samedi 31 juillet 2010

L'aventure

" Et l'aventure, la grande aventure, c'est de voir surgir quelque chose d'inconnu chaque jour dans le même visage. C'est plus grand que tous les voyages autour du monde."
Alberto Giacometti .

(Pour Noa.)

vendredi 30 juillet 2010

L'Unico

La tendance actuelle dans les blogs amis étant de montrer sa photo, je ne résiste pas plus longtemps. Mais voilà, c'est moi qui choisis. En voici une de l'été 1981, à Lucca, je crois, lors de mon séjour en Italie à l'Université pour Étrangers de Perugia. C'est une australienne qui l'avait prise, parlant l'italien avec un fort accent anglais. C'était la petite amie d'un ami. Elle m'avait surnommé l'"Unico", à cause des sens interdits. Allez comprendre!

PS: pour la ressemblance avec aujourd'hui, il faudra bien entendu changer quelques petites choses par ci, modifier quelques détails par là, mais je vous fais confiance!

Dies sine labore

Jour sans travaux aujourd'hui. Jean-Claude est pris ailleurs. Bonne occasion de se lancer dans un peu de ménage. La poussière blanche a tout envahi et, de toute façon, réapparaîtra dès la semaine prochaine avec ce qu'il reste à faire.

J'ai dû, l'autre jour, passer encore trois heures chez Lerin-Merloy pour obtenir le minimum. L'évier commandé au magasin de Grenoble s'est évaporé dans la nature, ou plus exactement l'employé de Grenoble n'a pas fait son travail. Il a déjà fallu une heure d'attente pour que j'apprenne la nouvelle. On m'a proposé de patienter jusqu'au 30 août, date de retour du fournisseur, mais ma patience n'allait pas jusque-là. Alors, poliment mais fermement, j'ai prévenu que j'allais déchirer ma carte de fidélité et porter mes guêtres ailleurs. On a alors trouvé une autre solution, et c'est la pauvre employée de Lyon, qui n'est pour rien dans ce foutoir, qui va elle-même aller aujourd'hui prendre livraison dudit évier à Saint-Étienne. Je lui souhaite bien du plaisir avec les départs et retours des vacanciers!

Bon, allez, positivons. Il y a tout de même pour se faire plaisir les victoires successives de nos athlètes à Barcelone!

jeudi 29 juillet 2010

Firmin

Enfin un roman qui m'a ravi! Enfin une lecture dont le plaisir et la jubilation ne se sont pas dissipés tout au long des pages. Ça s'appelle Firmin, autobiographie d'un grignoteur de livres. C'est d'un américain, Sam Savage, traduit par Céline Leroy et publié chez Actes Sud (Babel). C'est bien écrit, bien traduit, original, drôle (au moins au début, car, ensuite, ça se gâte un peu) et d'une longueur d'où toute prétention est exclue.

C'est l'histoire d'un rat né dans le sous-sol d'une librairie du vieux Boston dans les années soixante, un rat qui sait lire et qui aime les livres, d'abord en les dévorant des dents, ensuite plus traditionnellement, pour nous, des yeux. C'est l'histoire d'un amour impossible avec un libraire pourtant prometteur et d'une profonde amitié avec un écrivain marginal dont la mort coïncidera, à quelques jours près, avec la destruction du vieux quartier promis depuis longtemps à la démolition.

Fable humaniste? Conte philosophique? On ne sait comment qualifier ce roman. Mais a-t-il besoin de l'être? Un moment extraordinaire d'émotion grinçante est celui où Firmin découvre pour la première fois son visage dans un miroir et se rend compte qu'il n'est qu'un rat maigrichon à grosse tête d'intellectuel alors qu'il se voyait, dans ses rêves, le clone de Fred Astaire. Lisez ce livre, enfin si vous voulez!

Mon intelligence est devenue plus affûtée que mes dents. (...) Parfois je regardais autour de moi et tremblais de joie. Je ne comprenais pas pourquoi tout cela m'avait été accordé. Parfois aussi, j'imaginais que cela faisait partie d'un plan secret. Est-il possible que moi, malgré mon invraisemblable apparence, j'ai une Destinée? me demandais-je? Et par Destinée, j'entendais le genre d'existence que mènent les personnages d'une histoire et qui, si chahutés, bousculés par les événements d'une vie soient-ils, sont finalement chahutés et bousculés avec une certaine cohérence. Dans les histoires, la vie a un sens, suit une direction. Même les plus stupides et insignifiantes, comme celle de Lenny dans Des Souris et des hommes, parce qu'elles s'inscrivent dans une histoire, acquièrent au moins le dignité d'être des Vies Stupides et Insignifiantes, la consolation d'être des références en quelque chose. Dans la vie réelle, nous n'avons même pas cela.

Retour au Pékin.

Hier soir, dîné au restaurant avec Fabrice. Nous ne le faisons pas souvent mais régulièrement. Toujours des tas de choses à nous raconter. Mais en plus, hier soir, il y avait .... comment dire? ... un petit litchi sur le beignet!

Nous sommes allés dans un restaurant chinois. Jusque là rien que de banal, mais j'ai beaucoup fréquenté ce restaurant il y a une trentaine d'années avec Pierre. C'était un peu notre base arrière pour des repas tout simples. Je ne savais pas que cette enseigne, Le Pékin (rue Charles Dullin, face au théâtre des Célestins), existait encore, que de plus elle appartient toujours à la même famille, que ce sont les filles qui maintenant sont aux commandes mais que le père est toujours là lui aussi, un beau vieillard que j'ai reconnu immédiatement lorsque je l'ai vu surgir de la salle du sous-sol par l'étroit escalier en colimaçon.

C'est cet homme plus que le restaurant qui m'avait marqué à l'époque. Certes d'une amabilité et d'une politesse assez traditionnelles chez les commerçants asiatiques mais avec quelque chose en plus, une vérité profonde, un raisonnement sûr et une intelligence supérieure. Hier, en bavardant un instant avec lui, je lui ai rappelé l'année où il avait dû fermer le sous-sol à cause des inondations de la Saône toute proche. Il s'en souvenait bien mais m'a précisé que cet incident, à une échelle certes moindre, s'était reproduit plusieurs années durant jusqu'à la construction du parking souterrain pour lequel on a visiblement assaini le terrain.

J'ai aussi appris hier quelque chose que je ne savais pas: c'est qu'il est arrivé à Lyon autour de 1975, après avoir fui son pays, le Cambodge, où sévissaient alors les khmers rouges. Il était donc très nouvellement installé lorsque je l'ai connu. Il n'a en rien changé. Certes le physique est un peu érodé, la stature légèrement affaissée, mais il conserve intacts son don du contact et son talent de parler intelligemment.

Le repas fut bon, suivi d'une promenade le long de la Saône, hélas abrégée par mon dos qui me rappelait trop souvent à l'ordre. Avant de quitter le restaurant, j'avais eu droit, comme Fabrice, à une bise chaleureuse de l'une des filles, Dominique. J'en ai été touché.

mercredi 28 juillet 2010

Naturistes

Voir le frère de l'un de ses collègues, sa femme et ses enfants à la télévision, ce n'est déjà pas banal. Les voir dans un reportage régional sur la pratique du naturisme, ça l'est encore moins. Découvrir une paire de fesses de ladite famille, on touche à l'exceptionnel. Derniers mots qui ne sont que pure image car, hélas, le postérieur proposé appartenait sans doute au beau-père et avait probablement connu des jours meilleurs.

Solitude

Frappé chez ma voisine du dessous pour lui demander quelque chose. Alors que je l'avais croisée à peine un quart d'heure plus tôt dans l'escalier, elle avait déjà fini de déjeuner. Sur la table de la cuisine, étalés, les petits carrés en plastique d'un jeu de scrabble.
- Oui, dit-elle en souriant comme pour s'excuser, je joue. J'ai main droite et main gauche, je ne suis pas toute seule.
Elle vit juste sous mes pieds.

mardi 27 juillet 2010

Du béton en noir et blanc

Une carte postale en noir et blanc. Au dos, peu de choses. Rien d'inutile. L'explication de ce que l'on voit au recto:
Le Corbusier-Couvent dominicain. Sainte-Marie-de-la-Tourette. Eveux. 69210 L'Arbresle.

En-dessous, le nom de la photographe et tout en bas, dans le coin inférieur gauche, le copyright: Edition Photographie d'Auteur. En haut, à droite, deux traits horizontaux pour marquer la place où coller le timbre.


Au recto, le sommet du couvent derrière lequel se détachent au loin les monts du Lyonnais. Cela ressemble un peu à Fort Boyard mais en rectangulaire, ou à une prison des années soixante-dix avec ses miradors. Du béton brut sur lequel la lumière est trop uniforme, banale. Au centre de ce qu'on imagine être une cour intérieure, le haut émergeant d'une pyramide blanche sur un côté de laquelle a été accroché une ferraille recourbée à angle droit comme un moderne cadran solaire. La surface lisse de la pyramide qui est, si je me souviens bien, le sommet de la chapelle accroche mieux la lumière du soleil. Un paysage minéral et vide que n'humanise pas le faîte de quelques arbres sur la gauche.

Malgré les explications données à maintes occasions, cette architecture de Le Corbusier ne me touche pas. De mes visites là haut, je ne retiens que l'ambiance de douce luminosité de cette chapelle pyramidale et bien sûr, quelques bons moments aux conférences du Centre Thomas Moore.

Athlétisme à Barcelone

Les Championnats d'Europe d'Athlétisme ont commencé aujourd'hui à Barcelone. Ces grandes fêtes du sport sont un rendez-vous que je manque le moins souvent possible. J'en suis devenu accro à Bons, pendant les siestes estivales, sans me douter que, quelques années plus tard, je participerais moi-même au semi marathon de Lyon.

Depuis, le plaisir de suivre ces épreuves sur le petit écran ne s'est jamais démenti. Toutes les disciplines m'intéressent, avec bien sûr une prédilection pour la course à pieds, particulièrement sur longues distances. Mais j'aime aussi les sauts et les lancés (poids, javelots, disques...).

Cette année, ce qui transpire à la télévision, c'est la bonne entente au sein de l'équipe de France, une sorte de camaraderie qui se poursuit au-delà des caméras. De quoi se réconcilier avec une couleur que d'autres, plus cabotins que sportifs, ont fait rougir en Afrique du sud.

lundi 26 juillet 2010

Au milieu des papiers de Pierre

Lorsqu'on est séparé de quelqu'un qu'on aime beaucoup.

