un mâle, car seules les femelles se gorgent jusqu'en en être obscènes d'obésité. Mais moi, je ne sais pas, je ne veux pas d'histoire avec les ligues féministes, même tiquesques. D'ailleurs, autrement, que viendrait faire un mâle sur moi, je vous le demande?), moi donc qui, après en avoir arraché le corps, m'escrimais à me débarrasser de la tête restée plantée aussi profond qu'une écharde!

Résultat: une belle plaie sanguinolente puis croûtée que, nonobstant ma pudeur naturelle et à cause de sa rougeur qui l'est moins, je m'en fus tantôt dévoiler à mon voisin de pharmacien. A surveiller de très près, m'a-t-il dit en bon professionnel qu'il est et qui ne cherche pas à rassurer le client (ni à l'inquiéter inutilement d'ailleurs, puisqu'il n'en a pas profité pour me refiler un de ces remèdes largement plus chers qu'efficaces).

Si encore la bestiole avait eu le moindre sens esthé-tique, elle aurait bouloté la deuxième jambe, celle qui n'a pas de cicatrices: une symétrie aurait pu être du meilleur effet! Mais non, la même, à quelques centimètres du cal gracieusement offert par l'hôpital d'une des banlieues les plus chic de Lyon. J'enrage!

Et un peu de musique, ça vous dirait? (39)

Régine Crespin, Nuits d'été, Le Spectre de la Rose.

Kit

Trois heures passées à monter un meuble télé acheté en kit! Ou bien je ne suis pas doué, ou bien il faut sortir de Saint-Cyr (peut-être les deux d'ailleurs!) pour comprendre leur schéma quasiment muet (pourtant made in France, je viens de vérifier)! Trois heures à observer le papier, à visser, tourner, retourner, dévisser, se demander dans quel sens présenter l'engin, se ramasser sur les pieds les parties non encore fixées... Avec à la clé une belle ampoule ouverte dans la paume de la main. Et tout cela dans une chaleur à crever. Mais je suis têtu et le résultat ressemble bien à un meuble télé! Et même à celui qui servait à la présentation dans le magasin. Alors, je ne dois pas être loin de la vérité! Une seule interrogation pourtant en fin d'après-midi: pourquoi me reste-t-il plusieurs accessoires (visses et je ne sais quoi) non utilisés? Une seule hésitation aussi: poser la nouvelle télé dessus! On avisera demain.

Message personnel

P.P: Dieu sait (et moi aussi) que j'aime lire, ou écouter, ou regarder tes billets. Eh bien, depuis quelques jours, il m'est pratiquement impossible non pas d'y accéder mais de faire défiler l'écran à moins d'y consacrer un bon quart d'heure. Même chose pour te laisser un commentaire. Je viens d'essayer pour la énième fois. Peine perdue. Alors, comme je sais que tu passes fréquemment par ici, j'ai choisi ce moyen de te prévenir. Un peu cavalier peut-être mais j'espère que tu me pardonneras. J'en suis d'autant plus marri que tu me fais souvent découvrir en particulier des types de musiques que je connais peu. T'a-t-on déjà signaler cette difficulté?

lundi 15 août 2011

Du sud-ouest au nord-est.

Quelques kilomètres au compteur ce soir qui font que je ne sais plus très bien où j'habite maintenant, en rentrant chez moi. Étonnant comme de petits séjours ailleurs peuvent dépayser et faire du bien.

Samedi, ce fut le Jura, hier l'Ardèche et depuis hier soir le Jura à nouveau. En Ardèche, très bon repas offert par mon frère pour la fête de ma mère (15 août) à l'Auberge du lac de Ternay, sur la commune de Saint-Marcel-lès-Annonay, suivi d'une promenade digestive autour du lac. Nous en avions tous besoin: quatre heures à table, ça tue les fesses! Retour par le Pilat, en passant par Bourg-Argental, patrie de la famille de ma mère et le col de la République.

Le soir, une demi-heure chez moi puis retour près de Saint-Amour où l'on m'a attendu pour dîner. Deux bons orages en route mais qui ont sans doute laver le ciel, car ce matin, grand soleil dans la région. Petit blanc d'Alsace chez Romain à Coligny puis, après le déjeuner, brocante de Roissiat sous une chaleur rare dans ces montagnes. En fin d'après-midi, ramassage de mûres avec Frédéric (la moitié d'un petit seau). Depuis combien d'années ne m'étais-je pas taché les mains à ce petit jeu?. Et quelques photos des volailles du paysan voisin qui nous a expliqué les races de ses coqs, poules, dindes, pintades, oies et canards.

Le plus surprenant, c'est qu'alors que l'on nous avait promis un lundi noir pour la circulation des retours, il n'y avait pas grand monde sur l'autoroute. Et voilà comment je me retrouve seul, un peu déboussolé, ce soir devant mon écran d'ordinateur.