Si tu aimes quelqu'un et que tu es séparé de lui, il n'y a rien qui puisse remplir le vide de son absence. N'essaye pas de le remplacer, tu dois simplement l'accepter sans relâche.
Cela est dur, mais comporte une grande consolation, car aussi longtemps que ce vide reste, tu resteras uni à l'autre.
Il n'est pas exact de dire que Dieu remplit ce vide, Il ne le remplit pas du tout, au contraire: Il garde ce vide vide, et nous aide ainsi à garder l'union antérieure, fût-ce même dans la peine.
Plus les souvenirs sont beaux et riches, plus douloureuse se ressentira la séparation; mais la gratitude peut transformer la douleur des souvenirs en joie profonde.
Les belles choses du passé ne sont pas une épine dans la chair, mais un cadeau précieux que l'on porte dans son cœur.
Il faut s'efforcer à ne pas creuser continuellement dans ses souvenirs, au risque de s'y perdre. On ne fixe pas continuellement un cadeau précieux, mais seulement à des moments précis; en dehors de ces moments il reste un trésor caché, une possession sûre; alors seulement le passé deviendra une source continue de joie et de force.

Dietrich Bonhoeffer, Résistance et Résignation. (Éditeur et traducteur non précisés)

Beau texte si l'on oublie son style un peu daté. Personnellement, je surlignerais bien le dernier paragraphe.

Pour en savoir plus sur Dietrich Bonhoeffer, cliquer sur le lien ici.

Le Convoi des braves

Un deuxième western sur Arte ce soir: Le Convoi des braves de John Ford (1950). Un groupe de Mormons, aidés de deux jeunes guides, et encombrés d'abord d'un trio de saltimbanques puis d'une fratrie de gangsters, tente de rejoindre la vallée de San José où ils comptent s'installer.

Bien sûr, toujours les fabuleux décors des canyons, bien sûr les bons et les méchants mais ces derniers peu nombreux cette fois-ci et finalement de peu d'importance, bien sûr les idylles qui se nouent facilement et aboutissent heureusement... Alors quoi d'autre dans celui-ci? Des chants entonnés en chœur, d'hommes principalement, lorsque la caméra offre un panoramique sur le long convoi de chariots ou sur la traversée de la rivière, une présentation assez sympathique des Mormons (je ne pense pourtant pas que Ford l'ait été lui-même), la plupart des acteurs que je ne connais pas, exception faite de cette sorte de mama italienne qui joue le rôle de Soeur Ledeyard et dont Google m'apprend qu'il s'agit de Jane Darwell (mais je serais incapable de dire dans quel autre film j'ai déjà rencontré cette actrice spécialisée dans les seconds rôles).

Et puis deux petites perles ce soir: d'abord un passage d'une dizaine de minutes en VO, alors que la diffusion était en VF. Embêtant pour suivre ce qui se passe mais bien venu pour avoir une petite idée des voix des acteurs. Quand on repasse à la VF, on est surpris et un peu déçu du décalage. Et puis une suite de quelques images ayant servi deux fois dans le film, vers le milieu et à la toute fin, au moment de passages de rivières. On y voit les mêmes chariots amorcer le même virage dans la rivière, avec le même homme à cheval qui suit en entraînant quelques bêtes attachées derrière lui, et le même poulain gravissant tant bien que mal la pente abrupte de la berge opposée. Mais, après tout, les chevaux ne seraient-ils pas, bien que rarement en vedette, les véritables héros de ces westerns ?

dimanche 25 juillet 2010

Fiction et publicité.

Il est question de faire entrer la publicité dans la fiction de télévision. Quatre citations de marques environ pour chaque intervalle de 90 minutes. Lorsque l'on écoute les discussions sur ce sujet, à la radio par exemple, on est sidéré par la mauvaise foi de ceux qui sont pour cette introduction.

Ils prétendent en effet que cela est déjà en place au cinéma et que ça ne gêne personne. Ils oublient de préciser qu'au cinéma le réalisateur du film et son producteur sont libres de donner à leur fiction la tonalité qu'ils désirent. Alors que pour la télévision, il y a aussi la chaîne et son "caractère propre", les impératifs de durée, la volonté de s'adresser toujours exclusivement au même public.

De plus, on voit mal les marques accepter d'être présentées comme l'entend le réalisateur seul, sans mettre leur grain de sel sur la façon de cadrer ou d'amener la référence. Quelle marque enfin (mais cela est aussi valable pour le cinéma) consentirait à être mentionnée ou son produit utilisé par un héros antipathique? Nous allons tout droit vers un formatage absolu: de gentils héros dans de gentilles histoires racontées à un gentil public. De la bouillie pour chats, toujours la même devant laquelle on peut s'endormir sans risquer d'être dérouté au réveil. A vomir!

Momentini

D'hier, vue l'heure:

- Les travaux dans ma cuisine avancent, même s'il reste encore beaucoup à faire. Les carreaux posés me plaisent. Je suis en train de changer d'univers. Peu à peu. Le plus impressionnant, ce sont mes caves: dorénavant vides!

- Cet après-midi, j'ai jeté les cours de Pierre,, ceux qu'il avait reçus à l'université et ceux que, beaucoup plus tard, il avait donnés. De quoi encore remplir deux caisses. Quand verrai-je le fond de tout ce que nous avions entreposé? Je ne retrouve jamais son écriture sans un pincement. Mais je ne veux rien garder, que ses lettres.

- Sorti jusqu'à la librairie où je n'ai pas trouvé le livre que je cherchais, La Beauté des Loutres, de Hubert Mingarelli. Je n'ai pas voulu que l'on me le commande: je n'aime pas attendre et devoir retourner. Je préfère le jeu du hasard. J'en ai profité pour acheter mon agenda Septembre/Septembre et mon carnet de notes. Déjà! Quelques cartables entraperçus à la vente, mais que l'on pouvait ignorer.

- Retour d'un diner de garçons dans le quartier de Gerland. C'est probablement en ce moment le coin de Lyon qui bouge le plus. Frédéric, malade, a finalement fait l'effort de venir. Pierre a eu son comportement habituel: il faut qu'il soit le centre de la soirée, quitte à dire n'importe quoi. Son clafoutis aux cerises était néanmoins très bon. Comme d'habitude, Jean-Claude, lui, ne dit pas grand chose.

vendredi 23 juillet 2010

Silence

Les contacts sont partis, presque tous, en vacances. Les billets à lire se font rares. On clique un peu en haut de l'écran, sur "Blog suivant", et puis l'on s'ennuie vite, à découvrir ces adolescentes hystériques qui publient leurs photos d'éméchées à tout va, ces braves mères de famille (et papa) qui décident de faire connaître le fruit de leurs entrailles à la terre entière et d'autres encore dont la tricotophilie ou la confiturophilie vous consterne. On se dit: ça manque, mais ça va passer. Ils vont revenir et nous raconter, reprendre le clavier comme on reprend la plume et nous faire repartir pour une autre année de lecture. Mais c'est long!

Et c'est à ce moment-là qu'en plus, votre ordinateur décide de devenir muet! Plus aucun son! Plus moyen d'écouter les morceaux de musique qui ont ravi les amis et qu'ils veulent nous faire connaître. Plus question non plus de faire un tour du côté des vidéos pornos: sans les gémissements et les encouragements à persévérer, même pré enregistrés et hautement grand-guignolesques parfois, ça perd tout de même de son intérêt.

Détruire, dit-il

A grands coups de marteau, de burin, à mains nues, j'ai ce matin démoli les parois de la petite pièce que les anciens propriétaires avaient convertie en cabine de douche. Travail fatigant, certains muscles mis à l'épreuve aujourd'hui n'ont pas l'habitude de travailler. Derrière les carreaux de faïence et les épaisses plaques de polystyrène qui garnissaient les murs, j'ai retrouvé la paroi d'origine, imprégnée d'humidité, aux relents de moisi, abîmée par des ouvriers trop pressés ou peu scrupuleux de ce qui ne se voit pas. Avant de s'en servir comme buanderie, il faudra réparer tout ça, l'assainir. C'est bête à dire mais j'étais presque content en les voyant apparaître, que ses murs respirent enfin, après plus de vingt d'obscurité moite.

Pourtant, en maniant les outils destructeurs, j'éprouvais un plaisir certain à casser, à démolir, à abattre. Je l'ai constaté plus d'une fois: je ne suis pas un bâtisseur. C'est la même chose avec la terre: j'aime arraché la mauvaise herbe, débarrasser un mur du lierre qui l'a recouvert, brûler orties et chardons. Mais planter des légumes ou même des fleurs ne m'intéresse guère. Je pense que cette attitude d'Attila me vient d'une éducation qui a toujours brimé en moi la violence et la sauvagerie qui m'étaient naturelles et il faut bien qu'elles ressortent sous ces formes anodines pour permettre au gentil monsieur bien élevé de toujours tenir correctement son rôle dans une assemblée.

jeudi 22 juillet 2010

C'est moche, une ville, la nuit

A pied entre Perrache et Bellecour après un repas italien avec Nicolas. Un jour ordinaire, même pas une fin de semaine. Un jeudi soir de juillet. La rue Victor Hugo est morne et déserte, plus aucune marchandise exposée sur la chaussée, plus aucune enquêtrice qui vous demande cinq minutes (promis!) pour vous consulter sur tel ou tel nouveau produit révolutionnaire, plus de musique. Place Ampère, les cafés ont enchaîné chaises et tables et les ont recouvertes de bâches épaisses. Quelques égarés qui longent les façades, de chaque côté de la rue. Une famille d'allemands rentrant sans doute à son hôtel, à la place de qui je me serais demandé ce que je faisais là mais qui, finalement, n'a pas l'air si malheureuse. Dans les jardins de Perrache, l'éternel jeune déglingué qui vous demande un ticket restaurant. Par terre, quelques boîtes de bière et d'autres déchets non identifiables. Près de Bellecour, les laveuses sont passées. Le pavé déformé, au dessin jugé novateur il y a trente ans, garde la trace de leur passage dans chaque trou où l'eau grasse s'est accumulée. Trois filles hystériques qui croient que rire très fort, c'est s'amuser beaucoup. Dans le métro, des têtes fatiguées et absentes, des corps en sueur à l'odeur aigrelette mal masquée par des eaux de toilette bon marché.
C'est moche, une ville, la nuit!

mercredi 21 juillet 2010

La Clé

Ce soir, court voyage en pays d'enfance pour y retrouver deux amis chers de ces années-là, deux amis aussi bien littéraires que cinématographiques: Basil Rathbone et Nigel Bruce. Voyons! Cela ne vous dit rien? Cherchez du côté des studios de cinéma Universal dans les décennies trente et quarante. Allez, dernier coup de pouce: l'un des deux héros prononce dans les films une phrase qui n'est jamais apparue dans aucun des romans ni des nouvelles.