La Mort et la belle vie

Polybe (non, ce n'est pas un de ces trucs enquiquinants qu'il faut se faire enlever de la tuyauterie intime) disait: "La critique est aisée mais l'art est difficile". En fait, je ne sais pas comment parler de ce polar que j'ai avalé avec un plaisir inégalé depuis quelque temps: La Mort et la belle vie, de Richard Hugo (rien à voir avec notre chantre national!).

Je ne sais pas parce que je suis encore dans l'admiration et pour le style et pour l'intelligence de l'intrigue, à double ou triple fond, et pour le personnage de Barnes-la-tendresse, un flic poète qui finira bien sûr par découvrir qui est responsable des meurtres à la hache d'hommes dans un coin paumé du Montana.

Richard Hugo, avant de disparaître d'une leucémie en 1982, n'a laissé que ce seul roman (publié en 1980) et c'est bien dommage! Allez, pour finir l'été en beauté!

(Richard Hugo, La Mort et la belle vie, trad. de Michel Lederer,10/18 n°3126)

Je la trouve si belle (3)

Silvana Mangano (1930-1989). Le nez

samedi 13 août 2011

Et un peu de musique, ça vous dirait ? (38)

Henri Ledroit. Vivaldi, Stabat Mater.

Voyages pour Cythère

Le marché de Saint-Amour (Jura) est moins célèbre certes que celui de Brive-la-Gaillarde et pourtant l'on y fait de drôles de rencontres. Ainsi votre Calyste a-t-il aujourd'hui échappé dans cette petite bourgade, pleine de charme mais totalement mortelle une fois le marché terminé, à deux tentatives d'enlèvement. Faut-il attendre la presque soixantaine pour voir apparaître un dieu taurin qui, tel Europe, vous emmène sur sa croupe?

En guise de dieu des dieux, je n'eus droit, il est vrai, qu'à un marchand forain et au facteur du village. Chacun des deux, alors que j'attendais sagement avec les paquets le reste de la bande qui s'occupait de l'achat du liquide dans un magasin, m'a proposé de grimper l'un dans sa camionnette, l'autre sur le porte-bagages de son vélo. Comme je lui faisais remarquer qu'il y avait aussi tous les cabas, il m'a montré, encourageant, sa sacoche vide en fin de tournée.

Rassurez-vous: Calyste a su résister à ces voyages pour Cythère et tout cela a abouti à un bon moment d'échanges de recettes et de plaisanteries. Décidément, le Jura m'a toujours été favorable!

vendredi 12 août 2011

Mets ton hymie, j'te dis!

L'autre jour, chez ma mère, des Chiffres et des Lettres, une des plus vieilles émissions de la télévision française, je crois. Il s'agissait d'épeler le mot métonymie. Un des deux candidats s'en est bien sorti. Et moi de voir surgir dans ma mémoire un livre qu'il a fallu que j'avale entièrement à l'époque où j'étais étudiant en Lettres, Les Figures du discours, de Pierre Fontanier.

Ah! pour certaines, j'en ai bavé! Presque 500 pages, lues de A à Z et mémorisées pour la plupart, classant ces figures en tropes et non tropes. Avec, outre métonymie, des noms aussi "poétiques" que synecdoque, subjectification, métalepse, épitrope, astéisme, contrefision, ou des titres de chapitres aussi attractifs que "Des Tropes comme pures catachrèses, et, par conséquent, comme non vraies figures". Ça, ça vous donne l'envie de vous installer confortablement sur votre canapé, lumière tamisée, musique d'ambiance et de vous plonger dans les délices de l'identification!

Que dit Wiki au sujet de la métonymie? Rien que de très simple:
La métonymie (substantif féminin) est une figure de style appartenant à la classe des tropes qui consiste à remplacer, dans le cours d’une phrase, un substantif par un autre, ou par un élément substantivé, qui entretient avec lui un rapport de contiguïté et peut être considéré comme équivalent sur l'axe paradigmatique du discours. Ainsi, la métonymie est une figure opérant un changement de désignation.

Souvent, cette relation de substitution est motivée par le fait que les deux mots entretiennent une relation qui peut être : la cause pour l’effet, le contenant pour le contenu, l’artiste pour l’œuvre, la ville pour ses habitants, la localisation pour l’institution qui y est installée


En fait, et ceux qui ne sont pas encore endormis devant leur écran en seront récompensés, c'est effectivement très simple. Des métonymies, nous en employons tous les jours, à longueur de temps, sans savoir, comme Monsieur Jourdain avec la prose, que nous les utilisons. Par exemple:
- métonymie du contenant: boire une bonne bouteille.
- métonymie du lieu: déguster un bon Bordeaux.
- métonymie de l'artiste: on a retrouvé un Stradivarius
- métonymie de l'instrument: le premier violon était malade.
- métonymie de la ville: Et Paris se met en colère (eh oui, même Mireille Mathieu!)
Etc, etc.
Alors, c'est compris ou il faut que je recommence?