Vous avez trouvé: bravo! Oui, il s'agit bien de Sherlock Holmes et de son ami le Docteur Watson. La phrase célèbre, c'est bien sûr: "Élémentaire, mon cher Watson!" mais jamais Conan Doyle ne l'a écrite. Ce soir, j'ai vu La Clé (titre original: Dressed to kill) qui s'inspire de plusieurs nouvelles différentes sans en reprendre fidèlement une en particulier. C'est le dernier des films de la série des Sherlock produit par Universal avec Rathbone dans le rôle du détective londonien. On y retrouve d'ailleurs la très belle Emily Adler, cette femme qui est au centre de l'intrigue de Scandale en Bohême et pour qui, par extraordinaire, le cœur de Holmes a vibré d'un tendre sentiment inavoué. Il faut dire que Miss Adler, pour l'intelligence et le don du travesti, est le pendant exact du fumeur de pipe.

L'intrigue n'a que peu d'importance ici. Ce qui compte, ce sont les personnages campés avec talent par Basil Rathbone et Nigel Bruce, tellement en osmose avec leur rôle que, pour beaucoup de gens comme pour moi, l'image de détective et du docteur est indissociable de ces deux acteurs. Le premier au long visage énigmatique, froid et un peu snob, dégageant, lorsqu'il réfléchit, un nuage de fumée de son éternelle pipe, le deuxième bonhomme et un peu naïf (ce que n'est pas vraiment le personnage littéraire), servant à merveille de faire-valoir à son ami et lui indiquant même parfois, sans le savoir, le chemin de la vérité.

Que dire de plus? Tout cela est certes un peu stéréotypé, a bien vieilli, repose sur une conception du monde dont les codes ont depuis tous été perdus. Mais moi, j'aime, tout, de la brume aux silhouettes angoissantes, des pas qui gravissent l'escalier au salon du 221B Baker Street. D'ailleurs, je ne suis toujours pas sorti de cette enfance-là puisque, chaque année, en atelier écriture, je fais rédiger à mes élèves une nouvelle à la manière de..... qui vous savez. Vous ne savez pas? C'est pourtant élémentaire!

mardi 20 juillet 2010

La Fin

Séduit par l'illustration de première de couverture montrant un détail d'un tableau de Hopper (Sunday) et par la brève présentation de quatrième, j'ai acheté un roman de Salvatore Scibona, La Fin. Histoires d'immigrés italiens aux Etats-Unis étalées sur plusieurs années.

Certains passages se lisent agréablement car présentant un récit linéaire et clair, au style simple et agréable. Et puis, brusquement, comme si Scibona avait honte d'être aussi transparent, voilà que l'on passe à des phrases alambiquées, aux allusions hermétiques, aux constructions hachées, au vocabulaire rare, comme si, volontairement, l'auteur jetait son encre de seiche à la figure du pauvre lecteur qui n'avait pas vraiment besoin de cela. Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué? J'ai l'impression que la mode littéraire en est là aujourd'hui.

Un petit extrait tout de même, dans les bonnes pages:

Un autre train entra en gare, en provenance de Baltimore, et une négresse âgée s'aventura dans le soufflet en tenant son chapeau sur sa tête. Elle parut alors découvrir que ce n'était pas le bon chemin pour rejoindre la sortie, elle rentra dans son compartiment et, une minute plus tard, fit son apparition à la portière du wagon, écarquillant les yeux devant la foule agglutinée sur le quai, touchant son chapeau d'une main frémissante comme pour s'assurer de sa présence, jusqu'à ce qu'un autre femme de couleur l'appelle, se rue vers elle et lui prenne son sac. Une grande femme blanche en manteau bleu au col de vison se mordait la lèvre en lisant une revue de cinéma dont la couverture montrait au dos un acteur de western souriant et moustachu qui jurait que les Lucky ont meilleur goût. Quelqu'un essaya de leur vendre une barre chocolatée. Ce qui ressemblait à une chaussure d'homme en excellent état se dressait, droite et brillante, dans une poubelle.
( Salvatore Scibona, La Fin. Ch. Bourgeois éditeur. Trad. de Brice Matthieussent.)

Bricoler, c'est savoir attendre!

Purger les murs de ce qui tombe, boucher les trous, lisser, poncer, piqueter les pans qui n'ont encore jamais eu de carrelage, récolter les gravas, les entreposer avant de s'en débarrasser, déplacer tous les meubles, tâcher de se souvenir où l'on a rangé les bols ou les cacahuètes ou le tire-bouchon ou le reste de fil électrique qui justement, aujourd'hui, serait très utile.

Tout cela vient après avoir longuement hésité sur le choix des carreaux, sur la dalle autocollante qui s'harmoniserait le mieux avec la teinte dominante, cherché vainement un vendeur à qui demander conseil, manipulé deux cents carreaux parce que, n'étant pas de la même couleur, ils n'ont pas le même code barre ("Vous savez, notre inventaire, c'est pour bientôt!) appris après un quart d'heure d'attente ("Trois personnes, malades, manquent au rayon. Nous sommes en sous-effectif!) que la base blanche qui se mélange à la couleur choisie ne sera disponible que dans une quinzaine de jours, que le nouvel évier, qui n'a pourtant rien de particulier, n'est plus en stock, qu'il reste bien trois suspensions dans le modèle choisi mais qu'elles sont introuvables, etc, etc.
La routine, quoi! Depuis le temps, j'avais oublié!

lundi 19 juillet 2010

La Chevauchée fantastique

Comment peut-on engranger autant de bonheur en à peine un peu plus d'une heure et demie? Je viens de revoir sur Arte La Chevauchée fantastique, de John Ford. Plus ou moins inspiré de la nouvelle de Maupassant Boule de Suif, ce film m'a ce soir touché autant que la première fois que je l'ai vu, soit autour de mes 15 ans, dans le camp sous tentes dirigé par un de mes professeurs de français du lycée.

D'abord, je l'ai déjà dit, j'aime beaucoup les westerns: ces histoire simples et manichéennes où, le plus souvent les méchants sont punis et les gentils récompensés (ce qui est grandement le cas dans La Chevauchée fantastique), sont à suivre en se laissant porter par le premier degré, les émotions faciles et la beauté des images en noir et blanc. Je sais que certains reprochent à ce genre cinématographique une dose non négligeable de racisme anti indien. Je sais quel fut le sort de ces tribus lors de l'avancée de la conquête par les blancs. Je réponds à ces critiques que chaque personnage est un archétype humain, pas le représentant spécifique (en tout cas aujourd'hui) d'un peuple ou d'une race. Et même si les états-uniens se sont servis des westerns pour faire œuvre de propagande, je m'en moque. Je fais d'ailleurs remarquer aux mêmes moralisateurs que j'écris états-uniens et non pas américains. Combien d'entre eux prennent-ils la même précaution? D'ailleurs, c'est comme si l'on s'interdisait de lire Racine parce qu'il était janséniste, Drieux la Rochelle ou Céline pour avoir été convaincus de collaboration ou Aragon parce qu'il était communiste et bi-sexuel. Il est toujours de bon ton de baver sur une production artistique. Moi, je préfère ne pas compter mon plaisir.

Ce petit couplet de mise au point passé, qu'est-ce qui me plaît tant dans ce western? Tout! L'image en noir et blanc, les personnages typés, parfois à la limite de la caricature et pourtant profondément humains, dans le bien comme dans le mal, le langage (le doublage) fait dans un français absolument parfait, l'utilisation de la musique, les relations qui se nouent..., tout. Des exemples? L'intervention de la musique s'opère toujours dans des moments clés, soit angoissants, soit héroïques, soit sentimentaux. C'est bien sûr le cas dans n'importe quel film, mais ici cela a une valeur plus symbolique que simplement d'accompagnement. De plus, le régiment à cheval, les indiens galopants ou la cour d'une hacienda ont chacun leurs instruments et leur rythme particulier.

Le noir et blanc aussi: bien sûr, il y a les vues splendides sur le grand canyon du Colorado, mais l'ombre d'une chaise dans le rai de lumière occasionné par une porte ouverte est tout aussi beau, ou le halo derrière la prostituée qui sort un instant dans la nuit après avoir aidé l'autre femme à accoucher.

Le moment de la naissance du bébé est d'ailleurs un des plus beau et sans doute un des plus travaillé du film. Quatre des hommes passagers de la diligence sont en train de regarder l'un d'entre eux faire une réussite en attendant que le médecin ait achevé la mise au monde. Tout à coup, on entend dans la nuit le cri d'un coyote, bientôt suivi d'un second, et il n'y a que le conducteur de la diligence, un jeune homme un peu simple, pour croire que ce sont cris de vrais animaux. Les autres ont compris que les apaches et leur chef redoutable, le vieux Géronimo (rien que ce nom me fait rêver), ne sont pas loin. La scène est filmée dans le dos des hommes, qui regardent tous vers la porte. Et presque aussitôt, d'une autre porte voisine, arrive Dallas, la prostituée, qui tient le nouveau-né emmailloté dans son châle. Les hommes, assis auparavant, se lèvent et se pressent autour de la femme et de l'enfant. On les voit toujours de dos, et il me semble qu'il faut, dans ces deux scènes successives, beaucoup de talent pour rendre des dos masculins porteurs d'émotions décryptables.

Pour l'emploi dans le doublage d'une langue française impeccablement correcte, un seul exemple: le latino propriétaire de la petite auberge où se déroulent les scènes centrales du film veut prévenir le héros (John Wayne) que son pire ennemi et ses deux frères l'attendent de pied ferme à la prochaine ville escale. Cet homme est un personnage au physique et au tempérament un peu veules, ce qui ne l'empêche pas d'employer la phrase suivante: "Ils t'attendent à X: je les y ai vus". A ce sujet aussi, on peut me rétorquer que le vocabulaire n'est pas en adéquation avec le statut social, mais quel plaisir d'entendre une langue respectée plutôt que les tournures de pseudo-modernisme (les plus vite démodées) employées aujourd'hui trop souvent!

Un autre point très intéressant enfin est le rapport des différents personnages entre eux. Comme dans la nouvelle de Maupassant, la diligence est un peu la matérialisation du monde, une sorte de microcosme représentatif d'un certain nombre de types humains. Ringo Kid (oui, on peut sourire de la ringardise de ce nom!), le justicier incarné par un John Wayne à l'aspect encore juvénile (il avait alors 32 ans) et dont je ne me souvenais pas que le pantalon, là aussi de dos, était aussi près du corps, Dallas, la prostituée jouée par Claire Trevor, le docteur Boone, un alcoolique au grand cœur interprété par Thomas Mitchell, probablement mon préféré des seconds rôles américains de ces années-là....