Un copain de moins

Henri Tisot est mort il y a quelques jours. La radio a beaucoup évoqué sa disparition, beaucoup plus que je ne l'aurais pensé. Et de rappeler sans cesse ses imitations du Général De Gaulle qui, c'est vrai, ont marqué toute une époque, celle des années soixante..

L'extrait d'interview repassé ce jour-là sur France-Inter m'a un peu refroidi: le comédien/imitateur/écrivain y disait que le cinéma est passé totalement à côté de lui. Bien présomptueux, le monsieur! Je n'ai jamais vu en lui de la graine de grand acteur.

Je préfère, pour ma part, garder l'image de cet étudiant débonnaire et provençal qui a enchanté ma jeunesse, dans le feuilleton télévisé: Le Temps des copains. Lucien Gonfaron, parmi les trois jeunes gens, était mon préféré.

Rencontre

Cet après-midi, à la recherche d'une table de télévision. Eh oui, il faudra bien la poser quelque part mardi, quand ils vont me la livrer. Au détour des rayons, un œil me scrute: une vieille, très vieille connaissance, que Jean-Claude et Frédéric ont eux aussi côtoyée il y a quelques années. Un monsieur assez distingué, portant beau, comme on disait autrefois, malgré un certain outrage des ans, et que nous appellerons Arsène puisque tel est le surnom qu'ils lui ont donné.

Faisant fi des autres, Arsène ne semble reconnaître que moi, s'approche et me salue:
- Il me semble que nous nous connaissons.
- Oui, il me semble aussi! (S'il lui semble seulement, pas de raison que moi, j'en sois sûr!)
- Mais avec la moustache en moins?
- La barbe également.
S'ensuivront quelques mots anodins et amènes que l'on oublie après que de les avoir prononcés.
Nous allions nous séparer lorsqu'il se croit obligé de rajouter, du ton le plus léger qu'il peut trouver:
- Il y a au moins dix ans que je n'avais pas mis les pieds dans ce magasin!

Le magasin, c'est un magasin populaire qui pratique des prix raisonnables. Étant donné l'état de mes finances actuellement, je n'allais pas faire des frais inconsidérés pour une banale table de télévision. Mais pourquoi s'excuser, se dédouaner de fréquenter une telle enseigne? Je savais le monsieur un peu snob, fréquentant chaque année, à ses dires, le carnaval de Venise et se confectionnant lui-même ses propres costumes de parade, mais sa culture étendue avait jusque-là fait passer la pilule. Aujourd'hui, je l'ai trouvé ridicule. Autrefois, il m'aurait ébahi. Il est parfois bon de vieillir!

jeudi 11 août 2011

Pages marquantes (3)

Mon père se prénommait Louis. Ma mère se prénomme Jeanne. Le temps des verbes éclaire: j'ai perdu mon père, ce qui s'appelle perdre, comme on perd un trousseau de clefs, et certaines portes en effet ne s'ouvrent plus; j'ai gardé ma mère, je la garde, c'est une de mes chances.
Jeanne, Louis. Logique, non? si le doux fruit de leur union se prénomme Jean-Louis.
Ma mère espérait une fille. Pour obtenir enfin la poupée idéale dont rêvent les gamines: l'"en chair et en os" qui bat des cils, couine, fait pipi, dit papa-maman, sans recours à une machinerie désenchantante. Cette fille indubitable, on la baptiserait Denise. Ma mère, habitée de ce têtard qui allait devenir moi, rêvait, les doigts dans du ruban rose.
Il fallut virer soudain du rose au bleu. Changement de dragées, plutôt brutal. Le chiendent, c'est qu'il est resté du rose en moi. Caché profond, au plus obscur, dans cette nuit tiède où l'incertitude entre le bleu et le rose se prépare à jouer les plus vilains tours. (...)
La découverte, dans la topographie de ma toute nouvelle personne, d'un détail surnuméraire non prévu pour le paysage, ne tua pas Denise. Virilisée in extremis, elle figure dans mon identité sous la forme de ce prénom superfétatoire, l'inusité, le pire: l'inutilisable, celui qu'on ne souligne pas dans les passeports. Jean-Louis Denis. C'était concéder à la fausse momie ce bat-bout de table où l'on case le cousin pauvre, le parent qu'on a failli oublier, ou dont on rougit et que l'on craint de voir se tenir mal.

Jean-Louis Bory, ma Moitié d'orange (Idée fixe, Julliard)

Momentini

- Sur la tombe de Pierre hier. Ai désherbé l'allée qui y mène sur une trentaine de mètres, plus quelques tombes à l'abandon ou presque. A l'accueil, on me dit que, pourtant, l'entretien des allées est fait régulièrement mais que les jardiniers ne sont que six pour les deux cimetières et qu'ils ne viennent que tôt le matin, à la fraîche. Vu l'été pourri, ils doivent aussi craindre l'humidité.