Tous sont parfaits et le jeu des "couples" apparaissant quasiment à chaque scène serait à analyser plus précisément que je ne peux le faire ici. Il y a les "couples" comiques, comme le docteur et le représentant en whisky au physique de clergyman, en réalité père d'une famille de huit enfants. Il y a les "couples" antipathiques, comme le banquier escroc et l'aristocrate méprisant, les "couples" pleutres comme le banquier et le représentant, les "couples" maudits (ou romantiques, selon l'angle d'interprétation) comme Ringo et Dallas, les "couples" mal assortis, comme l'aubergiste latino au physique ingrat et sa femme apache à la sombre beauté. Tous ces couples, au fil des scènes et des dialogues, se forment, se séparent, se rapprochent à nouveau dans le huis-clos de la diligence ou autour de la table de l'auberge.

Enfin, la dernière image du film, convenue, attendue, mille fois vue et revue partout et pourtant tellement "cinéma de mon enfance": l'attelage du couple des réprouvés qui file à l'horizon, vers la frontière au delà de laquelle ils pourront vivre librement leur amour, et, envahissant l'écran à la même vitesse que disparaît le nuage de poussière sur la piste, le mot que l'on attend, dans une musique "bouquet final": THE END.

dimanche 18 juillet 2010

Morestel et Crémieu

A me promener sans casquette ni couvre-chef aucun, j'ai attrapé aujourd'hui un beau coup de soleil sur le visage, le front en particulier. Où ça? Où le soleil brillait-il autant? En Isère, à une cinquantaine de kilomètres de Lyon, précisément à Morestel et Crémieu où nous avons passé, mes deux compères et moi, l'après-midi après la matinée aux puces.

Crémieu est belle au centre, la beauté de Morestel, ville que je ne connaissais pas, est plus diffuse, plus éparpillée. Les deux ont en commun d"avoir abrité longtemps (et d'abriter encore) nombre de peintres de talent dont certains sont officiellement reconnus. Avant la visite de la ville haute, nous avons, à Morestel, parcouru une manifestation de potiers et de céramistes installée dans un parc de la ville. Certaines réalisations sont un peu banales et rabâchées mais quelques potiers ont une imagination vraiment intéressante.


Belle et bonne journée que ce dimanche mais ma liberté d'aujourd'hui n'est pas prête de se reproduire. Demain, tâche ingrate d'avoir à choisir, si possible rapidement, évier, peinture, carreaux, revêtement de sol de ma cuisine désormais tout en chantier.

samedi 17 juillet 2010

Voyage en Creuse, cinquième jour

La journée d'aujourd'hui (vendredi) a été calme. Rien ce matin après un lever à 10h. Le tour du jardin pour y manger quelques fraises des bois qui y foisonnent. Dans l'après-midi, j'avance la lecture d'un roman qui ne m'emballe guère pour en commencer un autre ce soir. Vers 16h, nous partons voir les éoliennes de Gentioux.

Arrêt au village d'abord pour y photographier le célèbre monument aux morts dont l'inscription iconoclaste "Maudite soit la guerre" a fait couler beaucoup d'encre et de salive. Nous sommes aussi retournés à l'église dans le bas du village, belle dans la verdure mais aux murs intérieurs rongés d'humidité. En 95, nous étions montés dans le clocher et Pierre avait, avec la corde qui y pendait, mis en branle la grosse cloche, nous exposant, au retour dans le village, aux regards furieux de quelques habitants. Avec Noëlle, cette fois encore, nous sommes montés par l'étroit escalier jusqu'à la hauteur de la voûte intérieure.

Les éoliennes, au nombre de six, sont situées en fait dans un autre village réuni à la commune de Gentioux: Pigerolles. Nous n'eûmes pas beaucoup de mal à les trouver au-dessus des bois, sur un plateau découvert où paissait un troupeau de moutons. Nous pûmes nous approcher jusqu'à une centaine de mètres du pied de l'une d'elle. Depuis longtemps, j'avais ce désir d'en voir une de près. C'est chose faite et je ne suis pas déçu. A ceux qui prétendent que ces installations sont bruyantes, je dirais que le tracteur qui œuvrait dans un champ voisin faisait beaucoup de bruit que les six machines réunies. Je trouve très belles ces éoliennes, à la fois puissantes et élégantes, de grands oiseaux mythologiques se reposant d'un long vol dans un endroit désert connu d'eux seuls. Noëlle était de mon avis. C'est d'ailleurs elle qui avait eu l'idée de m'emmener jusque là.

Pour la dernière soirée, une longue discussion sur la deuxième guerre mondiale, le microcosme de la Résistance et l'état du partage des pouvoirs en France actuellement. Demain, je rentre à Lyon. Pendant mon absence, Jean-Claude a travaillé dans ma cuisine. Au téléphone, il n'a pas voulu me dire exactement ce qu'il avait fait. Frédéric a, lui aussi, de nombreuses idées sur les aménagements à apporter à cette pièce. Du travail en perspective!

( Entre temps, j'ai regagné mes pénates, à Lyon. Rien de spécial à dire sur le trajet retour si ce n'est qu'Aubusson n'est pas une ville très belle, contrairement à ce que je pensais, et que voyager avec une température extérieure de 14° est très agréable.)

vendredi 16 juillet 2010

Voyage en Creuse, quatrième jour

Long périple aujourd'hui avec Noëlle jusqu'à Nohant, dans l'Indre, pour visiter une nouvelle fois la maison de George Sand. Nombreux arrêts sur des routes buissonnières chaque fois qu'un panneau nous indique un site intéressant. Les églises sont belles, de gros bourgs semblent encore vivants, les gens vous saluent et vous adressent la parole facilement.

Repas dans un routier au bord de la nationale, peu avant d'arriver à la Châtre. Comment ces gens font-ils pour servir autant de clients affamés en si peu de temps, tout en gardant sourire et gentillesse? Repas simple et peu onéreux mais bon. Ils ont même réussi à servir une tranche épaisse de rôti de porc qui n'était pas sèche. La Châtre n'est pas une ville inoubliable. Le clocher de l'église Saint-Germain, mal reconstruit après un incendie, s'est effondré à la fin du XIX°siècle, entraînant la voûte avec lui. Le nouvel ensemble date de 1904. Seul intérêt, à mon goût: une belle piéta dans l'un des chapelles.

Je me suis toujours senti bien à Nohant. Cette maison (et ses dépendances) est plus qu'un musée. La dernière petite fille de George Sand y est morte sans héritier en 1961 et a fait don du domaine à l'état. Rien, ou presque, n'a été changé à l'intérieur. Seul le parc, laissé à l'abandon, a été remis en état. Le guide qui nous fait visiter est humain et accessible tout en restant pointu dans ses connaissances. Il ne fait pourtant pas oublier celui que j'ai connu en 1995, il me semble, un vieux monsieur encore en vie aujourd'hui selon son collègue, qui semblait avoir toujours habité les lieux et bien connu ses occupants.

Je me souvenais très bien du hall et du grand escalier, de la cuisine à droite, avec sa cuisinière à évacuation inversée (la fumée s'échappe par le sol et non par un tuyau aérien), de la salle à manger surtout, avec sa table dressée, aux invités prestigieux. Cette année, anniversaire Chopin oblige, l'antique chemin de table de 1860 environ, où figurait Flaubert, a été changé et rajeuni pour y faire apparaître les noms du pianiste et de son ami Delacroix. J'ai toujours trouvé cette pièce extraordinaire: une banale salle à manger de maison bourgeoise, au mobilier assez simple (hormis le lustre en verre de Murano qui n'est d'ailleurs pas ce que je préfère), un endroit comme on en connaît d'autres, mais où se sont côtoyés peintres, musiciens et écrivains, parmi les plus grands du XIX°, utopistes et politiques qui, lors des dîners pris très tôt, vers cinq heures, y ont voulu rêver ou refaire le monde.

La pièce à côté, un assez vaste salon, est, en son centre, occupée par une grande table ovale, oeuvre du menuisier de Nohant, qui tranche par sa rusticité avec le reste du mobilier, fauteuils, canapés et secrétaires, et qui servit, au cours des soirées dans la demeure, à ce que tous s'y livrent à leur occupation favorite. George Sand, elle, aimait que l'on y fasse la lecture à voix haute. Aux murs, les portraits, dessins ou photographies des membres de la famille, dont l'ancêtre à la mode bâtarde, le Maréchal de Saxe.

Deux pièces du rez-de-chaussée ont été transformées en salle de théâtre où est aussi installé le castellet et quelques marionnettes de Maurice, le fils de George, les autres étant exposées au-dessus de la librairie, dans un bâtiment annexe. Le premier étage est essentiellement occupé par les chambres, dont la petite chambre bleue, la dernière de George Sand, et ce qui fut la chambre de Chopin que, peu de temps après la rupture, on fit séparer en deux parties: une bibliothèque et une pièce à placards de rangements.

La promenade dans le parc et le verger suivit le détour dans la partie du cimetière où sont enterrés touts les membres de la famille. Cette fois-ci, il était trop tard pour les cerises et trop tôt pour les prunes. Il y a quinze ans, en août, nous y avions dégusté des mirabelles gorgées de sucre et de soleil. Nous sommes allés jusqu'au fond du parc, sur la petite "île" envahie de buis odorant.

Chaque fois que je viens ici, j'ai l'impression d'être chez des amis qui, tout à l'heure, apparaîtront au détour d'un sentier et me convieront à partager leur souper. Nohant est tout sauf un musée sans âme. Au retour, autres zigzags de part et d'autre de la route principale, et succession d'églises fortifiées, de châteaux, de villages ou gros bourgs à la somnolence tranquille, perdus dans la belle campagne de l'Indre puis de la Creuse. Une journée bien remplie encore, comme je les aime: faites de petits plaisirs culturels et de convivialité gustative.
Quatrième jour.

Voyage en Creuse, troisième jour

14 juillet. Il pleut, je dors. Le soir, feu d'artifice à Bourganeuf. Court, un quart d'heure, mais beau, comme toujours, avec le château en arrière fond. Une journée calme, reposante, où je commence à écrire, toujours de la même façon, sur des feuilles A4 pliées en deux, et à taper sur l'ordinateur de Noëlle. Demain, ce sera Nohant.
Troisième jour.

Voyage en Creuse, deuxième jour

(Ecrit le 14 juillet)

Hier était le deuxième jour. Courses le matin à Guéret. Au retour, arrêt à Saint-Victor, à ma demande. Au contraire de celle du Monteil-au-Vicomte, l'église ici est bien entretenue. On en a refait la voûte de la nef en bois qui doit cacher toute la misère au-dessus. Scellées au mur, les statues des saints, de bois eux aussi, sont belles pour une fois et semblent très anciennes. J'y reconnais Sainte Barbe et sa tour, patronne entre autres des mineurs et de mon père. Par deux fois apparaît un saint inconnu porteur d'un épais volume recouvert de cuir dans une main et, dans l'autre, d'une espèce de long coutelas. Je n'ai pas la moindre idée de qui il peut s'agir.