- L'épicier afghan est en vacances. Sur sa porte, son traditionnel avis aux clients: "Fermé pour cause de fermeture!". Un afghan qui a le sens de l'humour et qui connaît la tautologie.

- Un serveur qui voit ce qu'est un Campari et pas un Campari soda, c'est normal, ça?

- Arrive au bout d'un roman policier qui m'a emballé. L'auteur est mort sans en avoir écrit un autre. Il y en a qui n'ont vraiment pas de chance (je parle de moi).

- Ma mère qui marmonne et moi, un peu sourd, qui ne comprends pas toujours ce qu'elle dit.
Moi: "Hein ?"
Ma mère: "Plaît-il ?" (avec un sourire jusqu'aux oreilles)

- Entendu à la radio une émission avec Jean-Michel Ribes, metteur en scène de théâtre. Il a l'air insupportable, le bonhomme, non?

- Retrouvé tout à l'heure un 33 tours que j'avais gagné à un jeu radiophonique, dans mon jeune âge. La question portait sur Barbara. J'espérais un de ses albums. On m'envoie Montand et Monroe dans Le Milliardaire. Bon, d'accord, pas le même registre mais pas déçu quand même en écoutant My heart belongs to daddy.

Je la trouve si belle (2)

Ava Gardner (1922-1990). La pulpe.

mercredi 10 août 2011

Dans la nuit

Une ambulance arrêtée dans la rue, dans la nuit. Un vieillard en sort, soutenu par un homme et une femme, et se dirige vers l'immeuble en face. Je ne l'ai jamais vu. Il met un temps infini à parcourir les quelques mètres qui le séparent de la porte.

J'imagine sa journée, à traîner sur une chaise en plastique dans ces salles d'attente d'hôpitaux qui sentent l'angoisse et le désinfectant. J'imagine sa soirée, heureux de retrouver ses vieux meubles usés par l'usage, mais encore mal, si mal de finir de vivre. Est-ce la première alerte? Est-ce la dernière? Personne ne l'attend mais il en a pris, à défaut de son parti, l'habitude. Pourquoi ces scènes entrevues me chavirent-elles autant?

Et un peu de musique, ça vous dirait? (37)

Graeme Allwright, Petites boîtes

Pages marquantes (2)

Les habitants de Paris sont d'une curiosité qui va jusqu'à l'extravagance. Lorsque j'arrivai, je fus regardé comme si j'avais été envoyé du ciel: vieillards, hommes, femmes, enfants, tous voulaient me voir. Si je sortais, tout le monde se mettait aux fenêtres; si j'étais aux Tuileries, je voyais aussitôt un cercle se former autour de moi; les femmes mêmes faisaient un arc-en-ciel nuancé de mille couleurs, qui m'entourait. Si j'étais aux spectacles, je voyais aussitôt cent lorgnettes dressées contre ma figure: enfin jamais homme n'a tant été vu que moi. Je souriais quelquefois d'entendre des gens qui n'étaient presque jamais sortis de leur chambre, qui disaient entre eux: Il faut avouer qu'il a l'air bien persan. Chose admirable! Je trouvais de mes portraits partout; je me voyais multiplié dans toutes les boutiques, sur toutes les cheminées, tant on craignait de ne m'avoir pas assez vu.
Tant d'honneurs ne laissent pas d'être à la charge: je ne me croyais pas un homme si curieux et si rare; et quoique j'aie très bonne opinion de moi, je ne me serais jamais imaginé que je dusse troubler le repos d'une grande ville où je n'étais point connu. Cela me fit résoudre à quitter l'habit persan, et à en endosser un à l'européenne, pour voir s'il resterait encore dans ma physionomie quelque chose d'admirable. Cet essai me fit connaître ce que je valais réellement. Libre de tous les ornements étrangers, je me vis apprécié au plus juste. J'eus sujet de me plaindre de mon tailleur, qui m'avait fait perdre en un instant l'attention et l'estime publique; car j'entrai tout à coup dans un néant affreux. Je demeurais quelquefois une heure dans une compagnie sans qu'on m'eût regardé, et qu'on m'eût mis en occasion d'ouvrir la bouche; mais, si quelqu'un par hasard apprenait à la compagnie que j'étais Persan, j'entendais aussitôt autour de moi un bourdonnement: Ah! ah! monsieur est Persan? C'est une chose bien extraordinaire! Comment peut-on être Persan?
A Paris, le 6 de la lune de Chalval, 1712.


Montesquieu, Lettres Persanes (lettre XXX).

mardi 9 août 2011

Turbo (and corse)

Vous pouvez revenir! L'accès à mon blog est passé au turbo, comme ça, par simple caprice. Pourvu que ça dure! comme aurait dit Maria-Letizia Ramolino (pour ceux qui ne suivent pas l'actualité de près, il s'agit de la mère de Napoléon Bonaparte!).

Unchained Melody

La quintessence du slow! Années soixante-dix. Petit pull qui découvrait le nombril et jeans ultra moulants. Il fallait se coucher à plat sur un lit pour en tirer la fermeture-éclair. La boîte de nuit était sur les quais de Saône, avec, tout proche, un hôtel accueillant qui ne faisait pas d'histoire pour héberger les couples éphémères.

En entrant dans l'antre enfumé, petit pincement à un cœur qui battait plus vite: vais-je plaire ce soir? J'avais vingt ans et je me posais la question! Un regard soutenu, une invitation à danser dès que la série de slows commençait. Finir vite le whisky-coca avant d'accepter. Le cœur qui bat plus vite encore, les bras qui vous enserrent la taille, et le sourire, sans un mot. Puis les visages qui se rapprochent, imperceptiblement, irrésistiblement. Les mains qui glissent, les lèvres qui s'unissent et le parfum de l'autre mêlé à de la sueur fraîche. Les corps aussi se sont unis, serrés à sentir grandir le désir de l'autre et le sien qui s'exacerbe.

Et les mains qui se promènent, qui questionnent, qui explorent, qui palpent jusqu'à en être indiscrètes. On n'entend plus la musique, seuls les pieds marquent le bon rythme. A la fin de la série de slows, on va s'asseoir sur la vieille banquette de cuir ou de velours râpé et la nuit ne fait que commencer.

Deux façons de voir et d'entendre

Unchained Melody (Alex North)

Righteous Brothers (Bobby Hatfield), 1955


Instrumental (Maurice Jarre), 1990

Papier qui glace

Une gamine de dix ans qui fait des photos glamour sur un magazine de mode! Surmaquillée avec, déjà, le regard aguicheur et la pose alanguie. Je serais curieux de savoir combien de mes élèves filles (ou garçons, pourquoi pas) rêvent d'être à sa place. Chez moi, cela ne provoque que du dégoût. Faire endosser à une petite fille un rôle, une image, bien au-delà de son âge, ça relève de la plus pure connerie de la part des parents. Je considère ça comme un viol de son enfance, même si l'enfance n'est pas aussi innocente que certains veulent bien le dire.

Au collège, j'ai eu une élève jusqu'à l'an dernier qui a fait cette même expérience. L'adolescence venue, cette élève s'est mise à grossir énormément. La mère lui a fait suivre un régime pour qu'elle retrouve la taille adéquate, même au risque de compromettre la santé de sa fille. Rien n'y a fait: la collégienne a continué à voir sa taille s'arrondir en diable. Elle compense maintenant par une élégance rare, et de bon goût la plupart du temps, dans sa tenue vestimentaire. C'est une fille bien et qui doit être solide pour avoir dû endurer tout cela. A sa place, combien d'autres auraient sombré en même temps que leur rêve?

lundi 8 août 2011

Maniaco-rangeur

Hier, quatre heures et quart de (re)lavage de vaisselle, essuyage et rangement dans le meuble ad hoc. Aujourd'hui, c'était au tour des vieux disques à retrouver leur place dans le bahut. Devinez ce que je préfère. Souvenirs, souvenirs. Et classés (oui, je suis maniaque et lorsque je veux écouter quelque chose, je n'aime pas le chercher pendant trop longtemps) par ordre alphabétique de compositeurs pour la musique classique, de chanteurs pour la variété, de titres pour les coffrets d'opéras. Bach tient une place énorme. Rien d'étonnant!
Une multitude de cassettes audio en a rejoint les tiroirs. Les réécouterai-je un jour? C'était pour la voiture, pendant les trajets longs ou courts. Bach encore, que Pierre aimait autant que moi. J'ai envie, cet été, de revoir le Chablais, en Haute-Savoie, et où en est la maison que sa famille a vendue au plus offrant. Je crois que j'en suis capable maintenant.

Et un peu de musique, ça vous dirait? (36)

Tout à l'heure dans la voiture. Larmes aux yeux.

Barbara, La petite Cantate. (Discorama)


dimanche 7 août 2011

Pages marquantes

Un des textes, découverts enfant, qui m'a fait aimer la littérature (et l'amour des noms de tissus).


Les soirées d'automne et d'hiver étaient d'une autre nature. Le souper fini et les quatre convives revenus de la table à la cheminée, ma mère se jetait, en soupirant, sur un vieux lit de jour de siamoise flambée ; on mettait devant elle un guéridon avec une bougie. Je m'asseyais auprès du feu avec Lucile ; les domestiques enlevaient le couvert et se retiraient. Mon père commençait alors une promenade, qui ne cessait qu'à l'heure de son coucher. Il était vêtu d'une robe de ratine blanche, ou plutôt d'une espèce de manteau que je n'ai vu qu'à lui. Sa tête, demi-chauve, était couverte d'un grand bonnet blanc qui se tenait tout droit. Lorsqu'en se promenant, il s'éloignait du foyer, la vaste salle était si peu éclairée par une seule bougie qu'on ne le voyait plus ; on l'entendait seulement encore marcher dans les ténèbres : puis il revenait lentement vers la lumière et émergeait peu à peu de l'obscurité, comme un spectre, avec sa robe blanche, son bonnet blanc, sa figure longue et pâle. Lucile et moi, nous échangions quelques mots à voix basse, quand il était à l'autre bout de la salle ; nous nous taisions quand il se rapprochait de nous. Il nous disait, en passant : "De quoi parliez-vous ? " Saisis de terreur, nous ne répondions rien ; il continuait sa marche. Le reste de la soirée, l'oreille n'était plus frappée que du bruit mesuré de ses pas, des soupirs de ma mère et du murmure du vent.