Il y a aussi Saint Michel terrassant le Malin. La représentation de ce dernier est assez inhabituelle: il ne s'agit ni d'un dragon ni d'un serpent mais d'une sorte de chien noir assis sur son séant, dont la gueule rouge largement ouverte menace encore le saint. Dans le choeur, une statue de la Vierge à l'Enfant, mi bois mi plâtre, n'est pas suffisamment abîmée pour que l'on ne remarque pas la beauté des deux visages, celle de la mère et celle du Christ, doux sans mièvrerie, profondément humains. Devant l'église, elle aussi à clocheton de tavaillons, une belle maison (l'ancien presbytère?) d'antan, avec son banc près de la porte, sa glycine en fleurs, ses volets bleu tendre et le foisonnant géranium rouge sur le rebord de la fenêtre.

L'après-midi, nous partons,Noëlle et moi, en reconnaissance sur les bords du lac de Vassivières. Que sont devenues nos petites plages sauvages où nous nous étions baignés l'an dernier? L'aménagement récent d'un chemin faisant le tour du lac nous inquiétait, et nous n'avions pas tort de nous inquiéter: le minuscule espace entre le lac et les bois a été pris par le chemin et les plages ont disparu. Nous avons marché un moment, mais la déception nous a fait remonter sur la route et poursuivre jusqu'à Eymoutier que je ne connaissais pas. Visite rapide à cause de l'heure (nous étions partis assez tard après la sieste).

En bordure de Vienne, Eymoutier est une belle ville, vivante et dynamique (comme ne l'est plus Bourganeuf), dominée par la silhouette imposante de la Collégiale Saint-Etienne. Moitié romane, moitié gothique, cette collégiale dyssymétrique m'a laissé un peu froid. Seules les voûtes peintes ont vraiment attiré mon attention. Dans une rue adjacente, un petit oratoire en bois abritant une Vierge à l'Enfant finit de se dégrader sous les intempéries. Maisons anciennes et ruelles en pente.

Soirée passée tranquillement devant un film, Je vous trouve très beau, avec un Michel Blanc agriculteur ramenant de Roumanie une jeune fille pour en faire sa femme. L'actrice roumaine, Médéea Marinescu, ressemble parfois à Méryl Streep. Longue nuit, la première peu interrompue.
Deuxième jour.

mercredi 14 juillet 2010

Voyage en Creuse, premier jour

14 juillet 2010. L'impression parfois d'égrener des dates qui ne veulent plus rien dire d'autre que ce qu'elles disent, un moment dans le temps de l'univers, dont l'univers se moque mais qu'il faut bien étiqueter si l'on veut que l'homme, un peu, s'y retrouve.

Au chalet, l'orage a frappé. Noëlle, qui avait acheté à bas prix un drapeau tricolore et l'avait installé sur le mur en pierres sèches de son jardin, a été obligée de le mettre l'abri à l'intérieur de la Forge. J'ai dormi au chalet, en écoutant les bourrasques de vent et d'eau fouetter les arbres du verger. Je n'imaginais pas la fête nationale autrement. Milieu du séjour, ou presque. La température ici a fortement chuté, une vingtaine de degrés qui rendent l'atmosphère supportable et les nuits reposantes.

Lundi, le voyage en voiture. Prendre le tunnel de Fourvière pour quitter Lyon et éviter la colline où je travaille. Après tout, je suis en vacances. Ça coince un peu mais ça passe. La route file dans ces monts du Lyonnais ni beaux ni laids, avec des flashes devant certains lieux connus: le parce de Lacroix-Laval où, il y a longtemps, nous allions courir en groupe avant de nous empiffrer de pâtisseries tunisiennes qui nous apportaient plus de calories que celles que nous avions perdues dans l'effort, la campagne autour de Lentilly où j'ai eu un ami autrefois, un sosie, disaient certains, tant selon eux nous nous ressemblions. J'ai toujours, dans mes tiroirs, quelques caricatures qu'il avait croquées pour moi dans la rue ou dans son imagination: la vieille dame promenant son chien squelettique entre les voitures garées en épi devant la préfecture, l'épouse étonnamment dodue d'un général présentant une nouvelle collection de maillots de bain, la veuve Hugo pleurant la disparition de son défunt mari.

Après Les Halles, que je ne connaissais pas et où je suis surpris de voir des toits polychromes plus habituels dans le Baujolais voisin, descente sur Feurs et la large plaine du Forez, grasse et opulente, celle que, dans mon enfance, je n'attribuais qu'aux riches, moi qui vivais dans les crassiers et les collines. L'autoroute escalade les pentes des Monts du Forez, traverse le parc naturel et redescend sur Thiers et Clermont-ferrant. Sur une aire du Haut-Forez, face aux sapins, je mange un sandwich acheté et des fruits, assis dans l'herbe, à l'ombre. Je me souviens de scènes identiques en Italie ou ailleurs, avec une cinquantaine d'élèves emmenés en voyage. Je me sens alors vraiment parti, vraiment libre, vraiment en vacances.

Un gros orage me cueille au péage de Clermont et la ville, qui, elle, n'a pas été touchée, me semble toujours aussi sinistre à traverser, avec ses usines Michelin rivalisant de tristesse avec la cathédrale noire qui écrase la ville. En Combraille, je m'arrêterai à Pontaumur pour visiter l'église dont le clocher, de loin, semble intéressant. J'ai décidé de prendre mon temps, de ne pas me sentir, pour une fois, obligé de me presser. L'église s'avère décevante mais la halte m'a donné l'occasion de soulager ma vessie.



Les premières maisons creusoises apparaissent, bien lisses, aux pierres impeccablement taillées et jointoyées, tristes comme les routes plates en bordure desquelles elles ont été posées. La plupart sont vides, inhabitées depuis longtemps. Avant d'arriver à Aubusson, un panneau touristique indique sur la gauche la localité de Crocq, à une dizaine de kilomètres. Décision de dernière minute qui m'oblige à virer un peu brusquement. J'ai dit que je ne me pressais pas, je ne me presse pas. Le détour était justifié: petite ville moyen-âgeuse ayant conservé, accrochées à la pente, nombre de ruelles et de maisons intéressantes et, au sommet de la colline, deux tours impressionnantes, ruine d'un château-fort protégeant cette ville auvergnate des incursions possibles des limousins. Le plus beau est l'église, à mi pente, qui, outre un clocheton en tavaillons de châtaignier admirablement conservé, abrite un polyptyque splendide illustrant la vie de Saint Eloi.

Le troisième arrêt sera pour Saint-Avit de Tardes où, malheureusement, l'accès à la belle petite église (fermée) est rendu difficile par un presbytère qui y est accolé et qui appartient visiblement aujourd'hui à des particuliers, et par une barrière fermée au verrou qui empêche d'en faire le tour. Beau porche cependant, surmonté d'un surprenant bas-relief représentant le saint auquel l'église est consacrée.

Dernière halte au Monteil-au-Vicomte où l'église mal entretenue sent le moisi. Mais les ruines du château de Pierre d'Aubusson ont été restaurées et sont maintenant accessibles. Il a dû pleuvoir plus tôt ici, me disent mes pieds nus dans mes sandalettes.

Parti à 11h, j'arrive chez Noëlle vers 18h. Ils sont là, tous les deux avec Gérard, inchangés, et puis le chien, et puis le chat. Le chalet est déjà prêt. Je n'ai plus qu'à m'y installer. Premier jour.

(Les photos suivront dès mon retour à Lyon.)

lundi 12 juillet 2010

Habitudes et nouveautés.

Mise au vert d'une petite semaine. Direction la Creuse. Oui, comme d'habitude, je sais, mais pourquoi pas? Moi, je ne peux me passer du Salon des Artistes Indépendants Creusois ( ça existe, ça???) ni du feu d'artifice de Bourganeuf( ça, ça existe!).
Seule nouveauté de cette année: je pars en voiture. Les cinq heures de train Lyon-Guéret sont un peu longues à passer! Et puis maintenant, j'ai la clim! Alors, pas de notes prises en cours de route? J'en vois qui déjà respirent mieux! A bientôt.
(En me relisant, je trouve que le titre de ce billet a un petit côté Jane Austen, non?)

dimanche 11 juillet 2010

Les bonbons à la menthe

Lorsque j'étais enfant, je souffrais d'un sérieux handicap. Non, rien de grave ni de destiné à durer mais suffisamment gênant pour gâcher la vie au moment où cela arrivait: j'étais malade en voiture. En car aussi mais je ne le prenais pas très souvent et, lorsque je dus aller chaque jour au lycée par ce moyen, le problème était réglé.

En voiture, dès le premier virage, je commençais à agripper le dossier de la place avant, au troisième, j'étais blanc comme un linge et, avant que l'on n'ait fait les dix premiers kilomètres, j'avais déjà vidé mon estomac de tout ce qui, depuis le départ, réclamait une libération immédiate. Il faut dire que la région de Saint-Étienne est assez pentue et que mes parents choisissaient de préférence des promenades du côté de la Haute-Loire ou du massif du Pilat plutôt qu'un périple dans la plaine du Forez. Je me suis, depuis, entièrement converti à leurs goûts mais à l'époque, j'aurais aimé parfois une route droite sur un peu de plat. Je crois aussi que l'odeur des automobiles de ces années-là, mélange de relents d'essence, de transpiration de moleskine, de graisse et de je ne sais quels fumets indéfinissables, n'était pas pour me stabiliser les entrailles.

Le plus dur, ce n'était pourtant pas d'être malade, c'était de l'avouer. Je me disais chaque fois que j'allais vaincre ma nausée, qu'elle allait passer si je me concentrais fort, comme on me l'avait recommandé, sur le ruban de la route loin en avant. Mais rien à faire et lorsque je m'avouais vaincu, c'était en général trop tard, juste avant l'expulsion nauséabonde. Pourquoi ne pas avouer plus tôt? Pour une simple et seule raison, qui a fait que longtemps je n'ai pu être naturel avec lui: j'avais peur de la réaction de mon père, de ce mâle qui ne supportait pas que l'on "s'écoute" et ne comprenait pas non plus que l'on ne puisse supporter ce qui, pour lui, semblait le plus naturel du monde, comme de manger une tranche de lard gras, bien blanc, dont toute viande était absente.

J'essayais d'être à la hauteur, du moins à celle de mon frère, plus proche du modèle à atteindre, mais j'échouais chaque fois. Je fus presque heureux lorsque je découvris que ce frère, qui ne craignait ni dieu ni diable, tournait de l'œil à la vue d'une seringue. Peut-être est-ce pour cela que moi, une piqûre ou une prise de sang ne m'ont jamais intimidé.