Dix heures sonnaient à l'horloge du château : mon père s'arrêtait ; le même ressort, qui avait soulevé le marteau de l'horloge, semblait avoir suspendu ses pas. Il tirait sa montre, la montait, prenait un grand flambeau d'argent surmonté d'une grande bougie, entrait un moment dans la petite tour de l'ouest, puis revenait, son flambeau à la main, et s'avançait vers sa chambre à coucher dépendante de la petite tour de l'est. Lucile et moi, nous nous tenions sur son passage ; nous l'embrassions, en lui souhaitant une bonne nuit. Il penchait vers nous sa joue sèche et creuse, sans nous répondre, continuait sa route et se retirait au fond de la tour, dont nous entendions les portes se refermer sur lui.

Le talisman était brisé ; ma mère, ma sœur et moi, transformés en statues par la présence de mon père, nous recouvrions les fonctions de la vie. Le premier effet de notre désenchantement se manifestait par un débordement de paroles : si le silence nous avait opprimés, il nous le payait cher.

(Chateaubriand, Mémoires d'Outre-Tombe)

Un coup de pompe

Depuis deux jours, mon ordinateur me joue un drôle de tour. Déjà quelques temps auparavant, j'avais constaté que, pour arriver sur le site de mon blog, la progression de l'enregistrement marquait un petit temps vers la fin, mais, après un court accrochage, tout rentrait dans l'ordre.

Maintenant, c'est exactement la même chose sauf que c'est beaucoup plus long: une vingtaine de secondes au moins à patienter ou plutôt à s'énerver, parce que 20 secondes pour un clic, c'est l'éternité. Je contourne le problème en allant visiter les autres blogs via certains qui ont à peu près les mêmes (bonnes) adresse que moi. Mais il y en a d'isolés, et puis lire mes commentaires ou aller y répondre relève de la course d'endurance pour les nerfs. Et le plus rageant, c'est que tous les autres sites apparaissent trsè vire, comme autrefois, à la demande.

Le pire, c'est que cette idiotie m'enlève presque instantanément l'envie d'écrire quoi que ce soit. Hier soir, après une excellente soirée avec Frédéric, je me suis réfugié sur un jeu à la con, histoire de bouder un peu cet écran pour voir si ça le ferait revenir à des meilleurs sentiments. Rien de mieux!

Alors, trop vieux, le pépère? Ce n'est pourtant pas le moment qu'il me lâche , ni pour les loisirs, ni pour le boulot.

vendredi 5 août 2011

Virée

Virée aujourd'hui dans ce qui fut autrefois la maison de Kicou, dans ce petit bout de Loire coincé entre Rhône et Ardèche, au sud de Lyon. Ce qui fut, car j'ai eu du mal à en reconnaître certains coins. Son fils et sa famille viennent de s'y installer à demeure, après en avoir transformé une bonne partie. Georges, son mari, a l'air de trop maintenant au milieu de tous ces changements et des jouets de gosses qui traînent un peu partout.

La chambre bleue, celle où j'ai toujours dormi, est devenu un salon sans âme encombré de meubles laids. La méridienne en velours rouge, où Kicou aimait à se reposer pendant les moments où sa maladie le lui permettait, a disparu. A la place, un canapé rutilant neuf. Georges avait presque mal de me montrer tout cela. J'ai fait des compliments, le cœur serré. Mais, après tout, qui suis-je pour juger, moi qui viens de refaire à neuf mon propre appartement où la plupart des souvenirs liés à Pierre sont effacés? Le spectacle doit continuer, comme dit l'autre.

jeudi 4 août 2011

Et un peu de musique, ça vous dirait (35)

Joseph Canteloube (1879-1957), Chants d'Auvergne. Pastourelle.
Véronique Gens, Orchestre national de Lille, Jean-Claude Casadesus.

4 août

4 août 1789! Nuit célèbre entre toutes dans notre histoire nationale, celle de l'abolition des privilèges, de la fin du régime féodal, voulue et obtenue par la Révolution Française. Cela fait donc 222 ans aujourd'hui! Tout devrait marcher comme sur des roulettes, alors, depuis le temps?

Et que voit-on en lieu et place de cette égalité tant affichée au fronton de nos mairies? Des politiciens (de tous bords) adeptes du passe-droit, des salaires scandaleux, des bénéfices qu'on ne peut même pas dépenser en une vie, des achats de footballeurs à des prix dont ne sait même pas combien ça représente de paniers de la ménagère, des chanteurs qui se paient d'immenses territoires en Patagonie, des journalistes truqueurs qui en sont quitte uniquement en s'excusant à l'écran, et j'en passe et des meilleurs, comme disait notre cher Victor (non, mon grand-père ne s'appelait pas Victor!). et, à côté de cela, des vieux qui ont sué toute leur vie dans des boulots de merde et qui ont à peine de quoi s'acheter une baguette de pain frais quand la boulangerie daigne être ouverte au mois d'août pour leur éviter d'avoir à faire des kilomètres pour en trouver une.

Alors moi, je ne suis pas en fête ce soir. Cette abolition, c'est une étoile filante depuis longtemps désagrégée. Il parait qu'il y en a beaucoup en ce moment!

Triangle rose

Rudolf Brazda, le dernier triangle rose de la dernière mondiale encore en vie, est mort hier, de sa belle mort, après avoir survécu aux camps d'extermination nazis. 98 ans, c'est déjà pas mal, surtout après avoir vécu ce qu'il a vécu. En 2008, apprenant qu'il était le seul rescapé de son espèce, il avait rompu son silence pour raconter son histoire dans un livre que je n'ai pas lu. Il a demandé à ce que ses cendres soient déposées dans la tombe de son compagnon de vie, mort en 2003 et avec qui il a partagé plus de cinquante années de son existence. Paix à ses cendres.

Lorsque j'ai appris la nouvelle, est remontée en moi une des plus belles colères que j'ai prises de ma vie. J'ai su un jour que des anciens combattants se préparant pour leur défilé annuel avaient refusé auprès d'eux la présence de quelques-uns de ces triangles roses. Ben tiens, ça fait mauvais genre, des tapettes dans un défilé! Mais que ce soient des gens qui ont eu à subir le pire ostracisme de la part d'un régime totalitaire qui en viennent à cette bassesse, comme disait ma grand-mère, ça vous en bouche un coin. Moi, ça m'avait ouvert a bouche!

mercredi 3 août 2011

Je la trouve si belle

Alida Valli (1921-2006). Les yeux.

Remplir le vide

J'étais comme vide, ce soir. En rentrant, tout à l'heure, j'ai eu la joie de voir qu'il ne restait plus qu'une couche de rénovateur à passer au plancher de chêne du salon pour que le gros des travaux soit terminé. J'ai appelé Jean-Claude pour lui dire combien j'étais content et comme je trouvais ça beau. Appel sincère et spontané.

Puis, en ayant raccroché, je n'ai plus ressenti cette joie, mais au contraire une grande fatigue qui m'a submergé. Tout à coup, l'appartement n'avait plus aucun intérêt pour moi, je n'avais qu'une envie: m'enfuir, sortir dans les rues, me fatiguer à marcher au hasard, me coucher éreinté, dormir sans rêve.

J'ai cru que, comme bien souvent, l'écriture ici allait remettre les choses en place. Sec! J'ai eu l'impression d'avoir tout dit, ne plus avoir envie. Aucun sujet ne me venait. A quoi bon? J'ai tourné en rond chez les autres, à la recherche de nouveaux billets. Bien rares en ce mois d'août. Et puis, j'ai vu, grâce à Upsilon, le lyonnais de (Des)illusions, quelque chose qui m'a fasciné. En suivant le lien qu'il propose, je suis tombé sur ça. Et j'ai remonté le temps, de ma ville et des recherches que ces gens font sur Lyon en 1700. Et la petite étincelle est revenue. Chapeau bas, messieurs.

Mon maître

Il s'appelait Henri. C'était un être presque difforme, à cause d'une maladie, je ne sais pas laquelle, qui avait atrophié le bas de son corps, réduisant ses jambes à de pauvres bâtons soutenus par une canne à l'aide de laquelle, péniblement, il avançait. Comme pour compenser, le tronc était impressionnant de force physique, et ses mains, ses belles mains aux rebords ourlés de poils noirs, dégageaient une puissance effrayante.

C'est le premier professeur que j'ai eu à mon entrée en sixième, celui qui m'a accueilli dans ce grand lycée où j'allais passer huit ans, dont trois avec lui, celui dont j'avais rêvé la veille, étrangement semblable dans cette même salle entr'aperçue en songe. Lorsqu'il était assis à son bureau surélevé par une estrade, il était impressionnant, une sorte de Jupiter tonnant au doux regard et au verbe intelligent.

Il m'a appris le latin, le grec, l'amour de la littérature, me faisant découvrir le plaisir de lire de vrais auteurs. Il m'a inculqué la logique et la primauté du raisonnement, le dégoût pour la facilité et la joie de l'effort intellectuel. Il pouvait être dur parfois, il était toujours exigeant. Je lui dois ce que je suis, à lui plus qu'à tout autre. Il a été mon maître, au sens le plus noble du terme.