Je repensais à tout cela ce matin en conduisant sur les routes ardéchoises, du côté d'Annonay, lorsque ma sœur proposa à ma mère (qui commençait à trouver que, décidément, il y avait beaucoup de virages pour monter sur le plateau et ensuite, en prenant la direction du Puy en Velais) un bonbon à la menthe qu'elle avait, elle s'en aperçut alors, oublié chez elle. Le bonbon à la menthe: c'était, dans mon enfance, la panacée universelle! Ça, le thé rouge, un fortifiant et un dépuratif du sang en hiver, et l'on était paré pour tout affronter, même s'il fallait parfois y adjoindre ce baume qui sentait le sapin et que l'on nous frictionnait sur la poitrine lorsque nous avions attrapé un refroidissement.

Je ne sais pourquoi, la façon dont ma sœur a prononcé ces simples mots "un bonbon à la menthe" ce matin dans ma voiture, m'a immédiatement replongé, surtout par la façon qu'elle a eue de les dire, l'intonation, le rythme, dans ma petite enfance lorsque ma mère fouillait dans son sac à la recherche du remède miracle. Aujourd'hui, c'est ma sœur qui tient ce rôle-là et moi, à condition d'être au volant, je ne crains plus ce mal qui m'a tant fait souffrir enfant.

samedi 10 juillet 2010

Lyon et son âme, version Calyste

Cornus, dans un commentaire, m'a demandé de lui définir ce que je pensais être l'âme de Lyon dont je disais que la ville l'avait perdue depuis quelques années. Question difficile, mais je vais essayer tout de même d'y répondre.

D'abord, il est bien évident qu'il s'agira de mon avis, totalement personnel et qui ne vise en rien l'objectivité. L'an prochain, cela fera quarante ans que j'habite cette ville. Cela donne le droit d'en parler, sans doute, mais pas d'affirmer. D'autre part, Lyon, pour moi, eut plusieurs âmes successives, selon l'angle sous laquelle je l'envisageais.

Mes premiers souvenirs, lors de voyages scolaires d'une journée depuis Saint-Étienne, la trop voisine, me montrent le Parc de la Tête d'Or, son lac, ses animaux et ses faux ponts japonais en béton moulé. Je trouvais ça splendide de même, avec un goût un peu plus assuré, que la Place des Terreaux qu'entre nous nous appelions la place des pigeons tant ces volatiles l'avaient, pour quelques années encore, colonisée. Une âme animale avant tout, donc.

Puis je connus la nuit lyonnaise, d'abord épisodiquement en venant de la Loire le samedi soir m'encanailler dans les rares boîtes homos de l'époque, puis plus régulièrement lorsque je décidai de quitter la famille pour immigrer ici. Période facile, drôle et malheureuse à la fois, pleine de rencontres et d'expériences, stérile en fin de compte, mais n'est-ce pas ainsi que l'on se forge? La deuxième âme était donc lascive et nocturne à la fois.

Ensuite, lorsque je me sentis chez moi à Lyon, ce qui mit bien trois ou quatre ans, tant les lyonnais au premier abord semblent ne pas être accueillants, la cité devint mon lieu définitif de vie, mon lieu de travail, le lieu où, avec Pierre, je formais pour la première (et unique) fois un projet de vie avec un autre homme. Peut-être est-ce là que j'ai approché au mieux ce qui me semble être l'âme de la ville. Débarrassé des enthousiasmes enfantins et des démangeaisons de l'adolescence, je pouvais mieux la voir et l'apprécier.

D'abord, elle me parut belle, extrêmement belle, et sur ce point je n'ai pas changé d'avis. Son site, ses fleuves, ses collines, ses ciels, ses monuments, son atmosphère italienne, florentine, ou alors praguoise, n'ont cessé depuis de me séduire et même de me surprendre, au détour d'une rue, par une échappée sur quelque chose de beau, expérience que, jusqu'à ce jour, je n'ai connu ailleurs qu'à Rome, Paris étant à mes yeux trop cartésienne.

Ces lyonnais qui, au début de mon implantation ici, me semblaient si froids, si lointains, si bourgeois m'ont petit à petit entièrement séduit. Ils ne sont pas froids, ils sont réservés et respectueux de l'intimité de l'autre. mais si vous vous adressez à eux et qu'ils vous connaissent un peu, ils se mettront en quatre pour vous aider, pour vous faciliter la tache. Est-ce l'influence de la mentalité franc-maçonne si présente à Lyon?

De plus, Lyon n'est pas une ville uniquement bourgeoise, même si certains quartiers pourraient le laisser croire. Lyon est aussi et parallèlement une ville populaire, une ville ouvrière, avec ses révoltes sanglantes et la mise en place de certaines réformes sociales bien avant le reste de la France. Car ce qui, à l'époque, faisait le ciment entre bourgeoisie et couches populaires, c'était une profonde conviction religieuse. A Lyon, on était avant tout croyant et le Christianisme y a pris souvent, et naturellement, des nuances humanitaires et, comme l'on dirait aujourd'hui, solidaires. A Lyon, on vivait un catholicisme social, ce qui en surprend plus d'un encore de nos jours, bien sûr.

Aujourd'hui, Lyon est définitivement ma ville. Je ne la quitterai plus et c'est là que l'on m'enterrera un jour. Je n'ai pas de regrets de mes origines ligériennes: c'est ici que j'ai fait ma vie. En disant que Lyon perdait peu à peu de son âme, j'ai voulu dire que ce qui en faisait la spécificité - un certain quant-à-soi, un art de bien se nourrir, un partage de l'espace sans ségrégation, l'absence de toute ostentation chez ceux qui possèdent la richesse, une atmosphère feutrée et délicate, à l'image de ses brumes matinales sur le Rhône ou de ses crépuscules aux nuances toscanes-, tout cela disparaît ou se masque au profit du manger-n'importe-quoi, du défilé des vanités, de la transformation du plaisir en consommation, du bruit et, certains soirs, de la fureur. Comme Rome, sa grande aînée, Lyon vend ses trésors au plus offrant et n'en conserve qu'une pâle copie destinée au touriste lambda.

Voilà ce que, ce soir, je peux répondre à Cornus. Ce que j'ai écrit là est venu d'un seul jet, je ne le corrigerai pas. sans doute faudrait-il le faire mais je suis désolé: je dois dîner avec des amis. Vous voyez: tout espoir n'est pas perdu!

jeudi 8 juillet 2010

Asymétrie

Il paraît que les bégonias, dont les variétés sont assez nombreuses, possèdent tous des feuilles asymétriques. Cornus pourrait sans doute m'appuyer dans cette allégation. Mais comme je sais qu'il est très occupé à préparer ses prochaines vacances (!!!), je vous propose ici une mienne photographie, prise aux grandes serres du parc de la Tête d'Or, qui vous confirmera mes dires.(Vous avez aussi le droit de répondre que vous vous en moquez complètement!) En tout cas, moi, je viens d'apprendre quelque chose!

Promenade digestive

Ce soir, il m'a pris l'idée d'aller voir ailleurs ce qui se passait. Une bonne douche après la journée passée entre autres au nettoyage des caves et hop, en route. D'abord en vélo puis à pied. Un itinéraire d'une petite heure et demi de chez moi à Liautey , puis Opéra et Terreaux, Quais de Saône et rue Mercière, place de la République et retour, après la traversée du Rhône par la piste cyclable de la rue de la Part-Dieu.

Je voulais voir et j'ai vu: les péniches des quais du Rhône sursaturées, restaurants ou simples bars, les kébabs et les terrasses des Terreaux archicombles, sauf le désormais trop traditionnel et triste Moulin Joli, les quais de Saône un peu plus calmes mais vivants. Je n'ai pas eu le courage de descendre jusqu'à Bellecour. Odeurs de cuisine, de friture, d'eaux de toilette trop fortes, de transpiration, odeurs de tout, que l'on ne reconnaît pas parfois. Des gens qui mangent, partout, n'importe quoi, qui n'ont, on le dirait, que faire de la crise et s'empiffrent en attendant des jours meilleurs. Des pizzas, des plateaux de fruits de mer, des churros, des sandwiches à la mayonnaise, des frites... Et l'on n'est que jeudi!

Des gens qui crient, qui rient trop fort, qui partagent leur conversations téléphoniques avec la terre entière, en tout cas une bonne partie du trottoir, des gens qui ne regardent pas où ils marchent, sur qui ils foncent, des gens qui roulent avec l'autoradio à fond... Il m'est soudain venu l'envie de rentrer chez moi, très très vite, de me retrouver dans mon calme, dans mes affaires, "seul, peut-être mais peinard" comme disait l'autre. Et lorsque je suis arrivé, quelqu'un, dans la cour, avait mis du Mozart. Pas ma musique préférée, mais si je l'avais vu, ce quelqu'un, je lui aurais dit merci.

Lyon est en train de perdre son âme. Je l'aimais quand elle était plus mystérieuse.

mercredi 7 juillet 2010

De la boisson

Un petit texte en écho à celui d'un camarade de jeu qui a fêté l'arrivée des vacances en levant le coude. Je l'ai retrouvé (le texte, pas le camarade de jeu) dans des archives dont, dans ma furie actuelle de rangement et de déblayage, il est le seul rescapé. En voici la substantifique moelle.

Non, la boisson ne passe pas par le poumon!

Certains disent que la boisson va dans le poumon et de là au reste du corps. Ceux qui disent cela sont trompés par le fait suivant: le poumon est creux et un tuyau lui est attaché; si le poumon n'était pas creux ni pourvu d'un tuyau, les êtres vivants n'auraient pas de voix, car nous parlons grâce au poumon, parce qu'il est creux et qu'un tuyau y est attaché; les mâchoires et la langue articulent le son(...).

Je vais m'opposer à ceux qui qui croient que la boisson se porte au poumon. Il en va comme suit. La boisson va dans le ventre; et le reste du corps puise au ventre. Il faut réfléchir à ce que je vais dire. Voici comment je prouve que la boisson ne va pas au poumon, mais au ventre. Si la boisson allait au poumon, quand ce dernier est rempli, j'affirme qu'on ne respirerait ni ne parlerait facilement, car rien ne pourrait faire résonner le poumon, qui serait plein. Cela fait une preuve. Ensuite, si la boisson allait au poumon, les aliments restés secs en nous ne se digéreraient pas de la même façon. Cela fait deux preuves.