Dès le début, il m'avait pris en grande affection, allant même jusqu'à m'offrir des vacances sous la tente, à moi dont les parents étaient bien incapables de les financer. Il m'avait donné un surnom affectueux, à moi seul réservé. Des étés avec lui, à découvrir le jeu du foulard, à marcher dans la campagne de Haute-Loire, à s'initier au cinéma par les projections qu'il organisait pendant ces camps ou dans l'année dans un local où il avait installé une sorte d'association culturelle réservée aux élèves qui le suivaient.

J'ai appris longtemps après qu'il avait une réputation bien établie dans le monde de l'éducation où, pourtant, le grenouillage ne manque pas. Moi, enfant, j'aimais quand il me passait la main sur la nuque en se déplaçant dans la salle pour vérifier notre travail. Ce geste, que beaucoup interpréterait mal aujourd'hui, m'a fait avancer à son pas à lui, un pas d'estropié qui m'emmenait voler. L'albatros du poème, c'était lui pour moi.

Je l'ai revu une seule fois, des années plus tard. Il avait organisé un stage de formation pour enseignants. Lorsque j'ai frappé à sa porte, j'étais anxieux, comme lorsqu'on relit un livre que l'on a trop aimé. J'ai entendu la canne qui martelait le parquet, la porte s'est ouverte et il m'a dit: "Ah! C'est toi!". Le fil n'avait pas cassé.

J'ai cherché sa tombe, un été, avec Pierre. Nous ne l'avons pas trouvée mais j'ai parcouru, ce dimanche, les lieux où s'étaient déroulés ces beaux mois de juillet de mon enfance, entre champs de blé et forêt de sapins. On se sent tout petit alors, comme si le maître était encore là.

(Merci à La Plume d'avoir réveillé ce souvenir.)

mardi 2 août 2011

Parce que

Parce que je l'aime elle, par ce que je l'aime lui, et parce que j'aime "Trois petites Notes de musique", quand c'est Cora Vaucaire qui les chante.


Alida Valli & Georges Wilson dans un extrait du film "Une aussi longue absence", Henri Colpi 1961.

Momentini

- Grande discussion avec une de mes vieilles voisines que j'adore mais qui est franchement de plus en plus sourde:
Moi: - Bon appétit.
Elle: - Ça va en ce moment: tant qu'on peut se déplacer!
L'essentiel, c'est d'entretenir l'amitié!

- Allez faire un tour dans un magasin de bricolage au mois d'août. Là, vous touchez le fond, et des rayons, et du personnel incapable! Il y a des jours, on se prend à douter de l'espèce humaine! Et encore une caissière plus que limite, dans la comptabilité, celle-ci.

- Dîner ce soir avec Fabrice à la Brasserie Le Nord, appartenant à Bocuse. Bon repas à un prix tout à fait abordable. Adresse à retenir. Nous avions visé Léon de Lyon (brasserie) mais terrasse complète.

- Lyon se vide, sauf de touristes. Je ne sais pas ce que je préfère, de l'autochtone ou de l'importé.

Et un peu de musique, ça vous dirait (34)

Gilles Vigneault, Gros Pierre

lundi 1 août 2011

Hip-hop culture ?

La Tutélaire

En décapant le bahut du salon, j'ai découvert, tout au fond, masqués par la crasse et la colle noircie, des lambeaux de vieux journaux collés sans doute par d'anciens propriétaires. Nous avions acheté ce meuble, Pierre et moi, chez un brocanteur dans le sixième arrondissement, à Lyon. Il a d'abord servi à ranger de la vaisselle puis des disques et ce qu'il faut pour les écouter. J'avais fait la même découverte au fond d'un placard dans notre ancien appartement: un des tous premiers numéros du Progrès, le journal local. Mais si j'avais pu la première fois déchiffré la date de parution, ceux d'aujourd'hui étaient beaucoup trop abîmes pour qu'il soit possible d'y lire quoi que ce soit.

De cet ancien appartement, il reste une relique qui ne nous a jamais quittée depuis que nous l'avons trouvée: une minuscule vierge de plomb, grossièrement fondue, abandonnée là ou perdue et qui n'a plus jamais quitté notre cuisine. Pierre, qui ne manquait jamais d'inventivité et donnait à chacun un surnom, l'avait baptisée la "Tutélaire". Seule exception à sa présence: au moment du déménagement, il y a vingt ans, elle avait disparu. Nous l'avions crue irrémédiablement perdue jusqu'au jour où, avant de jeter les journaux qui avaient servi à protéger les objets, j'ai eu la bonne idée de vérifier s'ils ne contenaient plus rien. Elle était restée pliée au fond d'un carton. Aujourd'hui, elle est encore là, au milieu des toupines qui prennent la poussière au dessus de la cuisinière.