Les purgatifs que nous buvons sortent du ventre (...) Si l'un de ces médicaments allait au poumon, il me semble qu'il y ferait grand mal. Le liquide qui vient de la tête l'ulcère déjà en fort peu de temps, car le poumon est chose tendre et poreuse, et s'il est ulcéré, on ne se portera pas bien, pour beaucoup de raisons. Le ventre, par contre, n'est pas ulcéré par le médicament, car c'est une chose résistante comme la peau. La plupart des Libyens se servent de la peau de leurs bêtes comme vêtements, et du ventre comme sacs, car le ventre est quelque chose de résistant. (...)

Ensuite, comment le lait nourrirait-il l'enfant, s'il allait dans le poumon? C'est à mes yeux une preuve supplémentaire. Je n'en aurais pas accumulé autant si tant de gens ne croyaient pas que la boisson va au poumon. Devant des opinions fort ancrées, il est nécessaire de dresser beaucoup^de preuves si on veut par des discours persuader l'auditeur d'abandonner une croyance antérieure.

Hippocrate, Des Maladies.

CQFD !

Du théâtre, ce soir

Hier, sur France 3, c'était Les Tricheurs de Carné, en hommage à Laurent Terzieff. Film en noir et blanc qui vaut par sa pléiade d'acteurs à leurs débuts et par la reconstitution du monde interlope de la nuit dans la fin des années cinquante, musique américaine à l'appui.

Des noms: Laurent Terzieff bien sûr, mais aussi, côté hommes, Jacques Charrier, Roland Lesaffre, un acteur que j'ai toujours aimé, Jean-Paul Belmondo, Jacques Perrin, furtivement aperçu à la fin sur un scooter, et Guy Bedos que je n'ai pas reconnu. Côté filles, du beau monde aussi, avec Pascale Petit, Andréa Parisy et Dany Saval.

Certains de ceux-là ont fait de grandes carrières, d'autres un peu moins. Le rôle de Terzieff n'est pas des plus sympathiques dans le style mouche du coche anarcho-libertaire. Il m'a en tout cas gêné, comme le film dans son ensemble pour son sujet: le jeu avec les sentiments qui conduit à la mort. S'il retranscrit fort bien, quoique de manière sans doute un peu outrée, l'atmosphère de toute une époque, il m'a aussi trop rappelé tout ce qui, sans que je m'en aperçoive vraiment ou alors en le prenant comme un jeu, a conduit Yvon à la mort dans les années soixante-dix

Ce soir, sur France 2, c'est du théâtre, L'Habilleur,de Ronald Harwood, mis en scène et joué par Terzieff que l'on a prévu de diffuser. L'acteur vieilli a toutes les chances de me plaire davantage. Et puis, c'est du théâtre.

mardi 6 juillet 2010

Les girafes

Il y en a cinq à attendre, indifféremment à l'ombre ou au soleil. Les bœufs à énormes cornes dont j'ignore le nom se sont, eux, massés dans une coin du parc à l'ombre. On va bientôt leur ouvrir, leur donner à manger. Les gens s'arrêtent, deux minutes tout au plus: "Oh! Mimi, tu as vu les girafes?" Combien de fois par jour entend-on cette même phrase le long de leur enclos. Le temps de prendre une photo, de capter un instant l'attention de bébé qui, visiblement, ne voit rien là d'extraordinaire et préfère observer le chien bâtard qui tire sur sa chaîne au passage du lévrier, le temps de se dire: "On a vu les girafes!" pour pouvoir le redire aux autres, après, à ceux qui ne les ont pas vues, et on repart: plus loin, il paraît qu'il y a des crocodiles. Ce n'est pas pour rien que cela s'appelle La Plaine Africaine!

Un jeune homme à bicyclette, accompagné d'un ami, s'attarde un peu. Les deux ont arrêté leur vélo tout près, ils n'en descendent pas et ont l'air absorbés par ce qu'ils découvrent. N'ont-ils vraiment jamais vu de girafes? Alors, le plus gros, en se tournant vers son compagnon, développe le cliché: "Tout de même bizarre, cet animal! Et en plus, ça ne sert à rien!". Les vélos repartent, on a autre chose à faire.

Les cinq girafes, elles, restent encore un instant immobiles à la porte puis se lassent d'attendre leur soigneur et entreprennent alors une danse lente et irrégulière, une ronde autour de l'enclos, tantôt plus près, tantôt plus loin, à grands pas, comme qui essaie d'apprendre le rythme de la valse. De l'autre côté, sous les arbres de la place du Guignol, l'orgue de barbarie du carrousel enfantin égrène un air connu, un air de fête triste, de ceux qui vous font dire: "Tiens, ça sent la gaufre et la barbe à papa". On dirait qu'elles l'entendent et adaptent leur pas à la ritournelle. On a l'impression d'être un dimanche, à attendre en famille que les heures s'écoulent avant que chacun reprenne pour longtemps le chemin du chez soi.

La musique est triste. La girafe aussi. Enfin, qui peut le dire?

lundi 5 juillet 2010

L'Homme de sa vie, et aussi la maison.

Je l'avais acheté il y a très longtemps et jamais regardé. La pochette du DVD montre un homme qui en porte un autre, au milieu d'un champ de tournesols. Le porteur, c'est Charles Berling, le porté Bernard Campan, le film L'Homme de sa vie.

Je l'ai mis ce soir sur mon lecteur parce que j'avais envie de tendresse, parce que le blues des vacances m'est tombé dessus aujourd'hui, sans crier gare. J'avais aimé le précédent film de Zabou Breitman, Se souvenir des belles choses, avec le même Campan et Isabelle Carré. Il m'avait bouleversé. J'ai voulu voir ce soir celui qui me touche de plus près.

L'image des tournesols est une des images gratuites du film, un peu faciles et stéréotypées, comme il en apparaît quelques autres au détour des scènes. Pourtant, malgré certaines facilités et certains tics (répétition parfois irritante et stérile des mêmes images), ce film est étrangement prenant. D'abord, il faut bien en écouter les dialogues: tout est dit dès le début, avant même que n'apparaisse celui qui va tout faire basculer.

Ensuite, la composition du film même, associant sentiments et progression de l'été. Début des vacances: on retrouve la maison, on laisse portes et fenêtres grandes ouvertes pour qu'elle retrouve son souffle, sa vie, sa respiration. Tout paraît léger, on épie les voisins, on les invite sans façon à un repas réunissant toute la famille. Seule la grand-mère est à la hauteur de l'intrus. Ensuite la torpeur qui s'installe, la chaleur dont parfois on rêve qu'elle cesse, les orages qui menacent et pourtant n'éclatent pas, rendant l'atmosphère encore plus électrique. Les sentiments vacillent et s'exaspèrent, les masques, sans tomber, se fissurent. Le voile du château de la Bête ne cesse de s'envoler dans le couloir de la vieille bâtisse. Alors vient le temps des nuées sombres, de la pluie qui gifle et des grondements du tonnerre qui ne recouvrent plus certains cris de souffrance.

Enfin, les deux acteurs masculins principaux, crédibles jusqu'à la moindre intonation. Si le rôle de Berling est assez traditionnel et rappelle, sous un certain angle, celui de Térence Stamp dans Théorème de Pasolini, celui de Campan découvrant sa part d'ombre qu'il refuse longtemps de voir est bouleversant. Et on y croit, à cette fragilité cachée derrière des allures de gentil macho.

Pourtant, ce qui m'a le plus ému n'est pas là, mais au tout début du film. Léa Drucker et Bernard Campan sont les seuls adultes de la maison. Les autres vont arriver bientôt mais la maison dort encore dans la touffeur d'un après-midi et l'on sent la paix, le silence, le bonheur du moment qui succède à la sieste. Ils veulent faire l'amour mais ne le peuvent pas car les voilà, les autres! Et la maison s'emplit de bruit, de cavalcades, les couloirs de valises et de sacs, de tout l'attirail des vacances que l'on rangera après les embrassades.

J'ai repensé à Bons, à notre maison où tant de monde est passé, où, par un bel après-midi, nous voyions arriver Jean-marie et Yveline, Christophe et Hélène, Philippe et Joëlle, Pilar et Gérard, Noëlle et Gérard, Isabelle, Jean-Marc, François-Jean, Luc, Raphaël, Josiane, Dolores, Stéphane, Myriam, Maurice, Elisabeth et tant d'autres, une liste à donner le tournis. Et ensuite ils viendront avec les enfants, encore tout petits et peu encombrants. J'aimais profiter du dernier instant de calme, dans la matinée, parce que la solitude m'est aussi nécessaire, et puis je plongeais dans le bruit et l'agitation avec frénésie parce que je les aimais tous, ensemble et séparément. Et le dimanche soir, quand ils repartaient et que nous retrouvions à nouveau seuls avec Pierre, les murs raisonnaient encore des rires et des cris. Tout cela me manque aujourd'hui.

Summertime

Viendra-t-elle? Nous avions rendez-vous à quatre heures. Elle m'a semblé plus froide ces dernières semaines, quand nous nous voyions, comme si ma présence lui pesait, comme si nos moments passés ensemble n'étaient plus qu'une habitude vidée de tout sens. Les gestes étaient les mêmes mais ils avaient pris l'allure automatique de ceux que l'on fait sans y penser. Elle est en retard et cela ne lui ressemble pas. Dix minutes, c'est peu mais ça ne lui arrive jamais.

J'ai descendu les marches du perron pour qu'elle me voie, que nous n'attendions pas inutilement chacune de notre côté. Il faisait plus frais dans le grand hall carrelé de l'immeuble mais, si j'y étais restée, elle risquait de ne pas m'apercevoir. Elle n'aime pas attendre, elle devient vite désagréable si elle doit patienter. Heureusement, il y a un peu de vent dans la rue, il vient de la rivière, tout en bas, par où elle doit arriver. Avec ce temps, elle aura décapoté et la vitesse l'aura rendue hirsute. Elle aime sentir le fouet de l'air sur ses joues. J'ai bien fait de prendre mon chapeau. Il me protège les yeux et je trouve qu'il met bien en valeur le roux de mes cheveux que j'ai laissés libres et coiffés comme elle les aime.

Pourquoi suis-je aussi attachée à lui plaire? Elle, elle ne fait pas tant d'efforts. Dès le premier jour, celui de notre rencontre au bord de la rivière, il y a presque trois ans, j'ai compris qu'elle n'était qu'une somme de petits égoïsmes à vivre au quotidien. Pourtant, elle avait été très agréable ce jour-là. C'était en juillet, au début du mois, peu de temps après la fête nationale. C'est de là d'ailleurs que vient le surnom qu'elle m'a donné, parce que c'était un des premiers beaux jours de l'été. Elle m'appelle Summertime, elle m'appelait car maintenant elle ne prononce plus guère mon nom comme si connaître quelqu'un dans son intimité dispensait de le nommer.

Summertime, c'est joli, et je l'ai adopté tout de suite, comme tout ce qui venait d'elle, le bon comme le douloureux, ses bouffées de tendresse comme ses reculades inattendues, ses sourires comme ses mesquineries. J'ai été folle amoureuse d'elle, sans le lui avouer, surtout pas, de peur de la voir s'éloigner. Elle en a profité, souvent, se moquant même au lieu de rendre le sentiment. Mais il y avait aussi nos rendez-vous secrets, nos moments d'amour furtifs et intenses, le frisson que j'éprouvais lorsqu'elle me frôlait, les cris qu'elle me faisait pousser et qui s'échappait aussi de sa gorge dans une extase partagée. Le corps est plus simple: il accepte ce qu'on lui donne sans faire d'histoire.

J'ai mis du rouge sur mes lèvres car mon teint reste pâle cette année, je n'ai guère eu le temps de me faire dorer et si la robe blanche légère que j'ai passée met en valeur mes formes, elle risque aussi de m'affadir encore. Dessous, j'ai passé mon maillot une pièce, le noir, que l'on devine par transparence. Peut-être irons-nous à la piscine après. J'aimerais! Pouvoir dormir ainsi à côté d'elle au bord de l'eau puisque il nous est interdit de passer une nuit ensemble. Une voiture tourne le coin de la rue, en bas. J'y vois mal, le soleil m'éblouit. Non, ce n'est pas elle.

Lorsqu'elle m'avait annoncé qu'elle était mariée, j'avais trouvé cela plutôt intéressant: vivre une relation suivie sans les contraintes du quotidien! Que demander de mieux? Le mieux, c'est justement de pouvoir entendre l'autre respirer à côté de soi dans la chambre, de lui presser doucement le bras lorsqu'elle est en proie à un cauchemar qui la fait parfois gémir. Le mieux, c'est de ne pas constamment prendre garde au temps qui fuit. Le mieux, c'est ce à quoi je n'ai pas eu droit.

Il y a plus de vingt minutes que j'attends. Elle ne viendra pas, j'en suis certaine cette fois. Curieusement, cela me libère, comme si je venais de voir tomber de mes épaules un poids que je n'acceptais plus de porter. J'irai seule à la piscine, et je me laisserai regarder, sans penser toujours à ne pas déplaire. Je sais que je peux séduire. Je vois les regards qui me suivent parfois dans la rue. Ils m'amusent, ceux des hommes surtout, si sûrs de leurs charmes, si ridicules, si enfantins. Ils m'amusent et me rassurent parce que j'y découvre ma force. Je l'ignorais jusqu'ici.

Une seule chose cependant: je ferai en sorte d'éviter le bord de la rivière. Pour quelque temps.

(D'après le tableau d' Edward Hopper, Summertime, 1929)

dimanche 4 juillet 2010

Momentini

- Hier soir, repas à la Brasserie Georges, une institution où je n'avais pas mis les pieds depuis plus de vingt ans. Rien n'y a changé (il faut dire que l'établissement est classé) et l'on y mange toujours choucroute et omelette norvégienne. Pas de choucroute pour nous, un peu trop chaud pour ça, mais un bon steak tartare préparé devant nous dans les règles de l'art. Je l'aurais, pour ma part, aimé un peu plus "rafraîchi" et un peu plus épicé. Mais l'omelette norvégienne était sublime. Pincement au cœur en voyant que sa voisine illustre, la Mère Vittet, où j'allais plus volontiers, n'existe plus et qu'il semble que ce soit Ibis qui ait récupéré les murs.

- Canicule et alerte orange pour la journée d'hier dans le Rhône. Canicule, entièrement d'accord, mais alerte orange pour quelques coups de tonnerre et de l'eau de quoi mouiller à peine le trottoir. Principe de précaution quand tu nous tiens! On a aujourd'hui tellement peur de manquer le coche que l'on préfère stresser les gens par avance.

- Les Puces du Canal, ce matin, ne connaissaient pas l'affluence enregistrée cet hiver. Lyon s'est déjà vidé en ce début juillet. Conséquence agréable: un côté bon enfant davantage perceptible, des marchands décontractés qui ne font pas d'histoires si l'on photographie leur marchandise. J'ai acheté un porte-revues pour mettre dans mes nouvelles toilettes, du fer forgé noir sans fioritures, à la poignée de laiton et aux lignes simples et élégantes, ce qui est, somme toute, assez rare pour un porte-revues. Nous avons aussi rapporté des roses et des griottes cueillies dans un terrain vague jouxtant les Puces.

- Petit bonheur appréciable, et apprécié à sa juste valeur: la possibilité, ma mère ne sortant pas de la clinique aujourd'hui, de déjeuner en compagnie de Frédéric et de Jean-Claude. Repas simple, mais cela fait tellement de bien de ne pas avoir le programme de sa journée tout tracé par les contraintes que l'on s'impose soi-même (ou sa famille, ce qui est à peu près la même chose).

- Ce soir, petit détour par Saint-Louis pour une soirée cubaine animé par un orchestre de très bonne qualité. Le titre de la soirée: Guateque Cubano. Le programme de Tout l'monde dehors nous donne plus de précisions: Traditionnellement, à Cuba, le Guateque était une fête paysanne d'esclaves et de coupeurs de canne dans les exploitations sucrières. Par la suite les paysans ont pris l'habitude de se réunir tous les dimanches de midi à minuit, pour rire, boire, manger, chanter, danser et jouer de la musique.

- Demain, Jean-Claude n'étant pas disponible pendant deux jours, je continue le tri des choses à donner ou jeter et fais le grand nettoyage de la salle de bains avant finition. Cette salle de bains, je ne vous dis qu'une chose: une véritable œuvre d'art! Vais-je oser m'y laver?

Adieu, Centaure.

Laurent Terzieff est mort hier. En lisant la longue listes des films où il a été présent, je me rends compte que j'en ai vu bien peu. Un souvenir pourtant, inoubliable: le Centaure, dans Médée de Pasolini (1969) où le rôle titre était tenu par Maria Callas. En fait, il était davantage pour moi un acteur de théâtre et je suis heureux d'avoir pu assister au TNP de Villeurbanne à la représentation de sa dernière pièce: Philoctète. Frédéric et moi avions été subjugués par sa présence sur scène, par la force qui se dégageait de cette silhouette frêle et décharnée, alors même qu'il avait annulé les représentations de la semaine précédente pour raison de santé. Cela fait toujours un peu bête de dire de quelqu'un qui vient de disparaître que c'était un grand monsieur, mais Laurent Terzieff en était un.

samedi 3 juillet 2010

De quelques secrets anciens

Encore heureux qu'on va vers l'été, comme aurait dit Christiane Rochefort dans son roman en 1975 (Qui se souvient encore de cet auteur dont, à mon adolescence, je fus pourtant si friand?). On y va même à pas redoublés, vu le retard pris en juin qui nous fit croire presque chaque jour que la Toussaint était arrivée un peu plus vite que d'habitude. Juillet, chez nous, s'annonce pour l'instant caniculaire. Aussi ai-je pensé que quelques conseils sortis de l'antique sagesse populaire ne seraient pas de trop pour affronter les dangers de ces mois estivaux. Voici ce que vous recommande ce savoir-faire ancestral à propos des piqûres d'insectes:

Sur les piqûres de guêpes et d'abeilles, appliquez une feuille de poireau fendue et frottez. On peut remplacer la feuille de poireau par une touffe de pâquerettes, du suc de chardon ou des feuilles d'échalote, ou encore du persil.
Un cataplasme d'ail râpé soulage immédiatement de la douleur des piqûres d'insectes.


Vous ne direz pas que je ne fais rien pour vous!

Maintenant, je m'adresse exclusivement aux plus vieux de mes lecteurs, les jeunes étant priés de classer ce qui suit en lieu sûr afin de le retrouver en temps voulu. Amis quinqua. et plus, que faire si vous souffrez de rhumatismes? Rien de plus simple. Encore une fois, la sagesse de nos aïeux vous donne quelques conseils:

Pour soulager les parties rhumatisantes, appliquez régulièrement des cataplasmes de vinaigre, ou une décoction d'orties blanches. Certains utilisent les orties en friction énergiques sur les parties douloureuses. La soupe de céleri jouit elle aussi d'une solide réputation d'efficacité dans le soulagement des rhumatismes.

Le premier qui teste une de ces recettes en informe les autres?

Et pour finir, deux petits dictons de saison:

Juillet ensoleillé
Remplit caves et greniers.

Juillet sans orage,
Famine au village.

vendredi 2 juillet 2010

C'est parti !

Vacances. Les vraies, les longues, depuis cet après-midi! Je suis un peu comme un gamin, ravi d'être enfin libre et un peu triste de quitter mes petits camarades. Mais je m'en remets en général très vite.

Pas de projet de déplacements cette année. Je n'ai pas encore pu joindre Noëlle pour une semaine dans la Creuse. Ce sera plutôt travaux: j'aimerais qu'à la rentrée, après le dressing, les toilettes et la salle de bains, la cuisine soit opérationnelle. Il me faudra aussi tout remettre en place, nettoyer, enlever la poussière répandue partout, faire quelques va-et-vient jusqu'à la déchetterie du 7°. Je veux aussi à tout prix me débarrasser de mes spécimens scolaires ainsi que d'un grand nombre de cassettes vidéo, films enregistrés par moi et pas vus pour la plupart.

J'aimerais aussi mettre en lieu sûr, par un legs à la médiathèque de Valence, les archives d'une communauté de travail très célèbre dans cette ville et qui sont en ma possession après avoir été données à Pierre. Je tiens beaucoup à ce que tous ces documents, mémoire encore vive d'une expérience d'autogestion ouvrière, ne soient ni éparpillés ni détruits. J'ai longuement travaillé sur ces feuillets au moment de la thèse d'état de Pierre, en particulier sur les Cahiers des "Groupes de Quartier", et je me suis attaché aux gens qui les ont écrits ou à ceux que l'on retrouve au fil des pages, comme cette Lolotte que l'on suit de sa communion à son premier enfant, si je me souviens bien. Il faudrait que je profite de cet été pour mener à bien cette tache, de même que pour mettre à jour mon dossier de retraite dont trois années (douze trimestres) sont absentes pour régime de cotisation différent.

Pour l'instant, j'ai des envies de lecture, de sommeil, de repos, principalement. D'ailleurs la canicule qui régnait aujourd'hui sur Lyon et qui risque de se prolonger jusqu'à ce dimanche, n'incite pas à être très actif. Alors, je vais laisser la barque descendre le fleuve, libre, sans entrave, accélérer parfois, parfois hésiter dans une anse, s'arrêter un instant avant de reprendre son lent cheminement. Carpe diem (noctemque)!